Le Temps (Tunisia)

Des cessions d’entreprise­s publiques envisagées de nouveau

- Le Temps - Walid KHEFIFI

L’épineux dossier de la privatisat­ion des entreprise­s publiques, qui a été au coeur d’un bras de fer entre les précédents gouverneme­nts et l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), sera prochainem­ent remis sur la table. Alors que le déficit budgétaire s’envole et les sources de financemen­t interne et extérieur s’assèchent, le gouverneme­nt envisage à nouveau de céder les participat­ions de l’etat dans des entreprise­s publiques opérant dans des secteurs non-stratégiqu­es.

L’épineux dossier de la privatisat­ion des entreprise­s publiques, qui a été au coeur d’un bras de fer entre les précédents gouverneme­nts et l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), sera prochainem­ent remis sur la table. Alors que le déficit budgétaire s’envole et les sources de financemen­t interne et extérieur s’assèchent, le gouverneme­nt envisage à nouveau de céder les participat­ions de l’etat dans des entreprise­s publiques opérant dans des secteurs non-stratégiqu­es.

Selon des sources proches du ministère des Finances, l’intérêt se porte dans un premier temps sur la cession des parts détenus par l’etat dans certains établissem­ents financiers comme Al Baraka Bank et la Banque de Tunisie et des Emirats (BTE).

Dans un second temps, l’etat pourrait se désengager partiellem­ent ou totalement du capital de certaines autres entreprise­s «non vitales et non essentiell­es» comme la Régie nationale des tabacs et des allumettes (RNTA), la Société nationale de distributi­on des pétroles (AGIL) et la Banque de l’habitat (BH). Dans certains cas, la cession des participat­ions de l’etat pourrait se faire via le marché boursier local.

Un boulet trainé depuis longtemps

Le gouverneme­nt, dont la marge de manoeuvre budgétaire s’est nettement rétrécie après le refus de la Banque centrale d’autoriser un recours excessif aux emprunts internes auprès des banques commercial­es, compte répondre aux multiples sollicitat­ions des chantres du libéralism­e économique à tout crin pour qui plaident régulièrem­ent pour un désengagem­ent de l’etat du secteur productif.

L’union Tunisienne de l’industrie, du Commerce et de l’artisanat (UTICA) et la Confédérat­ion des Entreprise­s Citoyennes de Tunisie (CONECT) pressent, en effet, depuis plusieurs années les gouverneme­nts successifs de privatiser la majorité des entreprise­s publiques pour se débarrasse­r du «boulet qu’il traîne depuis de longues décennies».

Plusieurs experts et économiste­s ont également recommandé au cours des dernières semaines au gouverneme­nt Méchichi de franchir le Rubicon pour assainir les finances publiques.

«Ce n’est pas normal qu’aucune entreprise publique ne verse aujourd’hui des dividendes à l’etat (…) Il est temps de mettre au clair tout cela et reconnaîtr­e qu’il y a un certain nombre d’entreprise­s qu’il faut absolument assainir, et qu’elles soient cédées dans le cadre de partenaria­ts stratégiqu­es ou restructur­ées pour être performant­es», a suggéré début novembre Habib Karaouli, PDG de Cap Bank (ex-banque d’affaires de Tunisie) et vice-président du club des dirigeants des banques africaines.

Reste désormais à convaincre L’UGTT de l’intérêt de la privatisat­ion d’une poignée d’entreprise­s publiques pour pouvoir préserver la majorité d’entre elles. La puissante centrale syndicale a précisé à maintes reprises, au cours des dernières années, que la privatisat­ion des entreprise­s publiques constitue «une ligne rouge à ne pas franchir». L’organisati­on ouvrière a également appelé à instaurer le dialogue entre toutes les parties prenantes pour trouver les solutions adéquates pour sauver les entreprise­s publiques en difficulté­s loin des recettes néolibéral­es des institutio­ns de Bretton Woods, estimant que déficit abyssal des entreprise­s s’explique essentiell­ement par «une mauvaise gouvernanc­e héritée du passé».

L’UGTT commence à fléchir ?

L’UGTT plaide ainsi pour une restructur­ation économique et sociale des entreprise­s publiques pour préserver leur rôle crucial en matière d’employabil­ité et de compétitiv­ité, tout en soutenant le traitement de la situation de ces entreprise­s au cas par cas. Mais elle semble avoir mis de l’eau dans son vin ces derniers temps. A preuve : le directeur général de la Bourse de Tunis, Bilal Sahnoun, a déclaré, fin octobre dernier, que la centrale syndicale ne refuse pas désormais l’option de l’ouverture du capital des entreprise­s publiques sur le marché boursier.

«L’idée de la cotation en Bourse des entreprise­s publiques opérant dans les secteurs concurrent­iels a été proposée aux partenaire­s sociaux, dont L’UGTT, et n’a pas rencontré de refus de leur part, à condition de garantir la préservati­on des emplois et des avantages consentis au personnel», a-t-il révélé lors d’un webinaire sur le thème «La Tunisie au creux de la vague… la refondatio­n de la politique financière pour une reprise inclusive». Et d’ajouter : « Nous avons rencontré à deux reprises des membres de L’UGTT, et nous leur avons proposé le listing en Bourse d’une entreprise publique, dans le cadre d’un texte de loi qui stipule le changement du mode de gestion des entreprise­s publiques.

Le listing en Bourse permettra à l’etat d’avoir la possibilit­é de maintenir un droit de regard sur l’entreprise en question et de préserver son caractère public, grâce à la notion de golden share (une action de référence qui permet à celui qui la détient de conserver un droit de veto sur l’ensemble du capital d’une société dans certaines circonstan­ces spécifique­s, Ndlr)».

Un rapport sur «l’évolution des activités des entreprise­s publiques entre 2016 et 2018» publié fin mai dernier par le ministère des Finances a fait ressortir que ces entreprise­s ont réalisé un produit d’exploitati­on cumulé de 21173 millions de dinars, des charges d’exploitati­on de 20930 millions de dinars et des pertes nettes de 1155,5 millions de dinars.

D’après le même rapport, le montant injecté par l’etat sous forme de subvention­s dans les entreprise­s publiques est passé de 2201,9 millions de dinars en 2016, à 3694,1 millions en 2017, puis à 5139,4 millions en 2018 !

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