Flagrante absence de la gauche !
En ces moments difficiles pour la nation, entre la vacuité d'un discours politique déconnecté, l'intrusion d'un salafisme pernicieux, l'effondrement de ce qui reste de l'etat, et l'acuité de la crise économique, on se demande où est l'approche de gauche ? Elle a disparu des écrans?!
En ces moments difficiles pour la nation, entre la vacuité d’un discours politique déconnecté, l’intrusion d’un salafisme pernicieux, l’effondrement de ce qui reste de l’etat, et l’acuité de la crise économique, on se demande où est l’approche de gauche ? Elle a disparu des écrans?!
Les élections de 2019 ont fait disparaitre de la scène parlementaire et publique toute expression se réclamant franchement de gauche. Le défunt Front Populaire n’a laissé que des souvenirs amers et même si ses composantes sont encore là, elles sont atones et absentes des grands débats publics.
Pourtant, l’histoire de la Tunisie contemporaine ne peut être lue sans les apports de la gauche tunisienne depuis le combat pour l’indépendance et surtout depuis les années 60. Presque toutes les étapes importantes et toutes les avancées notoires sur les plans des libertés et de justice et même sur les plans économique et social, dans le pays, sont l’oeuvre de cette famille idéologique avec ses différentes expressions.
Les spécialistes de sciences politiques font reposer les idéologies de gauche sur trois principes fondamentaux, d’abord le constat de l’injustice de la répartition du pouvoir et de la richesse, en second lieu la volonté de changer cette situation en voulant toujours changer le monde (vers plus de progrès, d’où le qualificatif de progressiste) et enfin d’avoir toujours foi en la raison et la volonté humaine et rien d’autre pour le faire. (Cf. : Les idéologies politiques, le clivage Gauche–droite, de Danic et Ian Parenteau). D’ailleurs les grands moments de la gauche chez nous ont été toujours dans ce schéma-là. Ainsi en est-il du Mouvement Perspectives et du Mouvement Baath dans les années 60, de toute la lutte multiple des universités dans les années 70 et 80, de la participation de la gauche au mouvement de janvier 1978 et à la révolte du pain en 1984.
Or le pays aujourd’hui est à un tournant majeur de son histoire. Les impasses se multiplient et les discours populistes, salafistes et même ceux de la restauration accaparent la scène. Les quelques partis qui s’apparentent à l’idéologie de gauche (ou même du centre seulement) ne sont plus audibles. La sclérose conceptuelle est à son comble quand on écoute parler les quelques leaders qui s’aventurent encore sur la scène médiatiques et qui n’arrivent ni à s’autocritiquer, ni à oser sortir des carcans calcinés, ni a inventer un discours politique et un projet pour le pays capable de mobiliser des jeunes dont la grande majorité est née après les années 90 et n’a que très peu connu les joutes du Campus ou de la Manouba à leurs heures de gloire. Le résultat de cette absence de la gauche est un déséquilibre flagrant. On est baladé entre les discours de la droite religieuse et conservatrice, dont le souhait majeur (même s’il est édulcoré) est d’islamiser une société qu’elle considère impie et un discours en opposé de la droite destourienne décomplexée qui rêve d’ordre et de discipline. Mais on est toujours dans le conservatisme de droite. Tous les autres clichés sont des retouches. Sur le fond économique et social, sur le fond des libertés publiques, sur le fond de la répartition des richesses, les deux discours se rejoignent. En face, pas d’alternative, rien de cette dose de morale que seule la gauche peut introduire en politique. Et c’est peut-être une des clés de notre impasse d’aujourd’hui.