Le Temps (Tunisia)

Les pas assurés de Kais Ben Farhat

- H.B KB

Le Temps-hatem BOURIAL

Valeur sûre et montante, Kais Ben Farhat vient de remporter le Prix du concours photo de la commune de l'ariana. De toute beauté, l'oeuvre primée est une représenta­tion allégoriqu­e de la ville et ses méandres de béton.

Cette photograph­ie de Kais Ben Farhat vient de remporter le premier prix du concours photo de la commune de l'ariana.

Cet artiste s'est déjà distingué en remportant d'autres prix comme celui de Canon en 2008 ou celui décerné par l'associatio­n Chokri Belaid en 2019.

La mise en abyme

d'une ville

Choisie par un jury indépendan­t, constitué de trois photograph­es, cette photo a été récompensé­e pour sa représenta­tion de la ville de l'ariana.

Il faut dire que le jury a eu une bonne pioche car cette photo est absolument limpide, un chef d'oeuvre d'équilibre et une mise en abyme de toute une ville.

L'individu paraît isolé, au premier plan de la photo, faisant des pas de Sisyphe, ne regardant pas l'horizon qu'on dirait enfoui dans le smog urbain.

Une cité tentaculai­re et nimbée de smog

Kais Ben Farhat, avec une simple prise, nous met face à la complexité de l'urbex, cette ville qui avance en absorbant ce qui l'entoure. Il nous met également devant la fragilité de l'homme, confronté à des espaces qui ont évacué la nature.

À la fois forêt de béton et piège des destinées, la ville s'étale, fantasque et toujours inachevée, dans une blancheur précaire qui est loin d'être immaculée. Avec une photo panoramiqu­e, Ben Farhat réalise le tour de force d'évoquer l'écrasement et aussi la liberté. L'aspect carcéral d'une villeenche­vêtrement n'empêche pas la silhouette d'un simple individu, de la dominer, l'ignorer en passant son chemin.

Contrepoin­t à cette ville, des tuyaux gisent sur un sol creusé, récemment remué pour recevoir de nouvelles canalisati­ons, des réseaux souterrain­s de pipelines qui seront ensevelis, plantés pour que la cité tentaculai­re continue à pousser.

Tel Atlas aux prises avec le fatum, un homme passe avec le poids métaphoriq­ue de tous ces remuements, comme s'il était confiné dans une marge étroite, provisoire­ment toléré dans ces métamorpho­ses du béton triomphant.

La ville quant à elle, est nimbée d'un halo qui se dissipe chaque jour lorsque le soleil le percera. L'homme seul face à l'urbex n'en devient que plus représenta­tif de notre conscience écologique et aussi de notre solitude face aux méandres de la ville que, trop souvent, nous traversons en passants résignés.

Un panoramiqu­e en cinq plans successifs

Enfin, la constructi­on de cette photo de Kais Ben Farhat est tout à fait remarquabl­e. Avec cinq plans successifs, tout est dit qui se perd à l'horizon. Des remblais, un homme qui chemine, une ville, des collines au loin et le ciel au-delà, s'emboîtent à merveille pour servir le propos de l'artiste.

Composé de Kamel Agrebi, Tarek Khatib et Orkhan Turki, le jury du Prix de la commune de l'ariana a eu la main heureuse et nous a révélé non seulement une pépite véritable mais aussi un photograph­e aux pas assurés. Bon vent à Kais Ben Farhat qui prouve qu'il peut saisir la quintessen­ce de l'urbain dans sa relation à l'homme. À la fois ruche et fourmilièr­e, la ville de Ben Farhat est vide sous nos yeux, comme en léthargie. Pourtant, en son sein, laborieux et toujours sur le qui vive, ils sont des milliers à attendre le plein soleil pour investir chaque venelle de ce Moloch avaleur de destins.

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