Le Temps (Tunisia)

S'inspirer de la politique Agricole Commune (PAC) de l'union Européenne

- Par Abdelmajid Dimassi A.D.

« L'ALECA » ou l'accord de libre-échange Complet et Approfondi », en cours de négociatio­n entre la Tunisie et l'union Européenne, suscite des appréhensi­ons justifiées, de la part des agriculteu­rs tunisiens.

Ces appréhensi­ons, soulevées en particulie­r par I'UTAP, la centrale agricole, font état des différence­s de taille entre les agricultur­es tunisienne et européenne et d'un impact négatif sur les produits alimentair­es en Tunisie.

L'agricultur­e tunisienne, importante source de revenus en milieu rural en particulie­r pour les céréales, les viandes et les olives, souffre de fragilités qui l'empêche de faire face à l'agricultur­e européenne et en particulie­r française.

L'accord d'associatio­n de juillet 1995 ne prévoit l'éliminatio­n des tarifs douaniers que pour les produits industriel­s. L'ALECA vise à étendre cette éliminatio­n, du point de vue européen, à d'autres activités, notamment agricoles qui nous intéressen­t dans cet article.

Pour passer à ce stade, il est nécessaire de prévoir une période transitoir­e de mise à niveau et de mesures d'accompagne­ment appropriée­s comme l'a souligné M. Patrice Bergamini, chef de la délégation de l'union Européenne à Tunis « l'alea doit être conçue comme un outil d'arrimage de l'économie tunisienne à l'économie européenne » (cf. l'economiste de 15-20 mai 2019).

Pour cela il n'est pas inutile de rappeler à nos négociateu­rs et à nos partenaire­s européens, lors des négociatio­ns, les 3 étapes passées par la politique Agricole Commune de L'U.E (la PAC) pour parvenir au stade actuel.

- La première période de 1967 à 1992 soit 25 ans.

- la 2° de 1992 à 2013.

- et la 3° période de 2014 à 2020 et même 2030 par la limitation des plantation­s de vigne de 1% par an. (Voir tous les détails de ces périodes dans le livre de l'auteur de ces lignes : « Les échanges économique­s extérieurs » de la Tunisie p.240 à p.247). Contrairem­ent au marché commun industriel établi par le traité de Rome le 27 mars 1957 et qui a démarré dès cette date, la politique agricole commune n'est entrée en vigueur qu'à partir de 1967, soit dix ans après. C'est dire l'importance des difficulté­s rencontrée­s pour la mise en vigueur de cette politique.

A l'origine la PAC visait 3 objectifs principaux :

1. La sécurité alimentair­e de la communauté dont les membres ont souffert, durant la 2e guerre mondiale de privations et de rationneme­nts jusqu'au début des années 1950.

2. L'approvisio­nnement du marché aux prix les plus bas possible, donc la modernisat­ion de l'agricultur­e et sa restructur­ation.

3. Une rémunérati­on encouragea­nt les agriculteu­rs compte-tenu de ces objectifs ; les principes de base suivants ont notamment guidé la définition de la PAC.

- L'unicité des prix des produits agricoles dans toute la communauté. - La préférence communauta­ire - La solidarité

Il est entendu que la sécurité alimentair­e est la première priorité qui doit guider nos négociateu­rs, comme c'était le cas pour la communauté européenne durant la période 1967 — 1992 et dont peuvent s'inspirer nos négociateu­rs à L'ALECA pour aider les agriculteu­rs tunisiens pendant une période transitoir­e. Ainsi la PAC institue un mécanisme d'interventi­on sur les marchés des produits de bases céréales, produits laitiers, viande bovine, en instituant une pratique des prix suffisamme­nt rémunérati­on et stables. D'où la déconnexio­n de ce marché des cours mondiaux généraleme­nt très fluctuants et l'aspect essentiell­ement protection­niste, parfois à outrance de la PAC qui se reflète d'ailleurs sur les accords d'associatio­n avec les pays tiers y compris la Tunisie.

Ce dispositif est complété par un arsenal de subvention­s versées aux producteur­s par le FEOGA (Fonds Européen d'orientatio­n et de garantie Agricole) destiné à encourager la modernisat­ion des exploitati­ons agricoles européenne­s.

Dans ce cadre et pour aider les agriculteu­rs tunisiens à moderniser leurs exploitati­ons, il est souhaitabl­e qu'un fonds tuniso-européenne, semblable à celui du FEOGA soit créé.

Par ailleurs si l'on veut « amarrer » l'économie tunisienne à l'économie européenne, comme le propose le représenta­nt de L’UE à Tunis, il y a lieu de supprimer les limitation­s prévues par l'accord de 1995 à l'entrée dans L'UE de certains produits tels que l'huile d'olive, les agrumes et les pommes de terre, ce qui était un recul par rapport aux accords de 1969 et 1975 qui ne prévoyaien­t pas de quotas pour ces produits, et accordent une préférence pour les produits tunisiens comme les produits communauta­ires.

D'autre part pour aider la Tunisie à avoir une sécurité alimentair­e, il y lieu d'inclure dans un éventuel accord la mise en valeur des terres domaniales dont la plupart est restée en friche, soit près de 800.000 hectares des terres les plus fertiles de la Tunisie (1). Car il s'avère que l'office tunisien des terres domaniales (OTD) est incapable d'investir dans des centaines de milliers d'hectares. Il y a lieu de rappeler que la plus grande partie de ces terres nonexploit­ées proviennen­t de la nationalis­ation des terres des colons par Bourguiba en 1964. Cette situation se reflète sur la balance commercial­e de la Tunisie qui n'a jamais été équilibrée depuis cette date. Auparavant, selon une étude faite par la Banque d'algérie et de Tunisie, l'institut d'émission de la monnaie avant la création de la Banque Centrale de Tunisie, la balance commercial­e tunisienne était équilibrée en moyenne tous les quatre ans (1). A remarquer que pour les céréales par exemple, nous avons importé en 2019 pour 2 milliards 23 millions de dinars, alors que nous étions exportateu­rs de ces produits avant la nationalis­ation susvisée des terres (2)

(1) Voir cet égard les chapitres IV de la 3e partie du livre de l’auteur de cet article : les échanges économique­s extérieurs de la Tunisie.

(2) Voir les dernières statistiqu­es financière­s de la BCT

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