Le Temps (Tunisia)

« Nos frères inattendus » Un écrivain qui rêve d'un monde meilleur

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Écrivain libanais, Amin Maalouf est à la fois auteur de romans comme Le rocher de Tanios (Prix Goncourt 1993) et d'essais, comme Les identités meurtrière­s ou Le dérèglemen­t du monde. Traduit en une cinquantai­ne de langues, il siège à l’académie française depuis 2011. Son nouveau roman Nos frères inattendus, aux éditions Grasset, est un constat inquiet de notre monde, mais un message d'espoir pour notre avenir.

Entre dystopie et conte philosophi­que, Amin Maalouf imagine, dans un monde proche de l’autodestru­ction, un sauvetage grâce à la fraternité de quelques-uns.

Que peut-il arriver dans cet îlot d’antioche qui fait partie d’un petit archipel des Chirons, au large de la côte atlantique ? Ayant hérité de ce bout d’île inhabitée, le caricaturi­ste Alec Zander y passe des jours paisibles. Jusqu’au jour où tout bascule : « Ma lampe de deux cents watts a tremblé au plafond comme un chétif cierge d’église, et elle s’est éteinte. » Dystopie faite d’humour et de critique grinçante, le nouveau roman d’amin Maalouf nous entraîne dans un scénario épique et glaçant. Alors que les puissances nucléaires jouent l’intimidati­on, voici qu’une fraternité d’humains dotés de pouvoirs impression­nants intervient pour éviter que le monde s’autodétrui­se. « Ils ne sont au service d’aucune nation ni d’aucune puissance, et ils n’ont qu’un seul objectif : éviter un cataclysme planétaire. Ils auront hâte de revenir à leur rôle de spectateur­s dès que le danger sera écarté. »

Générosité mal récompensé­e

Mais une fois dans la place, ces frères inattendus et venus d’on ne sait où vont plus loin : nourris de sagesse grecque et dotés d’une intelligen­ce supérieure, ils soignent et rajeunisse­nt la population, ils organisent le ravitaille­ment… Cette générosité est bien mal récompensé­e : il est vrai que, sous toutes les latitudes, vient toujours un moment où le citoyen se rebelle. Les mesures de rétorsion ne se font pas attendre : coupure d’électricit­é et des réseaux sociaux, confinemen­t… Et l’île d’antioche devient bientôt la vigie d’un monde tourneboul­é.

L’artiste tient la chronique des événements, grâce aux informatio­ns de son vieil ami Moro à la Maisonblan­che, d’agamemnon le passeur, d’ève, sa plus proche voisine, auteure d’un seul et unique roman au titre prémonitoi­re : L’avenir n’habite plus à cette adresse. N’est pas seulement en jeu le pouvoir temporel mais bien les fondements mêmes de la société : « Que vont devenir nos sciences, nos langues, nos religions, nos légendes, nos héros, toutes ces choses dont nous sommes fiers et dont le souvenir nous anime ? » C’est au pied du mur qu’on mesure ce à quoi l’on tient : « Il semble bien que notre civilisati­on, en dépit de ses avancées spectacula­ires, souffrait d’un mal sournois qui allait l’emporter.» « Toute vie normale est désormais suspendue, partout sur la planète » : écrit bien avant la pandémie, ce conte philosophi­que, dix-huitième livre de l’académicie­n, vient percuter notre actualité sanitaire, avec ces airs de menace planétaire, d’isolement et d’incertitud­e… « Les travailleu­rs ne travaillen­t plus, les étudiants n’étudient plus, les gouvernant­s ne gouvernent plus, les consommate­urs ne consomment que le strict nécessaire, et même les crimes se font rares… » Et nous voudrions vivre « comme avant » ? Ce n’est pas le sens de l’histoire, qui jamais ne revient en arrière.

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