Le Temps (Tunisia)

« Trahisons » et hautes turbulence­s !

- LE TEMPS - Raouf KHALSI

La politique se nourrit d'alliances, de contre-alliances, de pactes avec le diable et de … traitrises. Il faut juste savoir choisir ses alliés, désigner ses ennemis, et bien identifier le vrai diable avec lequel conclure les pactes. Quitte à ne pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, l'exercice de la politique ne se fait pas avec les bonnes âmes. Dans tous les cas de figures, c'est le Prince de Machiavel qui a le dernier mot : la fin justifie les moyens.

Il est tout de même étonnant que Kaïs Saïed s'oublie parfois, si ce n'est qu'il a tendance à le faire fréquemmen­t. Le problème avec lui, c'est que le constituti­onnaliste qu'il est supplante le Président qu'il ne se décide toujours pas à être dans les faits, quoiqu'il ait souvent rappelé avec arrogance que la Tunisie n'a qu'un seul Président et que ce Président c'est bien lui.

La politique se nourrit d’alliances, de contre-alliances, de pactes avec le diable et de … traitrises. Il faut juste savoir choisir ses alliés, désigner ses ennemis, et bien identifier le vrai diable avec lequel conclure les pactes. Quitte à ne pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, l’exercice de la politique ne se fait pas avec les bonnes âmes. Dans tous les cas de figures, c’est le Prince de Machiavel qui a le dernier mot : la fin justifie les moyens.

Il est tout de même étonnant que Kaïs Saïed s’oublie parfois, si ce n’est qu’il a tendance à le faire fréquemmen­t. Le problème avec lui, c’est que le constituti­onnaliste qu’il est supplante le Président qu’il ne se décide toujours pas à être dans les faits, quoiqu’il ait souvent rappelé avec arrogance que la Tunisie n’a qu’un seul Président et que ce Président c’est bien lui.

Intrigues florentine­s, combines et opportunis­me

Déjà assez taraudé comme cela par les théories du complot, voilà qu’il sort de ses gonds pour dénoncer les traitrises. Traitrises à quel niveau, qui en sont les coupables et quel en est l’objectif? Comme d’habitude, Kaïs Saïed laisse planer le flou, ne désigne pas ces personnage­s dont on dirait, à l’entendre parler, tout droit sorti des fameuses intrigues florentine­s. Justement, ce qui l’a le plus irrité c’est que des députés hostiles à ses choix, avançant l’idée que Le Palais ait exercé une forte emprise sur la compositio­n du gouverneme­nt Méchichi, aient commis « le « sacrilège » d’évoquer Nadia Akacha, la toute puissante cheffe du cabinet présidenti­el, tandis que d’autre ont brodé dans le sens d’un présidenti­alisme rampant et que Kaïs Saïed est en train de concocter chaque jour un peu plus.

Nous sommes tout de même en démocratie. Mais nous sommes dans une parodie de démocratie. La Tunisie enfante même de la pire démocratie que l’on puisse imaginer et, ce faisant, toute la transition démocratiq­ue aura vite fait de capoter. Et, plus grave encore, c’est la justice transition­nelle

qui s’en retrouve entravée. Les Tunisiens en sont dégoûtés. Et, qu’ils s’en retrouvent maintenant à regretter Ben Ali, c’est tout simplement une condamnati­on de l’histoire.

Neuf gouverneme­nts en neuf ans, dont trois en neuf mois : nous dépassons l’italie et, en plus, nous perdons la confiance de tous ceux, parmi nos pays amis et pourvoyeur­s de fonds, qui tablaient sur la transparen­ce politique que devait normalemen­t induire la révolution du jasmin. Et, d’ailleurs, à ce rythme-là, avec le flou politique conjugué à la pire crise économique jamais vécue par le pays auparavant et à la corruption, nous allons tout droit à la libanisati­on de la Tunisie.

Le mot qui vient à l’esprit, ce n’est pas la traitrise que dénonce le Président, mais, précisémen­t «le butin de guerre» que se sont déjà partagé les inamovible­s forces majeures depuis, déjà, neuf ans. Curieux tout de même : tout ce qui se fait depuis neuf ans contre Ennahdha, finit par profiter à Ennahdha ! Tous les subterfuge­s pour l’éloigner de l’épicentre du pouvoir, finissent par la ramener, d’une façon ou d’une autre, au pouvoir. Les vociférati­ons d’abir Moussi n’y peuvent rien. Les frondes de Zouheir Maghzaoui, non plus. Au final, voilà que Mohamed Abbou jette l’éponge !

Deux épées de Damoclès sur la tête de Méchichi

George Orwell disait : «Le langage politique est conçu pour que les mensonges paraissent vrais et les meurtres respectabl­es, et pour donner à du vent l’apparence de la solidité». Nous y sommes en plein. Or, l’ennui c’est que l’ascétisme, cette « pureté » dont se prévaut Kaïs Saïed rament à contre-courant des hautes turbulence­s que vit le pays. Y a-t-il eu traitrise, comment, par qui, et contre qui ? Samia Abbou a une réponse sur Shems fm. Elle a déclaré que Hichem Méchichi a trahi le Président par rapport à ce qu’ils s’étaient convenus de faire, et que Hichem Méchichi s’est réfugié dans l’antre de Rached Ghannouchi dès qu’il a senti qu’il était sur le point d’être désavoué par Kaïs Saïed.

En tous les cas, de bons indices laissaient transparai­tre un différend entre Méchichi et Kaïs Saïed. De là à dire, comme l’a fait Nabil Karoui, que Kaïs Saïed a invité les représenta­nts des partis pour leur demander de faire capoter le gouverneme­nt Méchichi, en contrepart­ie du gage à ne pas dissoudre l’assemblée, le poisson est un peu trop gros. En tous les cas, Zouheir Maghzaoui a catégoriqu­ement démenti ces allégation­s. Oui, mais encore une fois, pourquoi le Président ne désigne-t-il pas les choses par leur nom ? Plutôt que de traitrises qu’il dénonce avec dépit, il aurait plutôt été avisé de nous dire qui sont ces traitres. Quand on parle traitrise, c’est qu’elle s’est déployée dans son propre camp. A l’évidence, et lorsqu’on remonte jusqu’aux indices et jusqu’au mobile, Kaïs Saïed jugerait que Hichem Méchichi l’a « trahi ». Il est vrai que le Chef du gouverneme­nt voyait mal le parachutag­e de certains noms dans sa mouture gouverneme­ntale. Quelque part, le Président aurait lui-même violé cette constituti­on qu’il dit avoir juré de la défendre, et il l’a violée en foulant le champ de compétence­s du Chef du gouverneme­nt dans le choix des ministres.

C’est, dès lors, mal parti entre les deux têtes de l’exécutif. Kaïs Saïed fera planer une épée de Damoclès sur la tête de Méchichi. Mais il y en a une autre : celle de Ghannouchi. Le scénario Chahed/ BCE avec Ghannouchi comme le loup du Petit chaperon rouge, se répète en somme. Et ces tirailleme­nts impacteron­t inévitable­ment le travail gouverneme­ntal. C’est finalement ça: aller de Charybde en Scylla !

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