A quoi ça sert… l'etat ?
Le Temps-ahmed NEMLAGHI
Un politicien chevronné qui a roulé longtemps sa bosse, et a vu des vertes et des pas mûres, a tenu à son ami, à peu près ce langage, sur un ton sûr : «La politique est un sacerdoce, et c’est dur de ne pas savoir toutefois, où elle peut mener. Même pour le plus grand visionnaire, il y a toujours une part de mystère. C’est pour cela, a-t-il poursuivi, qu’il ne faut compter sur personne, même s’il s’agit de ses plus grands amis. Ils retourneront casaque au dernier moment en cherchant surtout leur intérêt. Ce dernier peut mener jusqu’à la haine et la trahison». Son ami qui l’écoutait benoîtement lui répondit que «ce sont ceux qui cherchent à pêcher en eau trouble qui agissent de la sorte, car ils ne peuvent faire autrement. Etant conditionnés préalablement, ils n’agissent pas, bien sûr, spontanément. Ils sont pareils à des machines téléguidées, qu’on dirige vers n’importe quel côté. Pour eux tout est égal pourvu que leurs intérêts soient préservés».
Le politicien restant coi, dans une situation entre le pour soi et l’en soi que Sartre lui-même n’aurait pu définir le pourquoi, dit à son interlocuteur toujours Benoit : « Mon cher ami, l’intérêt général n’a rien à voir avec la politique, ni l’etat. Les membres de ce dernier font toujours croire aux valeurs du bien, du juste et du beau, alors qu’en réalité il n’y a pas de vraies valeurs quand tout est truqué, falsifié, dénaturé. Dès lors il n’y a pas de vraie vérité. A quoi ça sert donc, l’etat ? à instaurer la justice pardi ! Mais la justice est altérée tant que persistent les querelles pour des intérêts privés. La classification de la cité idéale par Platon, entre producteurs gardiens et magistrats, semble dépassée. Aujourd’hui nous rencontrons trois catégories : les commandeurs, les magouilleurs et les profiteurs. Ils sont strictement liés comme des vases communicants. En fait, nous sommes face à une équation à une inconnue : le citoyen. Ce dernier est partout et nulle part. Il peut se trouver dans les rangs des commandeurs comme dans celui des magouilleurs. C’est la situation à laquelle on est arrivé aujourd’hui, et elle a tendance à perdurer, tant que cette équation n’est pas résolue. On ne peut voir la vie en rose, que lorsqu’on se place face aux réalités des choses, afin de séparer le bon grain de l’ivraie et distinguer le faux du vrai.