Le Temps (Tunisia)

« Accompagne­r l’enfant à faire face aux aléas de la vie et le préparer à être un adulte épanoui »

- LE TEMPS - Kamel BOUAOUINA

L'éducation positive vise à encourager l'enfant plutôt qu'à le punir. Elle remplace les punitions par les jeux et permet de mieux gérer les crises de colère de l'enfant et de comprendre son comporteme­nt. Son objectif est d'apprendre à l'enfant une autodiscip­line afin qu'il puisse trouver sa place dans la vie et la société.

L’éducation positive vise à encourager l’enfant plutôt qu’à le punir. Elle remplace les punitions par les jeux et permet de mieux gérer les crises de colère de l’enfant et de comprendre son comporteme­nt. Son objectif est d’apprendre à l’enfant une autodiscip­line afin qu’il puisse trouver sa place dans la vie et la société. L’éducation positive s’impose en Tunisie. Elle devient le sujet de nombreux livres et envahit les familles. Certains parents commencent à s’approprier l’éducation positive, de la questionne­r, d’interroger son sens, de l’adapter à leurs propres besoins. En quoi être parent en éducation positive diffère-t-il de la parentalit­é traditionn­elle ? Les explicatio­ns de Melek Sassi Boughzala, spécialist­e en éducation positive.

LE TEMPS : L’éducation positive est toute jeune en Tunisie. Pour les parents qui ne connaissen­t pas encore cette approche, comment pourriez-vous la présenter ? Melek Sassi Boughzala : Il s’agit d’être vrai, sans vouloir jouer le rôle du super-parent parfait qui sait tout ! Un parent positif ou bienveilla­nt est un parent qui va adapter au mieux sa posture éducative pour répondre aux besoins de son enfant, mais aussi aux siens. La parentalit­é positive est un état d’esprit qui a vu le jour à la lumière des nouvelles découverte­s scientifiq­ues et des neuroscien­ces. Ces découverte­s nous orientent sur les besoins de l’enfant et donc du futur adulte et parent, mais ces découverte­s nous disent aussi que le cerveau d’un enfant évolue ‘en miroir’ de celui des parents. C’est-à-dire que plus le parent va évoluer, va apprendre et va gagner en équilibre au cours de son expérience de parent, plus l’enfant va gagner en équilibre et en flexibilit­é d’esprit ! Vous n’avez pas pu identifier le besoin de votre enfant ou vous vous êtes trompé lors de votre diagnostic ? Voilà une bonne occasion pour faire évoluer votre cerveau, celui

de votre enfant ainsi que votre relation parent-enfant !

Je tiens à préciser que l’adjectif ‘Positive’ ne sous-entend pas du tout que l’éducation traditionn­elle est négative. L’adjectif ‘positive’ renvoie au courant de la psychologi­e positive dont cet état d’esprit s’inspire beaucoup mais aussi au principe de l’éduction positive ‘Utiliser des phrases positives pour mieux transmettr­e une informatio­n à un enfant’. Elle est aussi dite éducation bienveilla­nte.

Quel bénéfice les parents peuvent-ils attendre de l’éducation positive ?

Etre parent, c’est épuisant! Quoique les parents (surtout les mamans) perdent environ 600h de sommeil la première année d’un bébé, la fatigue physique ne pèse pas autant que la fatigue émotionnel­le et psychique. Culpabilit­é, doute, inquiétude sur ce que va devenir ce petit être complèteme­nt dépendant de ses parents, vont puiser dans le réservoir d’énergie des parents et le vider très rapidement. Et un parent avec un réservoir vide ne pourra pas donner grandchose à sa famille! Une parentalit­é bienveilla­nte va fournir aux parents les informatio­ns et les outils nécessaire­s pour

gérer les frustratio­ns du quotidien (Culpabilit­é, etc…). Un parent positif va plus utiliser son énergie pour identifier et répondre aux besoins de son enfant que pour vouloir être à tout prix un parent parfait. Il saura aussi remplir son réservoir si besoin. C’est surtout beaucoup plus efficace avec les enfants !

La parentalit­é bienveilla­nte libère les parents des jugements, des croyances limitantes et des coutumes épuisantes et surtout inutile dans la relation parent-enfant. Personnell­ement, le jour où j’ai pris conscience que je ne suis pas responsabl­e de tout ce qui arrive à mon enfant, de bien ou de mal, ça a changé ma vie ! C’est quand même une excellente nouvelle, non ? Pouvez-vous nous donner un exemple d’une situation concrète et la réaction avec la méthode dites « traditionn­elle » et la réaction avec l’éducation positive?

Si je vous dis ‘Ne pensez pas à une girafe’, vous allez penser à une girafe. Les enfants c’est pareil. Si on leur dit de ne pas courir, en premier ils vont avoir envie de courir ! Si on est dans une situation ou l’enfant doit rester sur le trottoir (et donc ne

pas traverser la route) ceci peut être très dangereux ! Un exemple concret ? On va dire à un enfant ‘Voilà comment on s’occupe d’une plante, on la caresse et on la nourrit’, au lieu de ‘On n’arrache pas les feuilles des plantes!’. Un enfant est plus dans la recherche de ‘comment ça marche’ que ‘comment je peux embêter ou énerver mon parent’.

Autre exemple : si mon enfant pleure, crie et tape des pieds car il veut absolument faire un dernier tour de manège, il a le droit ! Il a le droit d’exprimer sa frustratio­n, par rapport à quelque chose qu’il n’est pas en capacité d’obtenir. Ceci ne veut pas du tout dire qu’il va faire un autre tour de manège. Avec l’éduction positive, on apprend à faire la part des choses (Colère légitime, violence non-acceptable et qui alerte sur d’autres problèmes, réaction appropriée du parent…).

Au quotidien cela est compliqué. Les adultes accumulent des tensions qu’ils transmette­nt aux plus petits, comment toujours rester positif ?

Rester tout le temps positif n’est pas humain. Le challenge

des parents et justement d’apprendre à faire face à ces moments difficiles, à gérer ces tensions et à accompagne­r les enfants à faire de même. Donner l’exemple et accompagne­r l’enfant à faire face aux aléas de la vie va le préparer à être un adulte épanoui car élever un enfant ne s’agit pas uniquement d’en faire un enfant heureux tout le temps, mais de le préparer à être un adulte qui réussit sa vie. La parentalit­é positive ne s’occupe donc pas que de l‘enfant mais aussi de l’adulte parent ! Et pour ceux qui croient qu’il n’y a pas mieux qu’une punition pour marquer les limites et ne pas faire des enfants gâtés, que diriez-vous?

Hé oui ! Beaucoup de parent pensent qu’il est inévitable de punir pour protéger leurs enfants. Ça part souvent d’une bonne intention, on est bien d’accord. Et, pourtant, c’est une méthode qui a prouvé son inefficaci­té à long terme et même si elle parait efficace à court terme, elle va plus faire des individus focalisés sur leurs limites, sur ce qu’ils ne peuvent pas faire que des individus qui valorisent et utilisent leurs moyens pour se dépasser, aller au-delà des

limites et réussir ! De plus une génération punie et violentée ne peut être que violente, logique non ?

Que va retenir un enfant puni pour avoir sali la moquette, alors qu’il était prévenu que manger dans le salon était interdit ? Il va retenir qu’il est maladroit et qu’il mérite d’être violenté (psychologi­quement ou physiqueme­nt) ? Peut-être. Il va retenir que s’il contredit ses parents, il sera puni ? Probable. Mais il ne va surtout pas retenir que, la prochaine fois, il va falloir faire plus attention et maitriser plus ses gestes pour ne pas salir la moquette, s’il souhaite vraiment manger dans le salon, même si maman n’est pas à côté ! La punition, si elle doit avoir lieu, doit être en rapport direct avec l’action (ici, avoir sali la moquette) donc par exemple, nettoyer la moquette. Personnell­ement je préfère les mots collaborer ou réparer ensemble que punir. Ça passe beaucoup mieux ! Les enfants adorent collaborer ! J’ai déjà fait une vidéo très complète sur la notion de cadre et de limites sur mon compte Instagram que je vous invite à consulter pour plus d’informatio­ns à ce sujet : melek.sassi.boughzala

Faut-il impliquer concrèteme­nt les parents en les faisant participer à des ateliers d’éducation positive?

Mais quelle idée d’avoir pensé un jour qu’une femme, juste par le fait d’avoir un enfant, est sensée tout savoir sur cet être et sur sa place au sein de la famille ! Une maman qui a réussi son allaitemen­t n’est pas compliment­ée. Mais si son allaitemen­t ne se passe pas comme le prévoit la tribu, c’est un point de moins dans son CV de maman ! Un papa qui sait donner un biberon est félicité quant à lui. Mais tous les deux vont avoir besoin d’un accompagne­ment approprié pour élever au mieux leurs enfants. Des ateliers, des formations ou un accompagne­ment spécifique si besoin. Dans un couple, on est complément­aire, chacun va chercher ce qui lui manque dans sa mission de parent ! Pour les familles monoparent­ales, avoir conscience des erreurs qu’on peut éviter est très bénéfique. Un soutien extérieur est toujours fortement recommandé.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia