Gabegie, désordre et amateurisme
Les limogeages en cascade que connait la diplomatie tunisienne sont-ils dignes d'un pays qui a toujours voulu être un exemple dans ses espaces proches et lointains ? Comment expliquer l'absence du chef de l'état dans les plus grandes manifestations et rencontres internationales ?
Les limogeages en cascade que connait la diplomatie tunisienne sont-ils dignes d’un pays qui a toujours voulu être un exemple dans ses espaces proches et lointains ? Comment expliquer l’absence du chef de l’état dans les plus grandes manifestations et rencontres internationales ? Comment expliquer l’absence d’ambassadeur et de consul général de Tunisie dans la Capitale française depuis environ une année ? La Tunisie, qui abrite prochainement le Congrès de la Francophonie, profite-t-elle vraiment de cet important événement international pour attirer et séduire les investisseurs et les touristes étrangers ? Notre diplomatie n’est-elle pas, en fait, le reflet de cette Tunisie qui marche sur sa tête ? La récréation n’a-t-elle pas trop duré et qu’il grand temps pour remettre de l’ordre dans la Maison Tunisie ?
Lors de son premier voyage à l’étranger, pour assister aux obsèques du sultan Qabous, à Oman, le chef de l’état semble avoir été impressionné par le jeune diplomate Noureddine Erray en poste à Mascate. C’est Kaïs Saïed lui-même qui rappelle Noureddine Erray pour le nommer à la tête du ministère des affaires étrangères. Il vient d’être limogé il y a quelques semaines. Il semble que le courant entre lui et la directrice de cabinet du président de la République passe très mal.
Décisions au pied-levé
Le chef de l’état avait, déjà, à son actif le limogeage brutal d’un autre ministre des affaires étrangères, Khémaies Jhinaoui alors qu’il aurait pu attendre pour le remplacer, juste quelques semaines, dans le nouveau gouvernement qui était en train de se former. Cause de ce départ précipité : Khémaies Jhinaoui avait été à la tête du bureau de liaison de Tunisie à Tel Aviv ! Comme s’il avait décidé luimême de représenter, en Israël, les intérêts de la Tunisie qui abritait, à son tour, un bureau israélien de liaison à Tunis, suite aux accords d’oslo. Bien sûr, dans sa campagne électorale, Kaïs Saïed qualifiait la normalisation avec Israël comme étant «une haute trahison!».
Toujours pressé, le président de la République a limogé depuis plusieurs mois, notre ambassadeur et notre consul général à Paris. C’est ainsi que la France, notre premier partenaire économique commercial et culturel et où vit la plus grande communauté des Tunisiens à l’étranger, était sans représentation diplomatique et consulaire ! Près d’une douzaine d’autres capitales attendent l’arrivée des diplomates tunisiens qui tardent à venir !
La grogne semble gagner la diplomatie tunisienne ces derniers temps à cause des nouvelles nominations du corps diplomatique. Dans ce contexte, deux anciens directeurs généraux de la sécurité viennent d’être nommés pour représenter la Tunisie, l’un à la Haye et l’autre à Strasbourg. L’un pour représenter la Tunisie à la Cour internationale de Justice de L’ONU, l’autre à Strasbourg qui est le siège du Parlement
européen, du Conseil de l’europe et de la Cour européenne des Droits de l’homme. Elle est également la deuxième ville diplomatique en France après Paris. D’autres nouvelles nominations dans le corps diplomatique sont, également, contestées au sein du ministère des affaires étrangères. Des remous qui sont loin de redonner à la diplomatie tunisienne sa grandeur et sa splendeur, auprès de nos amis et de nos partenaires étrangers.
La diplomatie tunisienne traverse actuellement sa plus grave crise. Notre pays est, pour un an, membre non permanent du conseil de sécurité où la Tunisie peut et doit jouer un rôle important pour parfaire les relations internationales entre le Nord et le Sud et pour tenter de conforter le dialogue entre le monde arabe et l’occident en vue d’aider à trouver une solution de paix durable au conflit israélopalestinien. Mais voilà que les représentants de la Tunisie auprès des Nations Unies sont en train d’être limogés l’un après l’autre bien qu’ils aient été choisis par Kaïs Saïed lui-même. Pis encore : le linge sale est en train d’être lavé en pleine place publique ! De Moncef El Baâti à Kaïs Kabtani et sans doute en passant par le nouveau représentant de Tunisie auprès des Nations Unies, Tarak El Adab qui a été, lui aussi, à Tel Aviv avec Khémaies Jhinaoui, les limogeages se suivent et se ressemblent : Kaïs Saïed, lui qui n’aime pas qu’on lui marche sur les pieds, semble oublier que les autres ont, eux aussi, leur honneur et leur dignité à défendre et à en être fiers.
Amateurisme
Autre grabuge : lors de sa visite officielle en France, Kaïs Saïed est parti sans la première Dame de Tunisie. Quelle grave erreur de communication, de symbole et de considération à l’égard de la femme tunisienne qui aurait pu être bien présente et très bien représentée par la très élégante première Dame de Tunisie qui ne manque ni de classe ou d’élégance, ni de culture. Alors que le président français Emmanuel Macron était accompagné de son épouse, lors du dîner offert, à l’occasion de la visite du président tunisien Kaïs Saïed!
Last but not the least, la Tunisie accueillera, l’année prochaine, le Congrès international de la Francophonie. À cause sans doute de son national-populisme, le chef de l’état semble, jusqu’à présent, peu emballé pour cet important événement international que notre pays peut bien utiliser et exploiter pour attirer aussi bien les investisseurs que les touristes des quatre coins du monde francophone et au-delà. La diplomatie est un art et du professionnalisme où la compétence, la classe, la finesse, la discrétion et le sang-froid forment et forgent tous ensemble le profil du diplomate dont le rôle est immense dans l’image de marque que la diplomatie suscite auprès des peuples et des nations. Une bonne diplomatie dynamique, active et consciente des rapports de force et des nouvelles tendances qui agitent le monde, est capable d’attirer, de séduire et de motiver les acteurs du monde des affaires, de la finance et des investissements ainsi que les décideurs, les hommes et les femmes de la culture, de l’art, du cinéma et les touristes des quatre coins du monde, pour mieux faire connaître et découvrir la Tunisie. Rappelez-vous de l’image de marque dont jouissait notre pays sous le règne de Bourguiba qui était accueilli, partout, avec tous les honneurs et tous les égards, de la part des plus grands chefs d’état du monde entier. Et, même dans une certaine mesure, sous Ben Ali, la diplomatie tunisienne était respectable et respectée. La sécurité dont jouissait la Tunisie, a été un facteur majeur pour le développement du pays et pour attirer les investisseurs et les touristes étrangers qui étaient nombreux à s’installer en Tunisie, à visiter notre pays et à y vivre...
La diplomatie est le reflet par excellence de la politique intérieure et de la situation du pays. Le chaos qui règne, depuis un certain temps en Tunisie, un pays qui coule et agonise, se répercute, incontestablement, sur la diplomatie tunisienne qui n’est autre que cette Tunisie qui marche, malheureusement, sur sa tête et où gabegie, désordre et amateurisme semblent y avoir trouvé bon refuge...