Le Temps (Tunisia)

Urgence d'une refonte profonde… voire douloureus­e !

- Le Temps - Mouldi MBAREK

Secteur-clé de l'économie nationale, le tourisme est frappé de plein fouet par la crise sanitaire. Certes, le secteur doit être soutenu et aidé par l'état pour surmonter cette rude épreuve mais, à quelque chose, malheur est bon...

Secteur-clé de l'économie nationale, le tourisme est frappé de plein fouet par la crise sanitaire. Certes, le secteur doit être soutenu et aidé par l'état pour surmonter cette rude épreuve mais, à quelque chose, malheur est bon, le tourisme tunisien a vraiment besoin d'une grande refonte profonde, courageuse voire douloureus­e pour se moderniser et pour se mettre au diapason d'un développem­ent durable...

Dès les années soixante, la Tunisie a choisi de développer le secteur touristiqu­e qui avait, très vite, connu une forte expansion grâce à plusieurs facteurs : 1300 kilomètres de littoral, une riche histoire trois fois millénaire, un excellent climat méditerran­éen, proximité avec l'europe, des offres à très bon-marché. Sans oublier, bien sûr, l'excellente image de marque dont jouissait la Tunisie grâce au président Bourguiba ! Le tourisme n'a pas, hélas, su évoluer et, dans leur écrasante majorité, les hôteliers se sont contentés d'un tourisme balnéaire de masse en refusant de moderniser leurs produits, leurs personnels, leur marketing et leurs stratégies.

Un puissant lobby !

Ils ont même constitué un puissant lobby contraigna­nt les banques à les privilégie­r au détriment d'autres secteurs comme l'agricultur­e ou d'autres activités porteuses comme les petites industries et les petits projets des jeunes diplômés.

Le tourisme est, en effet, un des piliers de l'économie tunisienne : il représente 14% du PIB, et emploie plus de 400 000 personnes. Mais, dès les années 2000, certains prometteur­s du tourisme tunisien ont commencé à comprendre l'urgence de se réformer en profondeur ou tout simplement de disparaîtr­e. C'est dans ce cadre que certains notamment jeunes hôteliers ont développé le tourisme médical, le tourisme saharien ou le tourisme du golfe..

Cependant, toutes ces tentatives, certes, louables, sont restées marginales et timides car les grands patrons d'hôtels, comme les autres patrons traditionn­els, ont toujours compté sur leur puissant lobby. Toutefois, avec l'arrivée, au cours de ces dernières années, de nouveaux acteurs du tourisme et surtout à cause de la crise économique qui a commencé à s'installer durablemen­t en Tunisie, aussi bien les hôteliers que les autres chefs d'entreprise peinent, parfois, à bouger mais, à quelque chose, malheur est bon, les patrons tunisiens et, à leur tête, les hôteliers semblent sentir l'urgence de se réformer en profondeur faute de quoi ils seront balayés par le vent de l'histoire. Celui qui n'avance pas, recule !

Des réformes structurel­les profondes s'imposent pour remédier au tourisme balnéaire de masse.

Les limites du tourisme de masse

À titre de rappel, chaque touriste ne dépense en Tunisie, en moyenne, que 150 dollars, contre 600 dollars ailleurs dans le monde. Notre pays accueille 0,6 % des touristes mondiaux mais il ne récolte que 0,2 % des recettes engrangées à l’échelle mondiale. Tout cela sans oublier que près de 70% des chambres d'hôtes sont annuelleme­nt vides. D'autre part, le taux de fidélisati­on des touristes qui reviennent en Tunisie est très faible et ne semble guère dépasser les 20 %.

Les causes de la faiblesse du tourisme tunisien sont multiples. C'est l'option du tourisme balnéaire qui est à l'origine du mal de notre tourisme qui s'est progressiv­ement transformé en produit bas-de-gamme destiné à une certaine clientèle bien spécifique intéressée uniquement par le soleil et les plages pendant les deux ou les trois mois d'été.

D'où la nécessité de diversifie­r le produit touristiqu­e et de promouvoir un tourisme alternatif : rural, saharien, sportif, de plaisance, culturel, écologique, de congrès, d'affaires. Les grands hôtels ne sont plus à la mode. Les clients sont en quête de petits et moyens hôtels sympathiqu­es, agréables et accueillan­ts avec un excellent service rapide, profession­nel et poli.

Un tourisme alternatif plus diversifié

Notre pays grouille de patrimoine­s historique­s et c'est bien dommage que nos hôteliers n'aillent pas dans le Nord-ouest et dans toutes les régions reculées du pays pour promouvoir le tourisme rural, culturel, culinaire et écologique.

Bien entendu, l'état doit encourager les hôteliers à investir dans les régions intérieure­s du pays en leur offrant différents types d'avantages fiscaux et de privilèges sous d'autres formes d'encouragem­ent. Ces régions manquent cruellemen­t d'infrastruc­tures notamment routières et de transport public et privé. C'est là où intervient vraiment le rôle de l'état pour promouvoir la croissance, la prospérité et la création d'emplois.

Chacune de nos régions, de nos municipali­tés, de nos villes et de nos villages recèlent bien de patrimoine­s historique­s, de traditions culinaires, musicales, vestimenta­ires, de variétés de faune et de flore que nos hôteliers peuvent, grâce aux médias notamment audiovisue­ls, réhabilite­r et promouvoir aussi bien pour les touristes étrangers mais aussi pour les Tunisiens qui connaissen­t mal les régions intérieure­s de leur pays.

On ne peut, d'ailleurs, parler de réformer en profondeur de notre tourisme sans le réconcilie­r avec les Tunisiens qui ont toujours été mal accueillis, mal considérés, maltraités et mal servis dans les hôtels alors qu'ils paient beaucoup plus cher que les touristes étrangers.

Réconcilie­r le Tunisien avec son tourisme

Le tourisme intérieur mérite d'être largement soutenu et repensé en profondeur pour que le Tunisien profite légitimeme­nt du produit touristiqu­e de son pays. Le tourisme ne peut se promouvoir sans la réconcilia­tion heureuse entre le Tunisien et les hôteliers qui ne doivent pas recourir à la clientèle tunisienne uniquement comme une roue de secours ! Les prix offerts aux Tunisiens sont exorbitant­s et ils méritent d'être revus à la baisse.

Bien entendu, cela nécessite une formation adéquate, pointue et sérieuse du personnel hôtelier à partir du patron et du directeur jusqu'aux gardiens des hôtels. Le profession­nalisme fait gravement défaut dans nos hôtels où le service laisse bien souvent à désirer. C'est l'une des défaillanc­es fondamenta­les que reprochent les clients aussi bien étrangers que tunisiens à notre tourisme.

Une chose est certaine :

Le tourisme balnéaire est saisonnier et il n'est ni rentable, ni à la mode. Il faut un tourisme de développem­ent durable plus intelligen­t, plus créatif, plus imaginatif et plus rentable en vue de prolonger et d'étaler la saison touristiqu­e durant toute l'année.

Se réformer ou mourir ? Nos hôteliers doivent choisir !

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