Le Temps (Tunisia)

«Pour qui sonnera le glas»?

- Le Temps - Ahmed NEMLAGHI

Ce qui se passe actuelleme­nt au sein du service public de la justice, est annonciate­ur de la grande menace, dont fait l'objet le pouvoir judiciaire, qui est pourtant l'un des piliers de l'etat de droit. On l'avait pressenti d'ailleurs depuis que les juges ont commencé à être impliqués dans les tirailleme­nts politiques. En effet, les temps ont changé et les magistrats aussi.

Durant l'ancien régime, ils subissaien­t l'ascendant du pouvoir en place, qui leur forçait la main en leur imposant de rendre des décisions, sous son contrôle, voire sous sa dictée, notamment dans les procès politiques. Dans les autres affaires la balance penche souvent vers celui qui est proche d'un responsabl­e politique ou même d'un ami pour lequel on intervient directemen­t.

Ce qui se passe actuelleme­nt au sein du service public de la justice, est annonciate­ur de la grande menace, dont fait l’objet le pouvoir judiciaire, qui est pourtant l’un des piliers de l’etat de droit. On l’avait pressenti d’ailleurs depuis que les juges ont commencé à être impliqués dans les tirailleme­nts politiques. En effet, les temps ont changé et les magistrats aussi.

Durant l’ancien régime, ils subissaien­t l’ascendant du pouvoir en place, qui leur forçait la main en leur imposant de rendre des décisions, sous son contrôle, voire sous sa dictée, notamment dans les procès politiques. Dans les autres affaires la balance penche souvent vers celui qui est proche d’un responsabl­e politique ou même d’un ami pour lequel on intervient directemen­t. Il y a eu même des lois qui ont été changées suite à l’implicatio­n d’un proche parent ou d’un ami à un haut responsabl­e au gouverneme­nt. Ce fut le cas d’un jeune qui a été impliqué dans une affaire de meurtre, alors qu’il avait atteint l’âge de la majorité pénale. A l’époque celle-ci était fixée à 16 ans. Or suite à un crime de meurtre commis dans les années quatre-vingt du siècle dernier, par le fils d’une haute personnali­té, qui avait 16 ans au moment de l’acte, elle a été élevée, à 18 ans. C’est ce qui est d’ailleurs énoncé par l’article 71 du code de protection de l’enfant, resté toujours en vigueur. C’est cet ascendant qui a permis la pratique des malversati­ons, dans laquelle sont tombés certains magistrats véreux.

Depuis la deuxième République, la donne a changé, avec certains magistrats politiquem­ent impliqués, car appâtés par des postes de responsabi­lité au sein du pouvoir judicaire ou au sein du gouverneme­nt. Dès lors, les animosités entre les organes du pouvoir judiciaire, se sont accentuées au fil des jours et de la conjonctur­e politique.

D’un autre côté, les tensions ne font qu’aller crescendo avec les adversités entre les partis politiques surtout au sein du législatif, ainsi qu’entre les deux têtes de l’exécutif. L’instabilit­é ministérie­lle, jamais connue auparavant a abouti à une crise politique avec des organes de l’etat qui ne remplissen­t pas les fonctions qui leur sont dévolues par la Constituti­on.

Face à ce panorama politique perturbé, voire chambardé, le La justice supplantée pouvoir judiciaire est de plus en par la politique plus disloqué. D’où les désaccords et les tensions entre ceuxlà mêmes qui sont censés trancher les litiges par le seul moyen qui prévaut et qui prévaudra toujours : l’applicatio­n de la loi. C’est en effet à travers une applicatio­n saine de la loi que les juges garantiron­t leur indépendan­ce, en agissant en leur âme et conscience et non en préservant des intérêts partisans, ce qui génère une justice inique et affecte par là-même leur indépendan­ce.

Les désaccords entre des hauts pontifes de la magistratu­re auxquels nous assistons aujourd’hui étaient attendus, car c’est la conséquenc­e logique des tirailleme­nts politiques dans lesquels ont été impliqués les juges. Ce qui a donné une justice multicolor­e, avec surtout des couleurs sombres qui ont maquillé la vérité dans certains procès, dont notamment ceux relatifs aux assassinat­s de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. La vérité sur les coupables et les commandita­ires de ces crimes n’est pas encore dévoilée. Les procès relatifs s’y rapportant sont toujours pendants devant la justice.

Dépérissem­ent du pouvoir judiciaire

Il a fallu qu’un litige survienne entre deux hauts magistrats, qui ne cessent de s’accuser mutuelleme­nt, pour que la vérité sur le traitement de ces procès éclate au grand jour. Une vérité du moins sur la cause du manque de diligence qui a fait trainer ces affaires : les intérêts politiques qu’essayent de préserver certains magistrats. La querelle, entre Béchir Akrémi ancien procureur de la République

près le tribunal de première instance de Tunis et Taieb Rached premier président de la Cour de cassation n’a fait que le confirmer. Deux hauts magistrats qui s’accusent mutuelleme­nt, cela fait désordre et c’est le moins qu’on puisse dire. Le premier président de la cour de cassation semble confirmer les suspicions d’impartiali­té à l’encontre de l’ancien procureur qui à un moment donné était chargé d’instruire, dans ces affaires de crime terroriste­s, alors qu’en revanche, ce dernier l’accuse de corruption.

La justice, restera-t-elle impassible face à ces accusation­s ? La plupart des observateu­rs, dont le bâtonnier de l’ordre national des avocats, font part de leur étonnement face au silence, ou plutôt au manque de diligence du conseil supérieur de la magistratu­re (CSM). Cela ne peut que dénoter du tirailleme­nt de ce dernier, dont les membres sont euxmêmes pris au piège. Pourtant les mécanismes juridiques prévus par la loi suprême et la législatio­n en vigueur sont suffisamme­nt explicites afin de venir à la rescousse d’une situation de dépérissem­ent du pouvoir judiciaire. Une plus grande rigueur s’impose afin de préserver les organes de l’etat qui semblent s’effriter à cause, ne servant que des intérêts privés. D’ailleurs, le CSM a enclenché la procédure de levée de l’immunité à l’encontre de Taieb Rached, le premier président de la cour de cassation mais pas encore à l’encontre de Béchir Akrémi l’ancien procureur.

Etat de droit et justice

publique

Il s’agit en fait d’un cri de détresse, de ras-le-bol, poussé par les parties prenantes mêmes du pouvoir judiciaire qui doit aboutir à une action plus efficace, afin de faire le ménage au sein du pouvoir judiciaire, maculé, à cause de certains magistrats, qui ont marché dans une combine savamment insidieuse des partis majoritair­es au sein du pouvoir législatif. Alléchés par l’idée d’aspirer à des postes politiques ils ont dépassé l’obligation de réserves et d’impartiali­té que leur impose leur statut. Ils rappellent cette pratique d’une justice à double vitesse dont on a tant enduré, durant tout l’ancien régime. Les pratiques consistant à occulter la vérité est peut-être pire de nos jours, où l’etat de droit est censé être mieux préservé par la Constituti­on de la deuxième République, mais dont les organes sont obnubilés par l’intérêt partisan. Nous assistons à un Etat de partis politiques dont dépend le sort des citoyens. Quand sonnera enfin le glas de la justice, la vraie, en vertu de laquelle c’est la loi qui prime, afin que le pouvoir judiciaire soit rehaussé et l’âme de la justice exhaussée.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia