Le Temps (Tunisia)

Les militants bien loin du "moment d'euphorie" de 2011

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Le Temps- Agences- Le 20 février est une date importante pour Fouad Abdelmoumn­i: c'est à la fois le jour de son anniversai­re et le nom du mouvement de contestati­on qui a saisi le Maroc en 2011 dans un "grand moment d'euphorie", vite dissipé selon lui.

Comme de nombreux défenseurs des droits humains, ce militant de 62 ans dénonce aujourd'hui une "régression des libertés" dans son pays, avec des "méthodes d'intimidati­on pires que celles des +Années de plomb+", époque où il était étudiant et où son engagement politique lui valut quelque cinq ans de détention.

"Le Maroc n'est pas un paradis des droits de l'homme mais, en même temps, ce n'est pas un enfer pavé de violations comme certains essaient de le faire croire à tort", tempère le ministre des Droits de l'homme Mustapha Ramid dans une déclaratio­n. M. Ramid avait lui aussi manifesté en 2011 et, pour lui, il y a eu depuis une "évolution palpable et continue dans l'exercice des libertés publiques". Soutenu par des milliers de manifestan­ts marocains pris dans l'effervesce­nce du Printemps arabe, le mouvement du 20-Février réclamait à l'époque "plus de justice sociale, moins de corruption et moins d'absolutism­e".

Le roi Mohammed VI avait très vite promis des réformes. Une nouvelle Constituti­on avait été adoptée, avec des dispositio­ns renforçant les libertés, l'indépendan­ce de la justice, les pouvoirs du Premier ministre et du Parlement, tout en maintenant le souverain au centre du système politique. Cette Constituti­on est "une charte des droits humains dans toutes leurs formes civiques, sociales, politiques ou économique­s", plaide M. Ramid. Mais une fois passé le vent de la contestati­on populaire, la "stratégie" du pouvoir "a été de terroriser les élites intellectu­elles capables d'offrir des perspectiv­es et de négocier un changement", assure pour sa part M. Abdelmoumn­i.

Lui-même se dit pris dans une "campagne de diffamatio­n destinée à le faire taire", avec des "menaces pour sa sécurité et sa réputation".

En 2020, son entourage a reçu par

Whatsapp une vidéo de ses ébats sexuels en privé. Selon lui, "l'angle de prise de vue montre que deux petites caméras ont été installées dans le climatiseu­r de (sa) chambre", chez lui.

L'an dernier aussi, plusieurs pétitions de la société civile avaient dénoncé le "lynchage public" des "médias réactionna­ires de diffamatio­n" et les "accusation­s sexuelles" visant les contestata­ires.

Le parti islamiste PJD, porté à la tête du gouverneme­nt par les élections de 2011, a lui-même condamné fin janvier dans un communiqué "les campagnes de diffamatio­n ciblant des personnali­tés publiques et des militants".

Mohamed Ziane, 77 ans, exministre des droits de l'homme (199596) devenu critique du régime, fait partie des cibles: une chaîne locale sur internet a diffusé en novembre des images compromett­antes filmées par une caméra dissimulée dans une chambre d'hôtel, en présentant la scène comme un "rendez-vous" de celui qui était alors avocat avec une cliente mariée.

"Ce sont des méthodes dignes des pires régimes policiers!", s'indigne l'ancien député.

Ulcéré par ses accusation­s, le ministère de l'intérieur a déposé contre lui pour "offense aux de l'etat".

Des organisati­ons comme l'associatio­n marocaine des droits humains (AMDH) ou Amnesty Internatio­nal dénoncent régulièrem­ent la "répression des voix critiques" au Maroc, en citant le cas des journalist­es Souleimane Raissouni et Omar Radi, en attente de jugement depuis plusieurs mois après des accusation­s de "viol". En réponse, les autorités invoquent toujours "l'indépendan­ce de la justice".

"Le Maroc tient à satisfaire ses engagement­s internatio­naux dans le domaine des droits humains", souligne M. Ramid. "Des erreurs peuvent être commises ici ou là" mais cela "ne constitue en aucun cas une orientatio­n générale et méthodique de l'etat". Dans son récent communiqué, son parti, le PJD, a appelé "à trouver la bonne formule pour libérer ( .... ) les journalist­es détenus au nom de l'esprit d'équité et de réconcilia­tion". Davantage préoccupée par le coût de la vie et le chômage, la population exprime un "ressenti négatif" croissant sur l'état des droits humains, selon une étude publiée début 2020 par l'institut statistiqu­e HCP. plainte institutio­ns

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