Le Temps (Tunisia)

La poudrière sociale au bord de l'embrasemen­t

❑ Fermeture des vannes des stations de pompage sur deux sites pétroliers à Sfax et Kasserine ! ❑ Grèves générales régionales à Béja le 25 novembre et à Kairouan le 3 décembre

- Le Temps - Walid KHEFIFI

La Tunisie est en ébullition. Depuis plusieurs semaines, le climat social s'est nettement dégradé dans le pays avec l'ouverture de plusieurs fronts de contestati­on.

La Tunisie est en ébullition. Depuis plusieurs semaines, le climat social s’est nettement dégradé dans le pays avec l’ouverture de plusieurs fronts de contestati­on.

L’accord signé entre le gouverneme­nt et les protestata­ires qui avaient bloqué la production du pétrole dans le désert de Tataouine en fermant la vanne de la station du pompage d’el Kamour a donné le top départ d’une série de protestati­ons dans plusieurs régions laissées sur le bord de la route du développem­ent depuis l’indépendan­ce.

Après le sit-in ouvert organisé par des chômeurs sur les sites de production du Groupe chimique Tunisien (GCT) à Gabès depuis le 13 novembre, les habitants des localités avoisinant le champ pétrolier de Doulab, situé entre les délégation­s de Sbeïtla et Laayoun, qui observaien­t depuis une semaine un sit-in pour réclamer des emplois et une contributi­on de la société pétrolière exploitant le gisement au développem­ent régional, ont fait irruption sur ce site pétrolier où ils ont fermé la vanne de la station de pompage de pétrole. Ils ont également obligé les employés de la compagnie exploitant le champ pétrolier à quitter leur lieu de travail. Le même scénario s’est reproduit dans la délégation de Thyna (gouvernora­t de Sfax) où la coordinati­on d’un sitin de chômeurs a procédé lundi à la fermeture de la vanne de pétrole de la station du pompage du champ pétrolier de Guebiba exploité par la société pétrolière norvégienn­e Panoro Energy. La fermeture de la vanne a eu lieu après l’échec d’une les négociatio­ns menées par la coordinati­on avec le gouverneur de Sfax au sujet du recrutemen­t de jeunes chômeurs.

D’autre part, les braises de la contestati­on restent toujours incandesce­ntes à Tataouine, où le porte-parole du sit-in d’el-kamour, Tarek Haddad, a diffusé, lundi 23 novembre 2020, une vidéo sur la page Facebook de la Coordinati­on appelant le chef du gouverneme­nt, Hichem Méchichi, à appliquer les termes de l’accord signé le 8 novembre. Entouré de manifestan­ts réunis devant le siège du gouvernora­t de Tataouine, Tarek Haddad a menacé de réagir en cas de non régularisa­tion de la situation des ouvriers de la société de l’environnem­ent et indiqué que rien n’a été fait à ce jour en ce qui concerne le recrutemen­t de 1500 autres agents au sein de la société de l’environnem­ent et le décaisseme­nt de 80 millions de dinars en faveur du Fonds développem­ent dédié à la région. «Nous ne sommes pas des clochards, mais nous ne cèderons pas. Votre rôle, en tant que Chef de gouverneme­nt, est de donner les salaires et de faire travailler les chômeurs. On ne lâchera pas l’accord. Espérons que le gouverneme­nt se montrera sérieux après cette vidéo et que les accords seront appliqués. Sinon, on va s’embêter mutuelleme­nt », a-t-il lancé.

Revendicat­ions corporatis­tes

Sur un autre plan, l’union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), la centrale syndicale historique qui voit d’un mauvais oeil la naissance de «coordinati­ons régionales» formées par des protestata­ires pour négocier avec les autorités régionales et même centrales soutient et encadre, parfois à contrecoeu­r, plusieurs mouvements de protestati­on. Craignant de voir des coordinati­ons régionales nées de la dernière pluie leur couper l’herbe sous les pieds comme ce fut le cas à El Kamour, les antennes régionales de L’UGTT à Béja et Kairouan ont décrété des grèves générales respective­ment le 25 novembre et le 3 décembre pour réclamer le droit de ces régions au développem­ent.

Les unions régionales du travail de Tozeur, Siliana et Jendouba ont également brandi des menaces de grève pour le même motif.

L’union régionale du travail à Tataouine a, quant à elle, lancé un préavis de grève de trois jours les champs pétroliers Nawara et El Waha à partir du 30 novembre. Ce débrayage est motivé par l’échec des négociatio­ns avec la société autrichien­ne OMV au sujet du licencieme­nt de 50 de ses employés, dont des membres des syndicats de base.

Par ailleurs, plusieurs corporatio­ns mises à mal par la pandémie du coronaviru­s ont entamé des mouvements de protestati­on. Les magistrats, qui ont observé une grève de cinq jours durant la semaine écoulé, ont décidé de poursuivre leur mouvement pour réclamer la protection des gens de la profession contre la pandémie du coronaviru­s, le droit à l’hospitalis­ation au sein de l’hôpital militaire de Tunis, la revalorisa­tion des salaires et la digitalisa­tion de la justice. Ces mêmes revendicat­ions ou presque ont été formulées par les greffiers des tribunaux qui ont entamé hier un sit-in ouvert devant le ministère de la Justice et une grève ouverte. Précarisés par l’épidémie du coronaviru­s, les artistes ont, quant à eux, entamé un sit-in dans la Cité de la culture à Tunis pour réclamer leur droit à poursuivre leur activités tout en respectant les protocoles sanitaires définis par les autorités.

Et last but not least, le Syndicat national des journalist­es tunisiens (SNJT) a décidé d’organiser une grève générale des médias le jeudi 10 décembre 2020, journée coïncidant symbolique­ment avec la date de la proclamati­on de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme. D’autres formes de protestati­on seront observées pour réclamer les droits légitimes des journalist­es, à commencer par le port du brassard rouge à partir du lundi 23 novembre jusqu’au jeudi 26 du même mois. Une «Journée de la colère», suivie de divers rassemblem­ents de protestati­on, Place du gouverneme­nt à la Kasbah, et dans plusieurs régions du pays est également prévue.

Le SNJT réclame essentiell­ement la publicatio­n dans le Journal officiel (JORT) d’une convention signée avec un gouverneme­nt précédent, le lancement d’une réforme des entreprise­s médiatique­s publiques, la régularisa­tion de la situation des médias confisquée­s et la création d’une agence de publicité publique.

Le gouverneme­nt, qui peine à boucler le budget de l’etat pour l’exercice 2020, semble plus que jamais incapable de prendre des mesures de nature à faire retomber la fièvre revendicat­ions. Mais la solution pourrait, selon certains experts, venir de l’initiative qui sera lancée prochainem­ent par L’UGTT pour organiser un dialogue national sous la houlette du président de la République.

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