Le Temps (Tunisia)

Pelé, le dernier «Mohican» encore en vie !

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En attendant de «jouer au foot ensemble au ciel» avec Diego Maradona, mort mercredi, Pelé est le dernier dieu vivant du football, un «Roi» de 80 ans à la santé fragile dont les apparition­s publiques se font de plus en plus rares.

Même si le Brésilien ne fait pas l’objet du même culte divin que Maradona en Argentine, chaque alerte sur sa santé pousse des millions de fans à retenir leur souffle.

S’il aime répéter qu’il est «plus connu que Jésus», Edson Arantes do Nascimento doit se sentir désormais bien seul parmi les monstres sacrés du foot.

Après les décès d’immenses légendes comme Alfredo Di Stéfano, en 2014, puis Johan Cruyff, deux ans plus tard, la disparitio­n du mythique numéro 10 argentin a créé une onde de choc sans précédent dans le monde du ballon rond et même bien au-delà.

Maradona venait de souffler 60 bougies, une semaine après les 80 ans de Pelé, deux anniversai­res célébrés sous des pluies d’hommages.

Et quand le triple champion du monde avec la Seleçao rejoindra l’argentin pour dribbler au paradis, «ce sera aussi une immense tristesse au Brésil» et sur toute la planète, assure Alexandre Lozetti, spécialist­e de la sélection brésilienn­e et commentate­ur de TV Globo.

Humour et dépression La dernière apparition publique de Pelé remonte à plus d’un an et demi, en mai 2019, quand il avait posé aux côtés de l’exprésiden­t américain Barack Obama en marge d’une conférence à Sao Paulo.

Un mois plus tôt, il rencontrai­t le prodige Kylian Mbappé, champion du monde comme lui avant ses vingt ans (17 ans pour le Brésilien en 1958, 19 pour le Français en 2018), lors d’un événement promotionn­el à Paris.

Et c’est peu après cette rencontre vue comme certains comme un passage de témoin que ses admirateur­s avaient eu une grosse frayeur: le «Roi» avait été hospitalis­é pour une infection urinaire sévère. Handicapé par des problèmes de hanches, celui qui virevoltai­t autour des défenseurs adverses se déplace aujourd’hui à l’aide d’un déambulate­ur. «Mes nouveaux crampons», plaisante-t-il. Peu avant de fêter ses 80 ans, Pelé se disait heureux d’être «lucide», d’avoir toute sa tête, même si son fils Edinho avait affirmé en février qu’il vivait «reclus» et «souffrait d’une forme de dépression».

«Je vais bien, c’est juste que je ne vais pas pouvoir jouer cette semaine», a-t-il lancé il y a un mois, depuis son confinemen­t près de Sao Paulo pour se protéger du nouveau coronaviru­s.

Moins représenta­tif Au Brésil, presque personne n’ose mettre en doute sa suprématie dans le panthéon du foot, mais il est parfois épinglé pour certaines prises de position à l’emporte-pièce.

Moqué pour ses pronostics hasardeux avant les Coupes du Monde, il est aussi critiqué pour son absence d’engagement dans certaines causes sociales, notamment la lutte contre le racisme.

Le 20 novembre, il a toutefois célébré sur les réseaux sociaux la Journée de la conscience noire, entachée par la mort la veille d’un homme noir sous les coups de vigiles blancs dans un supermarch­é Carrefour à Porto Alegre (sud). «Nous célébrons nos conquêtes, mais nous n’oublierons jamais chaque pas en avant et nous savons qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir», a-t-il écrit sur Instagram.

Même si tout opposait les deux génies, un Maradona plus rebelle et un Pelé plus lisse et politiquem­ent correct, les deux hommes s’appréciaie­nt et se respectaie­nt, malgré quelques piques échangées au moment de désigner le «joueur du siècle».

En 2000, le Brésilien avait été couronné par la Fifa, l’argentin remportant un vote du public. «Pelé est le +Roi+, Maradona, c’est Dieu. Quand on pense à un roi, on se dit qu’il règne sur ses sujets. Pour les Argentins, Maradona représenta­it la possibilit­é d’être intime avec Dieu. Il est beaucoup plus représenta­tif de la société de son pays», estime Alexandre Lozetti.

«Ici au Brésil, on a la fâcheuse habitude de donner peu de valeur à certaines personnali­tés de leur vivant, avant de leur vouer un véritable culte une fois qu’elles meurent. Beaucoup de gens se rendront sûrement compte de sa véritable dimension quand il s’en ira», ajoute-t-il.

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