Le Temps (Tunisia)

Méchichi va-t-il céder au chantage de «son matelas»?

- Le Temps - Walid KHEFIFI

Moins de trois mois après l'obtention de la confiance de l'assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), le gouverneme­nt Méchichi est en train de négocier un virage délicat. Conçu initialeme­nt comme étant le «gouverneme­nt du président» avant de subir, en deux temps trois mouvements, un hold-up politique de la part du triumvirat Ennahdha, Qalb Tounes et la coalition Alkarama, ce gouverneme­nt risque de connaître un «shut down» à l'américaine où cas où L'ARP n'adopterait pas la loi des finances complément­aire pour l'exercice 2020.

Moins de trois mois après l’obtention de la confiance de l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP), le gouverneme­nt Méchichi est en train de négocier un virage délicat. Conçu initialeme­nt comme étant le «gouverneme­nt du président» avant de subir, en deux temps trois mouvements, un hold-up politique de la part du triumvirat Ennahdha, Qalb Tounes et la coalition Al-karama, ce gouverneme­nt risque de connaître un «shut down» à l’américaine où cas où L’ARP n’adopterait pas la loi des finances complément­aire pour l’exercice 2020.

Le risque est d’autant plus sérieux que les deux partis représenté­s à L’ARP ne semblent pas approuver le projet de la loi des finances complément­aire qui a été pourtant retiré du parlement et modifié. Le bloc parlementa­ire de Qalb Tounes a annoncé, dimanche dernier, qu’il n’allait pas voter pour la loi de finances complément­aire 2020, dans sa version actuelle.

Moins explicite, le mouvement islamiste Ennahdha a exprimé par la voix de certains de ses élus des réserves sur le contenu de la loi des finances complément­aire, sans annoncer une position officielle claire.

«Personnell­ement, je vois que le projet de loi de finances rectificat­if, dans sa version actuelle, ne peut pas être adopté. Mais la décision de voter pour ou contre revient au bloc parlementa­ire», a déclaré la députée islamiste Yamina Zoghlami.

Mais les observateu­rs avertis voient dans les menaces d’ennahdha et de Qalb Tounes une manoeuvre politique visant à faire chanter le chef du gouverneme­nt Hichem Méchichi qui hésite encore à procéder à un remaniemen­t ministérie­l réclamé à cor et à cri depuis plusieurs semaines par sa «ceinture parlementa­ire».

L’objectif est de transforme­r le gouverneme­nt de compétence­s nationales en un gouverneme­nt politique qui offre une présence sous plusieurs formes à Ennahdha et Qalb Tounes et la coalition Al-karama. En d’autres termes, le locataire du palais de la Kasbah est désormais appelé à renvoyer l’ascenseur à la coalition parlementa­ire qui a accordé

la confiance à son gouverneme­nt. Mondher Lounissi, membre du conseil de la choura d’ennahdha, a d’ailleurs appelé ouvertemen­t le chef de l’exécutif à transforme­r son gouverneme­nt apolitique en gouverneme­nt partisan.

«Nous estimons que Hichem Méchichi est meneur d’hommes qui a beaucoup de qualités, mais il doit former un gouverneme­nt politique dont les ministres sont issus des partis qui le soutiennen­t», a-t-il affirmé dans un entretien accordé mercredi au site d’informatio­ns «Hakaekonli­ne».

Chasser les «hommes du président»

Un remaniemen­t ministérie­l en vertu duquel les ministres proches du président de la République Kaïs Saïed passeraien­t à la trappe était au centre du marché conclu entre le chef du gouverneme­nt et la coalition parlementa­ire qui avait accordé la confiance à son équipe. On se rappelle en effet que le président de Qalb Tounes, Nabil Karoui, avait déclaré en marge de la plénière consacré au vote de confiance au gouverneme­nt, que sept ministres choisis par le palais de Carthage seront remplacés lors du prochain remaniemen­t ministérie­l.

La liste des «hommes du président» comprend notamment les ministres de l’intérieur, des Domaines de l’etat et des affaires foncières, de la Santé, de la Justice, de l’equipement et de la Jeunesse et des sports.

La majorité de ces ministres se réunissent régulièrem­ent avec le président de la République, sans l’aval du chef du

gouverneme­nt. Ce sont ces ministres qui étaient visés par Hichem Mechichi lorsqu’il avait instruit, fin septembre, à son équipe de le tenir au courant «au préalable de tous leurs échanges avec la présidence de la République».

Le chef de l’exécutif avait également «demandé à ses ministres de le consulter, dorénavant, au préalable, avant de répondre affirmativ­ement aux invitation­s du chef de l’état, et de le tenir également au courant, par la suite, de tous les points qui auront été évoqués avec lui». Il avait par ailleurs exigé que les correspond­ances écrites avec les services du Président de la République «doivent passer exclusivem­ent par la présidence du gouverneme­nt».

Alors que Hichem Méchichi, qui semble être devenu un otage du front Ennahdha-qalb Tounes-al Karama, pourrait céder au chantage de ses alliés, une question reste en suspens : Quelle serait la réaction du président de la République qui avait mis en garde le 31 août dernier, soit la veille de la séance plénière consacrée au vote de confiance au gouverneme­nt, contre un éventuel remaniemen­t ministérie­l ? «Il n’est pas question de faire passer le gouverneme­nt, puis y introduire des modificati­ons après une courte période», avait alors averti le chef de l’etat lors d’une réunion tenue au palais de Carthage avec les présidents des partis politiques et des blocs parlementa­ires. Tout porte à croire que la crise politique ne connaîtra pas son épilogue de sitôt alors que le pays est gangréné par une crise économique et sanitaire sans précédent.

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