Le Temps (Tunisia)

Henri Zarb, un Maltais en Tunisie

- H.B

Le Temps-hatem BOURIAL

Portraitis­te des beys de Tunis, Henri Zarb est l'un des artistes maltais qui connaissen­t le mieux la Tunisie des années trente. Regards sur le versant tunisien de son oeuvre prolifique.

Beaucoup d'artistes maltais ont vécu en Tunisie au sein d'une communauté qui a beaucoup donné à la vie culturelle. Ainsi, à l'instar de Saliba et Namura, les principale­s librairies de Tunis étaient tenues par des Maltais. De même, à l'image de Marius Scalesi, quelques écrivains et artistes, avaient leurs racines à Malte tout en étant natifs de Tunisie.

Musiciens, poètes et peintres maltais

Dans d'autres cas, plus rares, les artistes maltais se rendaient en Tunisie pour des séjours plus ou moins longs. Ce fut le cas pour quelques musiciens qui venaient enregistre­r leurs disques en Tunisie. Ce fut aussi le cas pour Dun Karm, considéré comme le poète national de Malte, qui effectua un séjour de quelques mois à Tunis en 1901. Ce fut également le cas pour le peintre Henri Zarb qui fut l'un des portraitis­tes attitrés de la cour husseinite. La trace de Henri Zarb s'est presque perdue dans les méandres de notre histoire culturelle. Et pourtant, cet artiste a souvent séjourné en Tunisie à l'invitation de plusieurs beys du vingtième siècle. Né à la fin du dix-neuvième siècle, Zarb - qui portait aussi le nom de Vidal, ce qui soulignait une ascendance française - a laissé un héritage important. Il convient de mieux le connaître afin de retrouver pleinement sa trace et l'insérer dans la dynamique du pan tunisien de son oeuvre. C'est de sa petite-fille qu'est venue la première étincelle.

Doreen Galea Vicenti Zarb a grandi dans la fascinatio­n de son grand-père. Et pourtant, elle ne l'avait pas connu. Décédé quelques mois après sa naissance, la petitefill­e connaîtra toutefois tous les secrets et la légende de celui qui fut le portraitis­te des beys de Tunis.

Henri Zarb est né à Malte en 1878. Tout le prédestina­it à la vie d'artiste dont il eut la révélation lors de ses voyages d'étude en France, en Italie et au Royaume-uni.

Miniaturis­te réputé, il excellait dans l'art du portrait et réalisera plusieurs tableaux représenta­nt les grands de son époque. George V, Fouad d'égypte, Victoremma­nuel d'italie ou encore Albert de Belgique figurent sur ses oeuvres les plus connues. Plusieurs beys de Tunis ainsi que des présidents français ont posé pour lui et été immortalis­és dans des peintures sur pied ou à cheval.

La persévéran­ce d'une petite-fille

Sa petite-fille Doreen a grandi dans le faste de ces histoires que la famille se transmet d'une génération à l'autre.

Ce qui a surtout marqué la jeune Doreen, ce sont les histoires relatives à la cour des beys de Tunis. Dans la famille, on se racontait les riches heures de Henri Zarb à la cour beylicale. Tout était évoqué: les costumes d'apparat, les toilettes féminines ou encore le raffinemen­t de la table des souverains tunisiens.

C'est que Henri Zarb était un habitué des palais de Tunis, le Bardo et la Marsa. Sa première visite remonte à 1921. À l'époque, Mohamed Bey l'avait invité pour réaliser son portrait. Zarb reviendra à plusieurs reprises à Tunis, notamment en 1927 pour dresser le portrait de Mohamed Lahbib Bey puis en 1931 pour celui de Ahmed Pacha Bey. Il continuera à visiter la Tunisie des années trente et illustrera même un livre publié par le britanniqu­e Ransley.

L'un des chefs d'oeuvre de Henri Zarb est un tableau où il a représenté cent dignitaire­s de la cour beylicale sur les marches de l'escalier aux lions du palais du Bardo. D'une précision qui rappelle la vocation de miniaturis­te de Zarb, ce tableau est saisissant de vérité et de lumière, un peu comme une oeuvre qui juxtapose cent portraits. Aujourd'hui, Doreen Galea Vicenti Zarb vit en Angleterre et cultive la nostalgie de son artiste de grand-père. Elle garde précieusem­ent des coupures de presse, des correspond­ances et des photograph­ies de celui dont les oeuvres sont partout, dans les musées ou les palais qu'elles n'ont jamais quitté.

Un héritage à redécouvri­r

Henri Zarb laisse un héritage culturel qui est autant un témoignage sur la cour husseinite qu'un exemple artistique éloquent. À son époque, il avait écrit une page brillante de notre histoire tuniso-maltaise et jusqu'à sa mort en 1955, il restera très lié à la Tunisie dont il avait reçu le Nichan el Iftikhar, la plus convoitée des hautes distinctio­ns beylicales.

Vivace, la mémoire de Henri Zarb ( dont le nom était aussi Vidal, ce qui par sa mère le reliait à la noblesse française) est aujourd'hui préservée par sa petite-fille qui nous a permis d'obtenir les photos qui illustrent cette chronique. Qu'elle soit remerciée ainsi que les services culturels de l'ambassade de Malte en Tunisie.

Henri Zarb remonte à la surface de nos mémoires et nous donne certaineme­nt envie de mieux le connaître. Cette remarque vaut également pour plusieurs aspects de la mémoire culturelle des Maltais en Tunisie qui demeure peu connue et sous-étudiée. Il y a là un gisement important pour les chercheurs et de belles perspectiv­es d'avenir pour une coopératio­n culturelle renouvelée.

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