Un séisme démocratique !
La démocratie se limite-t-elle à des élections, une fois tous les cinq ans ? La démocratie est-elle: " Dites tout ce que vous voulez, mais je fais tout ce que je veux ! " ? Estelle : " Les chiens aboient et la caravane passe ! " ? Qu'ont gagné vraiment les Tunisiens et les Tunisiennes de leur révolution ?
La démocratie se limite-t-elle à des élections, une fois tous les cinq ans ? La démocratie est-elle: " Dites tout ce que vous voulez, mais je fais tout ce que je veux ! " ? Est-elle : " Les chiens aboient et la caravane passe ! " ? Qu'ont gagné vraiment les Tunisiens et les Tunisiennes de leur révolution ? Depuis environ dix ans, le chômage a-t-il baissé ? Les territoires oubliés et déshérités de la République ont-ils enfin retrouvé une certaine justice pour faire partie de la communauté nationale ? Le pouvoir d'achat des Tunisiens s'est-il amélioré ? Le pays est-il moins endetté ? La pauvreté a-t-elle reculé ? La croissance a-t-elle augmenté ? La migration illégale a-t-elle enfin pris fin ? Le Tunisien est-il plus en sécurité, plus heureux et plus épanoui ? Les parents sont-ils plus confiants pour l'avenir de leurs enfants ? Les gouvernés sont-ils satisfaits de leurs gouvernants ?
"Méfiez-vous ! Le peuple est en colère ! Il risque de nous chasser prochainement. Il est grand temps de répondre aux attentes légitimes des Tunisiens ...", ont tenu à reconnaître certains députés lors du débat parlementaire du vote de confiance au gouvernement Méchichi.
Qu'attendent-ils alors pour passer à l'acte ? Écoutons la " crème de la crème " de la réponse du député d’ennahdha, Samir Dilou, lors de ce même débat pour justifier la position de son mouvement concernant le soutien au nouveau chef du gouvernement : " Nous vous donnons nos voix, mais pas notre confiance ! "
Crise de confiance majeure
Voilà pourquoi le fossé n'a pas cessé de se creuser, depuis environ une dizaine d'années, entre le peuple et ses gouvernants. Une crise de confiance sans précédent, secoue et ravage, en effet, la relation entre les Tunisiens et leurs représentants qui, une fois élus, tournent totalement le dos à ceux qui les ont élus et qu'ils sont censés défendre. Tout un mur sépare les Tunisiens de leurs gouvernants. Il suffit de faire un petit tour devant ces grandes surfaces pour découvrir deux Tunisie : une qui peine à survivre et à faire ses courses, et l'autre, en grosses berlines, décharge des caddys débordants de marchandises de luxe... Dans la Capitale, des jeunes sillonnent les rues et errent d'un coin à l'autre. Des mendiants de plus en plus nombreux. Une pollution atmosphérique et sonore envahit plusieurs endroits de la Capitale. Des passants aux visages ternes et aux regards éprouvés attendent dans les stations l'arrivée des bus publics chargés comme des boîtes à sardines. La verdure n'a plus droit de cité dans la Tunisie Verte ! Le Tunisien est de moins en moins souriant.
La classe moyenne, qui a toujours été une fierté de la Tunisie, depuis les années soixante-dix, est en train,
elle aussi, de se réduire comme peau de chagrin. La pauvreté se situe autour de 1,7 millions. Il faut lui ajouter les nouveaux 380.000 pauvres de cette année, une augmentation due essentiellement à la pandémie du Coronavirus. L'inflation autour de 7,5 % affecte gravement le pouvoir d'achat. La masse salariale représente 70% des ressources de l'état. Le pays compte 700.000 fonctionnaires alors qu'ils n'étaient qu'environ 400.000 avant la révolution. Résultat : 75% des recettes de l'état sont consacrés aux salaires. Il ne lui en reste que 25% qui doivent être alloués à la santé, à l'éducation, aux infrastructures, au social, à l'enseignement supérieur, à la culture et à tous les autres secteurs.
L’état s'endette pour payer les fonctionnaires. Le nombre des chômeurs s'élève à 746.000 dont 36,1% sont des jeunes. À cause du Coronavirus, on s'attend à plus d'un million de chômeurs. Toutes les entreprises sont en train de tirer la sonnette d'alarme et le tourisme est en berne.
Toutes nos entreprises publiques sont déficitaires. Même la RNTA (Régie nationale des tabacs et des allumettes) qui a pourtant le monopole de la culture, de la production et de la distribution du tabac, est déficitaire ! Bien entendu pour laisser le champ libre au secteur parallèle et aux voyous de la contrebande. Le déficit de nos entreprises publiques s'élève à 8 milliards de dinars.
La corruption bat son plein
En revanche, la corruption bat son plein à tous les niveaux, elle se conforte de jour en jour et s'organise pour renforcer ses pouvoirs opaques et occultes avec la complicité des partis politiques. Des conflits d'intérêts affectent les plus hauts sommets de l'état. Les productions de phosphate et de pétrole sont bloquées. L'impunité, la guerre des clans, le régionalisme
et le favoritisme s'installent sous la couverture d'une démocratie totalement coupée du peuple. De faux débats inutiles et farfelus animent les plateaux de télévision pour détourner l'opinion publique de ses vrais problèmes et de ses préoccupations légitimes.
Le petit peuple est, ainsi, livré à lui-même, un État affaibli, une administration asphyxiée, un chaos généralisé, dix chefs de gouvernement désignés en moins de dix ans, un exécutif à trois têtes et des partis politiques dont le seul souci est de se partager et de piller les richesses du pays. A cela s’ajoute un parti islamiste plus soucieux des intérêts des frères musulmans que de ceux de la Tunisie, et un chef de l'état qui peine à mettre son costume présidentiel et à jouer son rôle majeur de rassembleur et d'autorité morale et politique, un parlement transformé en un manège, des scandales à répétition... Tout cela, hélas, provoque autant de dommages, de dégâts, de grabuges, de chaos et de bavures graves du passif de dix années de bricolage démocratique et de tricotage légaliste sur fond d'un régime parlementaire soigneusement mis sur mesure en vue de perpétrer une dictature des partis conduite par un mouvement islamiste pour qui la démocratie n'est qu'un instrument pour arriver au pouvoir. C'est dans ce cadre qu'il faut appréhender, à sa juste valeur, la crise de confiance qui secoue actuellement la Tunisie. Un peuple hostile à ses gouvernants, aux partis politiques traditionnels, aux institutions républicaines, au vote et même à la démocratie. Un sentiment de dégoût, de morosité, de déception, de vengeance et de colère. Un séisme démocratique susceptible de briser le rêve de tout un peuple qui a tant sacrifié et tant attendu pour qu'enfin ses gouvernants donnent l'exemple des valeurs morales d'intégrité et de probité, lui soient dévoués, proches de ses aspirations et toujours à son écoute. Quel cauchemar !