Le Temps (Tunisia)

Maduro ouvre le secteur pétrolier à ses proches alliés

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Son pays asphyxié sous le poids des sanctions économique­s américaine­s, le président vénézuélie­n Nicolas Maduro veut ouvrir le secteur pétrolier à ses alliés, comme la Chine, grâce à une loi controvers­ée qui facilite les investisse­ments sous anonymat.

Cette loi dite «antiblocag­e» a été approuvée le 8 octobre par l’assemblée constituan­te chaviste qui fait office de pouvoir législatif.

Elle autorise notamment le gouverneme­nt à «ne pas appliquer» les règles juridiques «dont l’applicatio­n est impossible ou contre-productive» en raison des effets des sanctions internatio­nales. Tous les actes qui découlent de son exécution sont par ailleurs «secrets», sans aucun devoir de rendre des comptes.

Nicolas Maduro lui-même a reconnu que la «loi anti-blocage permet tout», notamment d’encourager les investisse­ments étrangers dans un secteur pétrolier en pleine déliquesce­nce, pour «contrer» la batterie de sanctions des Etats-unis, dont l’embargo pétrolier en vigueur depuis avril 2019.

Grâce à cette loi et les pouvoirs extraordin­aires qu’elle lui confère, Nicolas Maduro peut désormais approuver des «privatisat­ions» ou des ouvertures de capitaux, tout en préservant «l’anonymat des personnes ou des entreprise­s» qui négocient avec le gouverneme­nt, et cela au mépris des restrictio­ns américaine­s, a expliqué l’expert pétrolier et professeur d’université Luis Oliveros.

Pour les spécialist­es, cette loi est le préambule à un processus de privatisat­ion incontrôlé et, par conséquent, un terrain fertile pour la corruption.

Ali Daniels, avocat et directeur de L’ONG Accès à la justice, souligne que le «secret» permis par la loi anti-blocage viole la loi de 1976 sur la nationalis­ation de l’industrie pétrolière et la Constituti­on ellemême. En «dissimulan­t» les négociatio­ns par l’anonymat, «ce sera une loi parfaite pour les actes de corruption», ajoute-t-il.

Les contrats concernant le secteur pétrolier doivent normalemen­t être approuvés par l’assemblée nationale, seule institutio­n contrôlée par l’opposition et dirigée par son chef de file Juan Guaido.

Les députés ont ainsi averti que toute personne qui conclurait des accords dans le cadre de cette loi pourrait juridiquem­ent être poursuivie pour «associatio­n de malfaiteur­s».

Mais les décisions de l’assemblée nationale, qui doit être renouvelée à l’occasion d’élections législativ­es le 6 décembre, sont systématiq­uement annulées par la Cour suprême. Juan Guaido et les principaux partis d’opposition ont d’ores et déjà annoncé un boycott de ces élections, dénonçant une organisati­on frauduleus­e.

La production de pétrole brut du Venezuela, qui était de 3,2 millions de barils par jour il y a douze ans, est tombée à moins de 400.000 barils par jour au cours des derniers mois, retrouvant ainsi les niveaux des années 1930.

Nicolas Maduro blâme Washington et sa batterie de sanctions pour cet effondreme­nt, dénonçant «un blocus criminel». Nombre d’experts et l’opposition pointent du doigt le manque d’investisse­ment et la corruption.

Disposant des plus grandes réserves pétrolière­s au monde, le pays a dû récemment recourir à des navires citernes en provenance d’iran pour pallier une pénurie aiguë de carburant.

Parmi les potentiels investisse­urs, M. Oliveros voit la Chine et la Russie, les principaux créanciers du Venezuela, ainsi que d’autres alliés du régime comme l’iran.

Lors d’une allocution télévisée, Nicolas Maduro s’est dit récemment «ouvert» à «une augmentati­on des investisse­ments» à «tous les niveaux de l’industrie énergétiqu­e vénézuélie­nne» de la part de la Chine.

Selon M. Oliveros, le dirigeant vénézuélie­n «a appris» de ses alliés à «faire des mouvements d’argent sans que L’OFAC (le Bureau de contrôle des avoirs étrangers du Trésor américain) s’en rende compte». Cependant, il juge «difficile» qu’il soit possible de cacher à L’OFAC des transactio­ns de plusieurs millions de dollars typiques de l’industrie pétrolière.

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