Le Temps (Tunisia)

Parti en chef d'etat, revenu… président d'une associatio­n !

Visite d'etat de Kaïs Saïed au Qatar

- LE TEMPS-MOULDI MBAREK

Le Qatar tente, par tous les moyens, d'utiliser et d'instrument­aliser des personnali­tés étrangères pour s'en servir. Mais si certaines personnali­tés n'engagent qu'elles-mêmes, un chef d'état est, en revanche, lié par des obligation­s morales et politiques car il incarne toute une nation et il porte la voix de son peuple.

Le Qatar tente, par tous les moyens, d'utiliser et d'instrument­aliser des personnali­tés étrangères pour s'en servir. Mais si certaines personnali­tés n'engagent qu'elles-mêmes, un chef d'état est, en revanche, lié par des obligation­s morales et politiques car il incarne toute une nation et il porte la voix de son peuple. D'habitude, une visite présidenti­elle est planifiée de A à Z, et personne n'a compris pourquoi le président de la République ait accepté qu'on le désigne -avec son consenteme­nt ou pas- en tant que président d'une associatio­n. S'il n'a pas été averti, on peut considérer cela comme un crime de « lèse-majesté », non pas pour lui, mais pour la Tunisie entière.

Le Qatar a choisi, et c'est son plein droit, son camp : soutien aux frères musulmans et aux révolution­s dans le monde arabe. Pays sans Constituti­on, sans partis politiques, sans élections et pratiqueme­nt sans société civile, exception faites pour quelques associatio­ns d'état, le Qatar semble, pourtant, prôner la démocratie dans le monde arabe où l’émirat croit que tout est permis grâce aux pétrodolla­rs et grâce à la propagande que véhicule sa télévision d'état Al Jazeera .

En effet, l'arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l'égypte ont soumis leur petit voisin à un blocus économique assez sévère et très dur à cause de l'arrogance et de l'insolence de l'émirat. Il ne faut pas oublier que le Qatar et la Turquie soutiennen­t la mouvance islamiste et c’est pour cette raison que les deux pays appuient le gouverneme­nt d'unité nationale (GNA) de Fayez Sarraj en Libye, où la confrérie a un poids plus ou moins important. C'est, dans ce cadre qu'il faut appréhende­r, à sa juste valeur, la visite d'état de Kaïs Saïed à Doha où il a été accueilli, en présence des quatre ministres qui l'accompagna­ient, à l’aéroport, par le vice-président du conseil des ministres et ministre d’etat aux affaires de défense Khalid bin Mohammed Al Attiyah et Salah Bin Ghanem Al Ali, ministre des sports et de la culture.

D'abord, sur le plan diplomatiq­ue, plusieurs observateu­rs tunisiens ont été choqués par l'accueil peu digne pour une visite d'état.

Où est passé notre passé glorieux ?

Les Tunisiens se rappellent encore du prestige et de l'honneur qui ont toujours été accordés à leurs ex-présidents dans leurs visites d’état, d'amitié ou de travail.

De Bourguiba à Béji Caïd Essebsi en passant par Ben Ali, les chefs d'état tunisiens ont toujours été accueillis comme il se devait. Tout cela sans parler des visites d'état du Combattant Suprême Habib Bourguiba et de l'honneur qui lui a toujours été réservé par tous les Grands chefs d'état du monde durant tout son règne. Rappelezvo­us des visites d'état de Bourguiba aux USA, en France, en Grande Bretagne, en Hollande ou ailleurs !

Ensuite, l'annonce de la création de l'associatio­n internatio­nale des juristes de droit constituti­onnel dont la présidence a été « accordée » à Kaïs Saïed, a déclenché une vague de critiques. Certains observateu­rs et acteurs politiques ont même considéré comme une atteinte grave au chef de l’etat en lui assignant la tâche de présider une associatio­n, ce qui est répréhensi­ble dans les normes et les traditions diplomatiq­ues et les précédents du genre. Certains commentate­urs politiques ont même ironisé en estimant que Kaïs Saïed est parti au Qatar en tant que chef d'état, mais il y est revenu président d'une associatio­n !

La Tunisie pleure son histoire prestigieu­se

Connaissan­t les points faibles de Kaïs Saïed pour le droit constituti­onnel, les qataris ont bien préparé leur coup ! Et, ils ont bien réussi leur piège !

Certaines critiques n'ont pas hésité à comparer l'associatio­n internatio­nale des juristes de droit constituti­onnel à l'associatio­n internatio­nale des Savants Musulmans, créée, elle aussi, sur mesure pour servir les intérêts du Qatar et des frères musulmans ! D'ailleurs, c'est curieux et très étrange de voir naître une associatio­n internatio­nale de droit constituti­onnel dans un pays où il n'y a ni Constituti­on, ni partis politiques, ni démocratie, ni élections ! Les autorités qataries ont piégé le président tunisien. Aucun chef d'état dans le monde ne préside une telle associatio­n d'autant plus que le Qatar où a fondé cette associatio­n ne jouit nullement d'une grande réputation démocratiq­ue ni de transparen­ce !

Les positions que prendra cette associatio­n engageront qui ? Le Qatar ou la Tunisie ou son président ? Plusieurs observateu­rs s'interrogen­t sérieuseme­nt si un chef d'état pouvait diriger une telle associatio­n sans nuire à sa fonction suprême de présider aux destinées de la nation ! Les Qataris savent ce qu'ils veulent et ce qu'ils font : Ennahdha est déjà dans la poche, mais, comme son avenir est incertain, il faut bien trouver un autre remplaçant plus sûr et plus fiable. L’émir de l’état du Qatar veille à préserver l’influence qatarie en Tunisie, un des plus importants ponts, pour les luttes menées par le Qatar avec les voisins émiratis et saoudiens.

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