« Quand il y a des O !... il y a débat »
Le pouvoir judiciaire en question
Le pouvoir judicaire actuel c’est l’homme malade, dans tous les sens du terme. En cette période du corona virus, et outre les problèmes d’ordre matériels et professionnels, qu’endurent les magistrats, 250 magistrats ont été contaminés, selon ce qu’a déclaré dernièrement, le président de l’association des magistrats tunisiens (AMT). Pourtant ce pouvoir, qui est l’un des piliers de l’etat démocratique, doté d’une Constitution qui depuis la deuxième république, garantit les droits et les libertés sous le contrôle d’une justice indépendante, neutre et équitable. Il ne peut y avoir, en effet, de justice équitable, sans l’indépendance de ses membres.
Le pouvoir judicaire actuel c’est l’homme malade, dans tous les sens du terme. En cette période du corona virus, et outre les problèmes d’ordre matériels et professionnels, qu’endurent les magistrats, 250 magistrats ont été contaminés, selon ce qu’a déclaré dernièrement, le président de l’association des magistrats tunisiens (AMT). Pourtant ce pouvoir, qui est l’un des piliers de l’etat démocratique, doté d’une Constitution qui depuis la deuxième république, garantit les droits et les libertés sous le contrôle d’une justice indépendante, neutre et équitable. Il ne peut y avoir, en effet, de justice équitable, sans l’indépendance de ses membres. Or c’est là qu’est le hic, car le problème de l’indépendance du pouvoir judiciaire s’était toujours posé avec acuité depuis l’ancien régime.
A l’aube de l’indépendance, l’ascendant de l’exécutif sur les magistrats, incitait les juges malhonnêtes, constituant fort heureusement une infime minorité, à la pratique de malversations diverses, en contrepartie des décisions de justice qui leur étaient dictées « d’en haut », surtout dans certains procès à caractère politique.
Ascendant de l’exécutif et impartialité des juges en jeu
En fait, il est contraire au principe de l‘équité et de l’impartialité de la justice de parler de procès politiques. Cependant ce sont les procès où ceux qui n’adhèrent pas à la politique du régime, font l’objet d’accusations montées de toutes pièces. Dès lors ce n’est pas la force de la loi qui prime, mais celle du prince. C’est ce qui a été toujours dénoncé au fil des années de braise où en plus des injustices, s’est installée la pratique des deux poids deux mesures sous toutes ses formes, outre celle de la torture, qui était facilement usitée, pour arracher des aveux sous la violence. Certaines décisions de justice étaient déjà prêtes, même avant les débats, dans des affaires où les conditions d’un procès équitable étaient totalement absentes.
Il faut dire que même à cette époque, le problème des conditions des juges s’était posé, et il y avait même des magistrats qui ont été sévèrement sanctionnés et certains avaient subi des exactions après avoir été révoqués et privés de leurs salaires.
Associations et syndicat des
juges à l’épreuve
Depuis 2011, des organisations judiciaires s’étaient constituées pour mieux défendre la branche, mais également la justice d’une manière générale. L’AMT qui était fondée depuis 1990, a toujours oeuvré à l’amélioration des conditions des juges d’une manière générale. Elle a été considérée de ce fait comme l’unique représentant des magistrats, sur la base d’une légitimité électorale. Le syndicat des magistrats tunisiens (SMT) quant à lui, il a été dissous au début de l’ancien régime et ses membres sanctionnés.
En 2011 un nouveau syndicat a été créé, afin d’oeuvrer à la consécration du principe de l’indépendance judicaire. Il a eu des hauts et des bas, et à un moment donné, il était en rivalité, voire parfois en désaccord avec L’AMT. Depuis le départ de sa présidente Raoudha Labidi, appelée à présider l’organisation de lutte contre la traite des personnes, il y a eu comme une période de calme. De nos jours, il revient sur la scène sans pour autant être sur la même longueur d’onde avec L’AMT.
D’ailleurs dernièrement, les deux organisations se sont quelque peu rapprochées, avec grosso modo, les mêmes revendications, mais une certaine différence dans la stratégie et le ton envers les responsables parmi l’exécutif et le législatif. Dernièrement, Amira Amri, présidente du syndicat a été reçue par Ghannouchi, le président de l’assemblée des représentants du peuple (ARP) qui s’est montré préoccupé par la crise au sein du pouvoir judiciaire, avec des promesses d’organiser un dialogue en vue d’examiner les moyens destinés à la résorber. Entre-temps, du côté de L’AMT, c’est l’escalade.
Un combat légitime mais…
Toujours est-il que ces deux organisations ont dernièrement protesté contre les conditions matérielles des juges, ainsi que du manque de moyens leur permettant d’exercer leur profession dans les meilleures conditions. La situation sanitaire dans les tribunaux laisse à désirer, la contamination d’un grand nombre de magistrats, avec le décès de trois d’entre eux, ont constitué la goutte qui a fait déborder le vase. Du coup, ils décident de se mettre en grève pour cinq jours à partir du 17 novembre 2020, avec un sit-in devant le tribunal de première instance de Nabeul, là où exerçait une des magistrats emportés par le coronavirus.
C’est un combat légitime, dans la mesure où il tend à défendre la profession. Toutefois, il ne faut pas oublier le revers de la médaille à savoir la tournure corporatiste que peut prendre l’attitude des juges. En effet, chaque corps de profession peut agir de la même façon et c’est aussi légitime. Les policiers ou les douaniers sont aussi exposés à de multiples dangers et ont besoin d’une protection sanitaire également et une amélioration de leur situation matérielle. Il en va de même pour les gardiens de prison, dont plusieurs ont été contaminés par le coronavirus au cours de l’exercice de leur profession.
Pouvoir judiciaire et pouvoir des juges Le pouvoir judicaire quant à lui, ne doit pas se transformer en pouvoir des juges sur la base de l’indépendance de la justice. De même que l’indépendance de la justice ne signifie pas l’indépendance du juge qui fait partie d’un corps. Il est lié par l’application de la loi en premier lieu. Il ne faut pas que la lutte des juges se transforme en lutte corporatiste qui n’est pas dans l’intérêt du justiciable. Celui-ci est évidemment à chaque fois lésé, la plupart des affaires ayant été plusieurs fois reportées en l’état, surtout depuis le premier confinement.
Aucune grève n’a eu lieu pour défendre une affaire dans laquelle un justiciable est lésé. On souhaiterait une entente entre magistrats et avocats pour la défense des affaires où l’enquête est mal faite, ou dans lesquelles il y a occultation de la vérité, à l’instar des affaires d’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Il y a eu au contraire de plus en plus de tensions entre les parties prenantes du pouvoir judiciaire, au grand dam du justiciable. Ce qui est de nature à ternir l’image de la justice. En outre le manque de diligence, à cause de certains juges impliqués dans les tiraillements politiques est passé sous silence. Des dossiers d’hommes d’affaires, accusés de corruption et dont certains se retranchent derrière l’immunité parlementaire, sont toujours en suspens. Négligence, laxisme, ou implication dans des tiraillements politiques ? En tout état de cause, cela pose de gros problèmes et affecte drôlement l’image de la justice. Ce sont là aussi, des revendications légitimes de la part de ceux qui sont lésés dans leurs droits par une telle situation.
Il est souhaitable que toutes les corporations se solidarisent, tout en défendant également leurs intérêts professionnels, dans le sens de l’amélioration des moyens leur permettant de travailler, à l’unisson dans de bonnes conditions. C’est là le meilleur moyen pour sortir d’une crise politique et sociale qui semble perdurer et s’aggraver de jour en jour.
Le slogan, figurant sur une banderole, dernièrement, lors de la conférence de presse de L’AMT au palais de justice : « L’etat ne peut prospérer avec une justice qui agonise » aurait dû être plutôt formulé ainsi : « La justice garantie de la pérennité de l’etat, dans l’intérêt commun ».
En effet c’est dans une bonne justice que se consolide l’etat. Une justice qui oeuvre pour le bien commun, sur la base de la primauté de la loi sans léser quiconque ni privilégier qui que ce soit. Et dès lors qu’il y a des contestations et des O ! il y a forcément débat.