Le Temps (Tunisia)

Rien ne se perd, rien ne se crée…

- Le Temps - Ahmed NEMLAGHI

Alors que le bruit court depuis quelques jours, concernant une éventuelle nouvelle formation d'un front dont ferait partie Kaïs Saïed, la cheffe de cabinet du président de la République, lors d'une audience du parlement jeudi dernier, a affirmé « qu'il n'y a aucune rupture entre la présidence de la République et celle du parlement », ajoutant que « les portes du palais de Carthage sont ouvertes à tous les députés ». Par ailleurs elle a soutenu qu'elle n'intervient pas dans la nomination des ministres. Pourtant elle est l'alpha et l'oméga à la présidence et selon la plupart des observateu­rs, elle serait la principale muse de Kaïs Saïed qui guide ses choix et influence ses décisions.

Alors que le bruit court depuis quelques jours, concernant une éventuelle nouvelle formation d’un front dont ferait partie Kaïs Saïed, la cheffe de cabinet du président de la République, lors d’une audience du parlement jeudi dernier, a affirmé « qu’il n’y a aucune rupture entre la présidence de la République et celle du parlement », ajoutant que « les portes du palais de Carthage sont ouvertes à tous les députés ». Par ailleurs elle a soutenu qu’elle n’intervient pas dans la nomination des ministres. Pourtant elle est l’alpha et l’oméga à la présidence et selon la plupart des observateu­rs, elle serait la principale muse de Kaïs Saïed qui guide ses choix et influence ses décisions.

Aussi a-t-elle annoncé, au cours de son interventi­on à l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) un programme de la présidence de la République fort ambitieux qui vise la rationalis­ation des dépenses dont celles dédiées à la lutte contre la corruption ainsi qu’à la concrétisa­tion des principes de la bonne gouvernanc­e. Ce qui est fort séduisant c’est cette approche, qu’elle met en exergue, en affirmant qu’il n’y a aucune rupture ni avec le gouverneme­nt, ni avec le parlement. D’ailleurs, l’initiative législativ­e portant sur une amnistie pénale nécessiter­a la participat­ion du parlement ainsi que du gouverneme­nt.

Oui, mais comment expliquer alors ce projet de constituti­on d’un front, englobant à côté du président de la République, le mouvement Echaâb, celui d’ettayar, ainsi que L’UGTT, avec la participat­ion éventuelle de l’ordre national des avocats ? Ce front serait semblable au quartette qui s’est constitué en 2013. En attendant le président de la République n’a ni confirmé ni infirmé ces rumeurs que certains ont démenties à l’instar du secrétaire général de L’UGTT, qui a déclaré que la situation actuelle n’est pas comparable à celle de 2013, année où la transition démocratiq­ue était à ses débuts ». De là à nous demander, si aujourd’hui, en 2020 soit sept ans plus tard, nous avons avancé sur le plan démocratiq­ue et si, sur le plan politique il y a un quelconque progrès ? La question se pose aussi bien sur le plan politique que sur le plan juridique.

Sur le plan politique

Nous assistons depuis la deuxième République, à des adversités entre les partis politiques mus par la course au pouvoir. Le panorama politique est devenu opaque, d’année en année, au point de créer un vrai trouble au sein des rouages de l’etat. Ce qui a donné lieu à la situation de crise actuelle qui ne fait que perdurer. De quelle démocratie parle donc la cheffe du cabinet face à cette situation où chacun des chefs de l’exécutif agit de son côté, alors qu’il est nécessaire que tous les membres de l’etat agissent de concert comme dans un orchestre symphoniqu­e. Or nous assistons à une dichotomie de l’etat avec un exécutif bicéphale dans lequel chacun de ses deux chefs agit pour son propre compte. Le chef du gouverneme­nt qui a procédé, bien avant d’obtenir la confiance du parlement, à la pratique du copinage avec certains leaders de partis politiques dont notamment celui du mouvement Ennahdha qui est en adversité à peine voilée, avec le président de la République.

On comprend bien que ce dernier peut penser à la constituti­on d’un front avec ceux qu’il estime représente­r les forces vives de la nation, quand bien même il s’agisse d’une pratique contraire à la Constituti­on. Le bras droit de Kaïs Saïed est-elle en train de nous mener en bateau, en voulant noyer le poisson quant aux tensions persistant­es entre le président de la République et le chef du mouvement Ennahdha et néanmoins président du parlement?

Dire que les portes de Carthage sont ouvertes aux députés comme elle l’a affirmé, ne se justifie pas sur le plan concret, à voir surtout les adversités politiques au sein de l’hémicycle entre les députés qui représente­nt des partis en total désaccord avec la politique du chef de l’etat.

Sur le plan juridique

La loi suprême est bafouée, violée, vilipendée, aussi bien par l’exécutif que par le législatif, pour la bonne raison que chacun réagit face aux différents problèmes de la façon qui lui sied. Le président de la République a plusieurs fois empiété sur le domaine du gouverneme­nt, dépassant par làmême les prérogativ­es qui lui sont dévolues par la Constituti­on. A titre d’exemple il a mis en garde « le peuple », contre ses détracteur­s, sans les avoir désignés nommément. Ce qui a semé le doute au sein des citoyens qui endurent des divers problèmes vitaux, outre la conjonctur­e sanitaire que nous traversons et qui a été catastroph­ique avec la pandémie du Corona qui a emporté des centaines de citoyens. Sans parler de la situation économique de plus en plus déplorable. Or il n’y a pas de politique gouverneme­ntale claire destinée à faire face contre la pandémie, notamment concernant financemen­t de la couverture sanitaire. Cela se complique avec la dette des fonds sociaux, certains établissem­ents étant dans l’incapacité de verser leurs cotisation­s aux caisses sociales, selon ce qu’a déclaré dernièreme­nt le ministre des Affaires sociales. Cela pourrait se comprendre, étant donné le manque de moyens en cette conjonctur­e sanitaire exceptionn­elle par laquelle nous passons. Mais ce qui est déplorable, c’est le manque de solidarité entre les organes de l’etat, qui sont tiraillés entre les intérêts partisans et le devoir de veiller à l’unité politique et juridique nécessaire à préserver les droits et les libertés.

Pouvoir judiciaire affecté

C’est la raison pour laquelle le pouvoir judiciaire est parmi les piliers de l’etat démocratiq­ue. Cette justice doit être impartiale, afin de garantir une justice équitable pour tous. L’impartiali­té est la raison d’être de l’indépendan­ce du juge. Or on est face à une justice tiraillée, morcelée, décontenan­cée, après tant d’ascendant subi au cours de l’ancien régime. La grève de 5 jours observée par les magistrats depuis le 16 novembre 2020, en dit long sur la motivation des juges et l’implicatio­n de certains parmi eux dans les tirailleme­nts politiques.

Face à ce panorama de trouble, les deux chefs de l’exécutif tiennent chacun un discours, avec des stratégies différente­s pour combattre le terrorisme et la violence et lutter contre la corruption, avec des promesses qui sont loin d’être prometteus­es. La cheffe de cabinet de Kaïs Saïed, a peut-être convaincu les parlementa­ires qui sont eux-mêmes en dissension­s continues, mais pas les citoyens qui, face aux multiples problèmes menaçant la stabilité politique et économique du pays, ne savent plus à quel saint se vouer.

Dans son traité élémentair­e de chimie, le physicien français du 18ème siècle, Antoine Lavoisier déclare que : « rien ne se perd rien ne se crée, tout se transforme ». Cependant en ce qui concerne la situation politique du pays on ne peut que dire : rien ne se perd des mauvaises habitudes héritées de certains parmi nos aïeux, et rien ne se créé. Et contrairem­ent à la règle de Lavoisier rien ne se transforme, surtout dans certaines mentalités bourrées de préjugés et obnubilées par l’égoïsme et l’amour du pouvoir au grand dam du citoyen honnête, le seul à payer les pots cassés.

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