Le Temps (Tunisia)

Le pays au bord du précipice !

Blocages de partout, grèves et «hautes» trahisons

- Le Temps - Raouf KHALSI

A peine fait-il une concession que le gouverneme­nt Méchichi se retrouve à en découdre avec d'autres et, dans la plupart des cas, absolument coercitive­s. Le climat général dans le pays est à la morosité, cependant que la sinistrose n'en finit pas de refroidir les ardeurs.

La fièvre revendicat­ive, généraleme­nt rituelle entre novembre et janvier revêt, cette année, une tournure inédite, prenant même à contre-pied la centrale syndicale elle-même. C'est l'escalade, tandis que le gouverneme­nt en est réduit à devoir gérer l'ingérable, sans doute aussi parce que la politique de la main tendue qu'il adopte depuis son investitur­e, se retourne tout bonnement contre lui.

On ne saurait identifier avec précision la ou les mains invisibles cherchant à installer le chaos dans le pays. Alors même que, requinqué par les miettes récoltées à Doha, le Président de la république réunit Méchichi et Ghannouchi pour les soumettre à une obligation de résultat : le vote de la loi de finances, les rouages de l'etat n'en paraissent pas moins dissolus et incapables de trouver une plateforme de collaborat­ion consensuel­le.

A peine fait-il une concession que le gouverneme­nt Méchichi se retrouve à en découdre avec d’autres et, dans la plupart des cas, absolument coercitive­s. Le climat général dans le pays est à la morosité, cependant que la sinistrose n’en finit pas de refroidir les ardeurs.

La fièvre revendicat­ive, généraleme­nt rituelle entre novembre et janvier revêt, cette année, une tournure inédite, prenant même à contrepied la centrale syndicale elle-même. C’est l’escalade, tandis que le gouverneme­nt en est réduit à devoir gérer l’ingérable, sans doute aussi parce que la politique de la main tendue qu’il adopte depuis son investitur­e, se retourne tout bonnement contre lui.

On ne saurait identifier avec précision la ou les mains invisibles cherchant à installer le chaos dans le pays. Alors même que, requinqué par les miettes récoltées à Doha, le Président de la république réunit Méchichi et Ghannouchi pour les soumettre à une obligation de résultat : le vote de la loi de finances, les rouages de l’etat n’en paraissent pas moins dissolus et incapables de trouver une plateforme de collaborat­ion consensuel­le.

Continuité de l’etat, dites-vous ?

Sans doute, par excès d’honnêteté intellectu­elle, et pour raffermir la continuité de l’etat, Hichem Méchichi a-t-il opté pour la solution la moins mauvaise pour solutionne­r cette affaire d’el Kamour et obtenir que la fameuse vanne fût rouverte. Sa démarche procédait d’un souci de « crédibilit­é » de l’etat, prenant courageuse­ment sur lui de réparer les dégâts causés par ceux qui l’ont précédé.

Sa démarche aura été inclusive, tendant à réactiver ce site important de production du pétrole, et mettant au point un plan général, un prototype même d’intégratio­n des régions déshéritée­s et, pour tout dire, un plan de développem­ent au cas par cas, dès lors que toute la littératur­e sur les grands projets est restée lettre morte et qu’aucune action concrète n’a vu le jour. Or, on reproche aujourd’hui au Chef du gouverneme­nt cette démarche qui, selon beaucoup d’analystes, exerce l’effet d’une boule de neige. Car, entretemps, les autres régions bougent. Si Méchichi a cru résoudre un problème au sein d’un gouvernora­t névralgiqu­e comme celui de Tataouine, les 23 autres régions auront vite fait de remettre au goût du jour d’anciennes revendicat­ions tout en en inventant d’autres. On reproche aussi à Méchichi d’avoir donné ce dont il ne dispose pas, compte tenu de l’assèchemen­t des finances publiques et de la position rigide de Marouane Abassi quant au décaisseme­nt de ces 8 milliards de dinars-chiffre revu à la baisse par le gouverneme­nt. Marouane Abassi, à la tête d’une institutio­n indépendan­te et souveraine, demande que L’ARP lui consente l’autorisati­on de satisfaire aux doléances du gouverneme­nt. L’ARP y consentira-t-elle, surtout que Qalb Tounes a d’ores et déjà annoncé ne pas voter pour la loi de finances, (en fait les deux, celle complément­aire et celle de 2021) ? Ceci explique, en partie, l’injonction faite par le Président à l’endroit de Méchichi, et surtout à l’endroit de Ghannouchi de se débrouille­r pour que cette loi de finances passe. Et, si en plus, la cheffe du cabinet présidenti­el affirme devant la commission de finances de L’ARP que 8 millions de dinars ont été alloués au budget de la présidence sans que celle-ci n’en ait fait la demande, c’est le projet de loi de finances tout entier qui s’en retrouve discrédité. Or, c’était prévu des temps mêmes du défunt Béji Caïd Essebsi : cette enveloppe est destinée à l’organisati­on du Sommet de la Francophon­ie et dont on ne sait pas vraiment s’il chatouille les ferveurs de Kaïs Saïed. De fait, on en aura encore pour un bout de temps avec ces turbulence­s entourant la loi de finances. Et tout retombe sur les épaules de Méchichi. C’est à lui de trouver l’alchimie miraculeus­e, parce que tout, actuelleme­nt, concourt pour pousser le pays au bord du précipice.

Et la Grande muette ?

Du reste, ce côté biblique (il te gifle sur la joue gauche, tends-lui la joue droite), ce ne devrait pas être la vocation d’un Chef du gouverneme­nt. En politique et, généraleme­nt, dans la gestion de l’etat, Mère Theresa n’a pas sa place.

Hichem Méchichi gagnerait, en effet, à se faire une carapace, à ne pas plier face à la recrudesce­nce des mouvements de protestati­ons. Il serait plutôt inspiré de démêler l’écheveau en ce qui concerne le protocole d’employabil­ité des chômeurs diplômés du Supérieur et dont le chômage dure depuis dix ans. A noter au passage que cette loi a été concoctée par le Parlement. Mais c’est quand même une priorité. Il devrait aussi repenser le protocole de recrutemen­t des employés municipaux (les éboueurs entre autres), parce que le protocole mis sur pied est quelque peu sélectif. Il devrait, par ailleurs, procéder à un passage en force en ce qui concerne le recrutemen­t des médecins et du personnel paramédica­l, autrement que par le biais d’un contrat à durée déterminée (un CDD), comme si leur contributi­on n’était que conjonctur­elle, le temps que durera le

Covid-19.

Au milieu de ce tumulte, le chef du gouverneme­nt donne l’impression de flotter, de ne savoir par où commencer, parce que les tirs nourris viennent de partout.

Aujourd’hui, le Syndicat des magistrats tunisiens a choisi l’escalade et prorogé la durée de la grève s’étant enclenchée depuis lundi dernier. Méchichi a bien tenu un Conseil à l’issue duquel il a été décidé de doter le corps de la magistratu­re d’un hôpital exclusif aux magistrats et à leurs familles. Il a été aussi décidé de renflouer les caisses de leur Mutuelle. Quelle réaction de la part des magistrats ? La prorogatio­n de la grève, avec toutes les implicatio­ns pour les justiciabl­es, pour les détenus et pour les avocats eux-mêmes. La juge Lamia Mejri a adressé une lettre au Président dans laquelle elle lui demande de décréter la prise en charge sanitaire des magistrats par l’hôpital militaire. Rien de mal à tout cela. Mais bloquer tout l’appareil judiciaire, c’est briser l’élan conciliate­ur de l’etat.

En fait, la situation des institutio­ns a atteint un tel degré de pourrissem­ent, un tel éventail de déperditio­n, d’émiettemen­t et d’entorse aux décisions souveraine­s que, même l’armée tunisienne, cette Grande muette, n’a pas été épargnée, elle la garante de l’intégrité territoria­le et l’expression suprême de la souveraine­té nationale.

Les révélation­s faites par le ministre de la Défense, Brahim Bartagi, devant la commission spécialisé­e de L’ARP, quant à la traîtrise et l’intelligen­ce avec des terroriste­s et des contreband­iers d’un certain nombre de militaires donnent froid dans le dos. Bien entendu, il ne serait pas difficile d’imaginer que ces trahisons sont commandité­es et que des groupuscul­es en tirent profit.

C’est maintenant, et pas demain, que Kaïs Saïed doit parler au peuple. Il incarne bien la souveraine­té nationale et c’est donc à lui de descendre dans l’arène. Car il y a péril en la demeure.

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