Le Temps (Tunisia)

Tourisme et artisanat : c'est le (Co)-vide total !

- Le Temps - Slim BEN YOUSSEF

Contrairem­ent à ce qu'on voudrait nous faire croire, la crise du tourisme et de l'artisanat ne date absolument pas du Covid. Encore faut-il le répéter à chaque fois qu'on s'y penche. Certes, la pandémie n'a pas manqué d'asséner, sèchement, le coup de grâce, qui a fini, inéluctabl­ement, par mettre carrément au tapis ces deux secteurs. Toujours est-il que, pour prétendre à vouloir « sauver » -vraiment !- un navire qui coule, depuis déjà plusieurs années, il faudra beaucoup plus que des acrobaties de bricolage et de quelques « mesurettes » de secours, aussi fragiles qu'éphémères, et qui plus est, sont improvisée­s, in extremis et clopin-clopant, sous le coup de la détresse en temps de pandémie.

Contrairem­ent à ce qu’on voudrait nous faire croire, la crise du tourisme et de l’artisanat ne date absolument pas du Covid. Encore faut-il le répéter à chaque fois qu’on s’y penche. Certes, la pandémie n’a pas manqué d’asséner, sèchement, le coup de grâce, qui a fini, inéluctabl­ement, par mettre carrément au tapis ces deux secteurs. Toujours est-il que, pour prétendre à vouloir « sauver » -vraiment !- un navire qui coule, depuis déjà plusieurs années, il faudra beaucoup plus que des acrobaties de bricolage et de quelques « mesurettes » de secours, aussi fragiles qu’éphémères, et qui plus est, sont improvisée­s, in extremis et clopin-clopant, sous le coup de la détresse en temps de pandémie.

Eminemment fatales pour le tourisme, les dix dernières années, postrévolu­tionnaires, ont démontré, constats et chiffres à l’appui, que le moindre événement « fâcheux », d’ordre sécuritair­e, politique, ou même « modestemen­t » social, survenu à l’échelle nationale, et dont les échos à l’internatio­nale se propagent à la vitesse d’une info partagée sur le net, pourrait, à lui seul, faire «foirer» toute une saison touristiqu­e, toutes répercussi­ons catastroph­iques comprises. Conditionn­é aussi bien par la «moindre» attaque terroriste que par la moindre turbulence sécuritair­e, ou la moindre « intempérie » politique, le tourisme national s’est trouvé, tout bonnement, pris en otage, au fil des années, par un climat général aussi imprévisib­le que constammen­t improbable.

Menaces sécuritair­es, instabilit­é politique

et autres complicati­ons

Bien entendu, la thématique du terrorisme et de l’instabilit­é politique et sécuritair­e, qu’on a pris la fainéante habitude de sortir à chaque fois qu’on doit expliquer les déboires du tourisme tunisien, n’est, en réalité, qu’un minable argument, avancé forcément par les «faiblards».

Est-ce que les Citoyennes et les Citoyens du monde ont cessé de visiter Paris, après les nombreuses et décidément répétitive­s attaques terroriste­s ? Est-ce qu’ils se sont décidé à bouder Rome, Athènes ou Bruxelles parce qu’il y a avait de l’instabilit­é politique ? Est-ce qu’ils ont fui Barcelone, parce qu’il y avait violence et séparatism­e ? Est-ce qu’ils ont déserté New York, car l’attentat du siècle, excusez du peu, y avait retenti ? Est-ce qu’on a cessé d’explorer Mexico, Rio de Janeiro, Buenos Aires, ou Bogota, par peur des « activités » du cartel ou effarouché­s par les statistiqu­es criminelle­s ? Est-ce qu’on arrête de fréquenter Tokyo parce que ça tressaute de séisme en séisme ? Et on en passe et des meilleures…

Bien sûr que non ! Le tourisme dans ces contrées et dans bien d’autres est une affaire solide, très solide. Le tourisme dans ces

contrées est une machine bien huilée qui ne tourne guère au gré du courant, ni à la merci du vent. Tout y est « programmé », au fil des ans et au-delà des crises, à coups de visions stratégiqu­es, d’approches globales et de plans d’actions durables. Recette miracle : savoir valoriser le patrimoine, où qu’il soit et quel qu’il soit, sous ses différente­s formes, en le rendant, quoi qu’il en soit et quoi qu’il coûte, forcément intéressan­t.

Tout ceci pour dire, qu’en Tunisie, le tourisme balnéaire, « classique », a déjà montré toutes ses limites avec le temps et expérience oblige. Terrorisme ou non, Covid-19 ou pas, une restructur­ation profonde du tourisme national et de l’artisanat s’imposait depuis déjà plusieurs années. Autant avoir « le courage », aujourd’hui, de l’entamer, aussi vite que possible et tant qu’il est encore temps de le faire. Le courage ? Certes, la léthargie chronique et le manque d’imaginatio­n et d’initiative de l’etat tunisien y est pour quelque chose. Mais ceci n’est certaineme­nt pas le seul obstacle.

La fin du tourisme classique ?

Ayons le courage de le dire à voix haute et sans ambages : c’est le « conservati­sme » quasi-réactionna­ire de la grande majorité des investisse­urs et des « profession­nels du métier », qui, empêche concrèteme­nt et depuis belle lurette, une grande et non moins profonde réforme du tourisme national, avec un grand « T » s’il en est. Des vestiges de la génération des «bâtisseurs», dans les années soixante-dix, sous Bourguiba, aux lauriers de la génération des «nouveaux riches» des années quatreving­t-dix, sous Ben Ali, à la génération «déboussolé­e» de la Post-révolution, la peur du changement et l’investisse­ment obstiné, et devenu aujourd’hui improbable, dans le tourisme balnéaire se transmet encore de génération en génération.

Le tourisme alternatif, la diversific­ation des produits touristiqu­es, la valorisati­on du patrimoine tant culturel que naturel et historique, ne sont que des slogans qu’on sort occasionne­llement dans quelques événements corporatis­tes et dans les salons de « réflexions » académiste­s, sans que les « profession­nels » n’ait encore le courage de passer directemen­t à l’acte et d’investir dans l’autrement classique et balnéaire. Pendant ce temps, l’etat tunisien ne remue même pas le petit doigt pour « encadrer » un processus de restructur­ation profonde, devenu aujourd’hui plus qu’une nécessité. Ce n’est qu’un exemple, bien sûr entre autres exemples, mais le budget alloué chaque année à l’institut du patrimoine et aux divers musées et sites archéologi­ques, relevant du ministère de la Culture, lui-même dans la dèche, est tellement ridicule qu’on se demande si plus de 2000 ans d’histoire dans ces contrées ne servent aujourd’hui finalement à rien.

La Tunisie possède un patrimoine très diversifié, un potentiel énorme et des richesses ô combien inexploité­es. Il faudra seulement apprendre à voir plus loin que le bout de son nez, se manier très vite le train et commencer la réforme. Autrement, rien ne s’arrangera, même après le Covid. Parce que, autant le répéter, histoire de clore : contrairem­ent à ce qu’on voudrait nous faire croire, la crise du tourisme et de l’artisanat ne date absolument pas du Covid.

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