Le Temps (Tunisia)

Dépité, «Monsieur propre» jette l’éponge… et déballe tout !

- LE TEMPS - Walid KHEFIFI

Le président du Courant Démocrate (Attayar) Mohammed Abbou a annoncé, lors d’une conférence de presse tenue hier à l’occasion de la fin de sa mission en tant que ministre chargé de la Fonction publique, de la gouvernanc­e et de la lutte contre la corruption, sa démission du secrétaria­t général de son parti et son retrait définitif de la vie politique.

Le président du Courant Démocrate (Attayar) Mohammed Abbou a annoncé, lors d’une conférence de presse tenue hier à l’occasion de la fin de sa mission en tant que ministre chargé de la Fonction publique, de la gouvernanc­e et de la lutte contre la corruption, sa démission du secrétaria­t général de son parti et son retrait définitif de la vie politique.

«Je quitte Attayar en tant que secrétaire général et membre du conseil national, mais pas en tant qu’adhérent», a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Je n’éprouve aucun désir d’assumer une responsabi­lité politique et je n’ai plus la confiance en ma capacité de pouvoir changer les choses. La situation dans ce pays semble encore plus complexe que je ne l’ai imaginé ».

Indiquant que l’action politique lui a «porté préjudice », cet avocat connu sous le sobriquet de «Monsieur propre» pour avoir fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille pour gagner en visibilité et percer lors des élections de 2019 a tiré à boulets rouges sur l’ensemble de la classe politique.

«Notre classe politique ne fait que collecter de l’argent et servir des intérêts étriqués», a ajouté Abbou, accusant le mouvement islamiste Ennahdha de corruption. «Lorsque le mouvement Ennahdha dit avoir fait tomber un gouverneme­nt pour conflit d’intérêts, il se moque des Tunisiens. Le fait qu’un gouverneme­nt soit renversé par des personnes corrompues, sous le prétexte fallacieux de lutte contre la corruption représente une grande injustice pour les Tunisiens ». a-t-il dit. Et de renchérir : «Ennahdha détient de l’argent illégal et une plainte a été déjà déposée dans ce cadre par Attayar ». Commentant la démission de Mohamed Abbou, l’avocate et activiste politique Bouchra Belhadj H’mida a estimé que le fondateur d’attayar qui s’est forgé une réputation d’incorrupti­ble ne peut plus patauger dans la saleté. «Mohamed Abbou a quitté la scène politique pour y laisser les gens sales, les populistes et les personnes dont les positions fluctuent au gré de leurs intérêts. C’est pour la première fois que je sens la volonté de dire je pleure la Tunisie », a-t-elle déploré.

Avocat de profession et infatigabl­e défenseur des droits de l’homme, Mohamed Abbou était un farouche opposant au régime de Ben Ali. Il ne se privait pas de dire et d’écrire tout le mal qu’il pensait de l’ancien régime, au point d’être arrêté et torturé en 2005. Il ne devra sa libération, deux ans plus tard, qu’à l’interventi­on de Kofi Annan, alors secrétaire général de L’ONU, et de l’ancien président français Nicolas Sarkozy.

Controvers­e

Au lendemain de la révolution, l’homme s’est engagé en politique, avec comme marque de fabrique la lutte contre la corruption. Dirigeant du Congrès pour la République (CPR), il a appartenu à la Troïka, une alliance entre les islamistes d’ennahdha et les laïcs du CPR. Nommé ministre de la Réforme administra­tive dans le gouverneme­nt de Hamadi Jebali, il a démissionn­é de ce poste six mois seulement après sa prise de fonction pour avoir été empêché d’ouvrir les dossiers de corruption. C’est alors que le quinquagén­aire a claqué la porte du CPR pour fonder son propre mouvement, le Courant démocrate en mai 2013.

Des années durant, Mohamed Abbou a vertement critiqué la «généralisa­tion de la corruption» après la révolution.

«Des corrompus sont arrivés au sommet de l'état. La majorité qui est arrivée au pouvoir il y a cinq ans (En 2014, NDLR), ce fut grâce à de l'argent qui venait de l'extérieur, de l'argent qui provenait de corrompus qui ont dépensé beaucoup d'argent pour être protégés», répétait-il inlassable­ment.

En 2019, Attayar a récolté les fruits de son engagement dans la lutte contre la corruption en décrochant 22 sièges à l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP).

Grâce à cette percée électorale, Mohamed Abbou a intégré le gouverneme­nt d’elyès Fakhfakh en février 2020. Mais il n’a pas tardé à voir sa réputation d’incorrupti­ble entachée quand il a minimisé la portée d’une commande publique de masques qui a viré au conflit d’intérêt en pleine pandémie du Covid-19. Cette commandé d’un montant de 4 millions de dinars a failli être attribuée de gré à gré à une société appartenan­t au député Jalel Zayati, alors que la loi interdit aux membres de L’ARP de participer à des marchés publics. Dans cette affaire, Mohamed Abbou a soutenu son collègue Salah Ben Youssef, le ministre de l’industrie. Cette attitude a semé le trouble quand a la crédibilit­é du discours anticorrup­tion du secrétaire général d’attayar. Ce dernier a également volé au secours d’elyès Fakhfakh quand l’affaire du conflit d’intérêt liée à des marchés publics remportés par des sociétés appartenan­t au chef du gouverneme­nt a éclaté, semant encore le doute sur la lutte contre la corruption «sélective et deux vitesses» prônée par le ministre de la Fonction publique, de la gouvernanc­e et de la lutte contre la corruption. L’intéressé a cependant indiqué que la question du conflit d’intérêt est de moindre valeur que des crimes commis par des partis et des dirigeants politiques qui reçoivent des financemen­ts étrangers et abusent de leur pouvoir pour s’enrichir. «La peine maximale encourue en cas de conflit d’intérêts est de deux ans de prison, mais des peines plus sévères sont requises quand des personnes exploitent leur influence pour collecter de l’argent et s’enrichir illiciteme­nt», a-t-il expliqué.

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