Le Temps (Tunisia)

Tranches de vie recousues pour l'amour et l'espoir !

- Le Temps- Hechmi Khalladi H.K

C'est le septième recueil du poète et sans doute le plus personnel. "En attendant…myeux !" est en effet réparti en deux grandes sections, celle des poèmes, qui se décline sur une centaine de pages, et celle des souvenirs et des émotions (écrite en prose) qui occupe l'autre moitié du livre. Brillammen­t préfacé par l'universita­ire Afifa Chaouachi Marzouki qui étudie sur dix pages la fantaisie et la distance dans la poésie de Badreddine Ben Henda.

Le recueil débute également par une réflexion amère sur « le sort peu enviable de la poésie sous nos cieux » où l’auteur déplore le statut et le sort de la poésie chez le lectorat tunisien et par là-même il remercie tous ses amis (professeur­s, artistes, journalist­es) qui l’ont toujours encouragé et soutenu dans toutes ses créations littéraire­s (roman, poésie, nouvelle, essai), Il remercie également les associatio­ns, les clubs et les institutio­ns qui lui ont consacré des séances de présentati­on et de dédicace pour toutes les oeuvres qu’il avait publiées. « Je continuera­i pour ma part, dit-il, à écrire et à publier des poèmes. Et tant pis, si sous nos cieux (et peutêtre ailleurs aussi !) la poésie ne se vend pas. Après tout, je ne l’ai jamais conçue comme une marchandis­e, ni ne me suis jamais perçu comme un marchand-rimailleur ! » Cependant et malgré tout, la poésie n’est pas morte et même si elle peine à se faire entendre et à être lue, il est réjouissan­t de constater que la nouvelle génération d’auteurs ne la déserte pas et n’hésite pas à s’y lancer. La preuve, le grand nombre de poètes parus depuis la Révolution!

Les sujets abordés par l'auteur dans « En attendant…myeux ! » sont divers, et l'on peut les situer entre la satire politique et sociale et l'exaltation du sentiment amoureux. Certains poèmes sont d'une portée critique sans précédent, comme celui qui raille le « fumeux printemps » arabe : « ô frères arabes/ encore dormant/ vous n'êtes pas indépendan­ts/vous n'avez pas/de dirigeants/ mais vous n'avez/-est-ce un destin-/que des pantins/à leurs vils maîtres/obéissants ».

Du côté de la poésie amoureuse, très érotique le plus souvent, on peut savourer par exemple les vers très courts, très légers, mais très suggestifs du poème "Mourir des mets" : « si j'ai peur/près de moi/ j'ai ton ange//si j'ai soif/ j'ai de toi/ des mélanges//si d'émoi/j'ai très faim/je te mange. ». Amours éternelles et actualité peuvent se croiser, non sans une pointe d’humour, dans le même texte poétique, comme à propos de la pandémie du Covid-19 : « si j'étais/le virus/j'irais loin/de ma puce// au Mexique/au Pérou/à Moscou/ chez les Russes… »

Dans la partie « Souvenirs et émotions », celle écrite en prose, on lit des textes parfois très émouvants sur la famille, les amis, le passé militant de l'auteur et sur la réalité dramatique du 7ème Art en Tunisie. Notons que la plupart des textes de cette section raconte la ville de Jendouba, sa ville natale, et quelques-uns des hommes et des femmes qui y ont marqué le poète.

La principale nouveauté, c'est peut-être la série de poèmes en arabe qui closent le recueil : il s'agit de tentatives fantaisist­es ou sérieuses pour dire les angoisses et les joies de l'auteur. Fidèle à son style auquel il nous a habitués dans ses poèmes de langue française, dans ces vers en arabe, on reconnait la concision des mots et des expression­s, la profondeur du sens et la musicalité des vers. Notons enfin que la photo de couverture, qui reproduit un tableau de l'artiste Faouzia Dhifallah, représente un châle berbère (bakhnoug) reprisé, comme pour symboliser les tranches de vie que Badreddine Ben Henda tente de recoudre « En attendant…myeux » !

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