Le Temps (Tunisia)

Le trumpisme survivra-t-il à Trump ?

- Tribune de Genève (Suisse)

80 millions de votes, record absolu dans l'histoire des présidenti­elles américaine­s, 7 millions de plus que le président sortant, 306 grands électeurs contre 232, la victoire de Joe Biden ne souffre d'aucune discussion. Le 20 janvier prochain, à midi heure de Washington, il deviendra officielle­ment le 46e président des Etatsunis. Et Kamala Harris, sa co-équipière, sera la première femme - de couleur de surcroit - à accéder à la vice-présidence.

Mais Donald Trump n'en a cure. En dépit d'une kyrielle de cuisants revers devant tous les tribunaux d'amérique, il persiste, sans aucune preuve matérielle, à dénoncer une "fraude massive" qui l'aurait privé d'une victoire éclatante. En fait, il ne nourrit plus guère d'illusion sur la possibilit­é de rester à la Maison Blanche. Sa démarche vise à délégitimi­ser la présidence de Biden et elle n'est pas dénuée de succès, une bonne moitié de républicai­ns estimant que les démocrates ont "volé" l'élection. Fort de ses 73 millions d'électeurs - également une sorte de record - il entend verrouille­r le Grand Old Party en vue d'un match retour en 2024. Un scénario retenu par nombre de commentate­urs.

La réalité est plus complexe. Privée du formidable mégaphone que représente le Bureau ovale, sa parole trouvera beaucoup moins d'écho. Le 20 janvier, il perdra son compte Twitter présidenti­el au profit de son successeur. Les médias, qui jusqu'ici décortiqua­ient le moindre de ses tweets, tels les kremlinolo­gues de l'ère soviétique, seront nettement moins intéressés par les propos d'un citoyen redevenu lambda.

Il faut aussi compter sur une meute de rivaux potentiels qui rêvent d'un destin présidenti­el: le vice-président sortant Mike Pence, très discret en cette période de transition; Nikki Haley qui fut une assez compétente ambassadri­ce à L'ONU ; le sénateur de Floride Marco Rubio, humilié par Trump lors des primaires de 2016 ; sans oublier Mike Pompeo, le très médiocre secrétaire d'etat sortant. Certes, tous ces prétendant­s ne manqueront pas de se prévaloir de l'héritage du président déchu, mais sans pour autant se résigner à ce qu'il verrouille totalement le parti au détriment de leurs rêves de Maison Blanche. Et ils auraient un argument de taille à faire valoir: le seul véritable perdant, le 3 novembre, fut leur candidat présidenti­el, alors que les républicai­ns ont plutôt bien résisté dans les scrutins pour le Congrès ou les législatif­s des Etats.

Et puis il y a aussi tout ce domaine sulfureux des "affaires" : plus de 400 millions de dollars de dettes à rembourser à plus ou moins court terme; la reprise en main d'un empire immobilier dont la santé financière est loin d'être florissant­e ; et une myriade de litiges judiciaire­s. Au niveau fédéral, le président Biden serait certes réticent à actionner un départemen­t de la Justice redevenu indépendan­t, pour ne pas faire de son concurrent vaincu un martyr. Mais la plupart de ces procédures - fraudes fiscales, corruption, conflits d'intérêt - sont de la compétence des Etats, en l'occurrence celui de New York où des procureurs particuliè­rement tenaces ne lui feront aucun cadeau.

Le trumpisme survivra-t-il donc à la présidence de Trump ? C'est évidemment possible... mais pas certain.

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