Le ministère du commerce a du pain sur la planche !
Depuis quelques temps, c’est le branle-bas général dans le secteur de la boulangerie ! Si rien ne va plus déjà, on l’aura compris, à l’intérieur même de la « corporation », entendez entre les différentes classes des boulangeries (type A, type C, et celles dites « non classées »), la tension monte dernièrement d’un cran entre tout ce beau monde, qui s’entredéchirent déjà entre eux, d’une part, et le ministère du Commerce, d’autre part, qui, faute d’une vision claire et à défaut d’une approche transparente, n’a pas manqué de jeter de l’huile sur le feu et d’aggraver encore la crise. Réduits au pain sec, les Citoyennes et les Citoyens observent et croisent les doigts…
Sur fond de l’éternelle ruée des boulangers, toutes « classes » confondues, vers la subvention étatique et les rations de semoule et de farine, doublée d’une concurrence acharnée, et parfois déloyale, entre les professionnels de la boulangerie, aiguillonnée encore, dernièrement, par un échange de déclarations incendiaires et de menaces d’escalades de part et d’autres, après les nouvelles décisions du ministère du Commerce annoncées la semaine dernière, et qui exigent un « changement » de la forme des baguettes dans les boulangeries dites « non classées ».
Le casse-tête des subventions
Une décision aussi maladroite que visiblement étrange et déconcertante, improvisée, certes, à la va-vite, mais qui a, au moins, le mérite de relancer le débat sur la semoule et la farine subventionnées par l’etat tunisien et qui représente, non seulement, un casse-tête inextricable pour tous les gouvernements qui se succèdent, mais aussi une véritable pomme de discorde qui ne cesse d’attiser les conflits au sein du secteur de la boulangerie.
Concrètement, et en y regardant de plus près les arguments avancés de part et d’autres, on ne peut que donner raison –ou pas ?- à un camp comme à un autre. D’où, d’ailleurs, le casse-tête qui en émane…
D’une part, les boulangeries dites « classées », déplorent une concurrence qualifiée de « déloyale » de la part des boulangeries « non classées » qui vendent, à prix libres, non seulement le pain mais les pâtisseries, pizzas et autres produits à base de semoule et de farine, un commerce certainement beaucoup plus lucratif, comparé à celui des boulangeries « classées » qui n’ont le droit que de vendre du pain.
D’autre part, ce sont les boulangeries « non classées » qui pointent du doigt le prix élevé de la semoule et de la farine, non subventionnée, et déplorent, à leur tour, une concurrence qualifiée aussi de « déloyale », de la part des boulangeries « classées », qui n’ont pas seulement le privilège d’avoir de la farine subventionnée à portée de main, mais qui ont tendance également à en demander toujours plus.
Marché noir et circuits parallèles
Sur le terrain, les Tunisiennes et les Tunisiens savent très bien que la majorité des boulangeries, qu’elles soient classées ou non, se servent, de toute façon, de cette farine subventionnée dans les circuits irréguliers du marché parallèle qui bat toujours son plein sur fond d’impunité, et d’absence de contrôle. Par ailleurs, et à en croire le ministère du Commerce, même la farine, dite « non subventionnée », s’avère, en réalité, d’une manière ou d’une autre, également subventionnée. Puisque le prix de quintal vendu en gros de cette matière, par les minoteries régulières, est fixé par l’etat de manière à permettre un large bénéfice pour ces boulangeries « non classées », notamment avec les prix libres exercées par celles-ci.
Dans ce contexte de charivari, complexe et éminemment lassant, le ministère du Commerce, ne sachant visiblement sur quel pied danser après la ridicule histoire de « changement de forme de la baguette », semble vouloir rectifier le tir en annonçant de nouvelles mesures, lors d’un point de presse tenu jeudi, dans une tentative d’organiser la filière et de lutter contre la concurrence déloyale et le marché parallèle.
D’après les nouvelles mesures, les boulangeries, toutes classes confondues, doivent dorénavant s’approvisionner exclusivement en matières premières (farine et semoule) par les minoteries du pays. Le ministère a décidé, par ailleurs, l’obligation d’afficher le poids et le prix du pain à la boulangerie avec l’application des cahiers des charges régissant l’activité des boulangeries.
La « décision », précise le ministère, s’adresse aux différentes boulangeries, aussi bien de type A, de type C que celles « non-classées ».
A défaut d’une réforme sérieuse du système de subventions, doublée d’une véritable restructuration de tout le secteur de la boulangerie, pas sûr que ces nouvelles « décisions » –si on peut appeler ça comme ça !- vont calmer les ardeurs des boulangers, et mettre fin à la crise. En attendant la baguette magique ?