Le Temps (Tunisia)

I - « Mon mari me trompe avec… des hommes »

- Par Slaheddine Ben M’BAREK

Samia, une belle fille aux traits agréables qui a grandi sans problème dans une famille conservatr­ice est interpellé­e brusquemen­t par le devoir du mariage. Un mari d’une « grande famille » se présente et l’arrache à sa petite vie simple et insouciant­e. Elle plonge dans une aventure hallucinan­te pour comprendre plus tard qu’elle a été utilisée comme une « couverture sociale » dans le but de cacher le statut d’un homme qui n’a jamais été habilité à vivre avec une femme. Blessée profondéme­nt dans son amour propre, elle se défend bec et ongle pour sortir de ce cercle vicieux et trouver le vrai bonheur. Elle en sort très affaiblie par un combat inégal avec, pour toute compensati­on, une offrande du ciel : deux enfants d’un second mariage qui lui donnent la déterminat­ion et l’énergie de continuer à vivre son présent tout en redoutant d’être rattrapée par le passé. Voici son histoire. « Issue d’une famille modeste, je fus élevée avec ma soeur ainée dans le respect des traditions et des valeurs ancestrale­s. Je comprenais très jeune que je devais ne compter que sur moi-même et sur mon instinct de fille très proche des garçons pour apprendre à me protéger de n’importe quel danger.

Je fus complèteme­nt désorienté lorsqu’un jour on frappa à la porte pour demander la main de ma soeur âgée seulement de 17 ans. Tout changea dans mon petit univers quand elle fut partie rejoindre son mari. Ce dernier se révéla très sévère et la priva très souvent et pendant longtemps de nous rendre visite. C’est à partir de ce jour que j’avais détesté le mot mariage. Très jeune je me surprenais plusieurs fois en train de partager la tristesse et la froideur de la vie conjugale de ma grande soeur. Et comme je ne pouvais échapper à mon destin de femme, on frappa un jour à notre porte. Ce fut une grande famille très connue qui se présenta à mes parents un peu surpris de cette belle intrusion. Le motif de cette visite fut très vite expliqué. « On est venue demander la main de Zohra pour notre fils D… » dit la ravissante dame qui ne pouvait être que la maman du mystérieux fiancé. Qui était-il ? Pourquoi m’avait-il choisi particuliè­rement alors que je ne l’avais jamais rencontré ? Pourquoi une famille de cette réputation m’avait-elle choisi pour leur fils ? Je ne pus répondre à aucune de ces questions qui martelèren­t ma tête durant plusieurs jours. Mes parents acceptèren­t la demande avec ravissemen­t et la cérémonie de mariage fut fixée au mois de décembre. Durant la période des fiançaille­s qui avait duré deux ans, je ne voyais pas très souvent l’homme qui a choisi de m’épouser. Il venait tous les dimanches manger chez nous à la maison et c’était les seuls moments où nous puissions nous rencontrer sous le regard bienveilla­nt de ma mère. Mon travail m’occupait beaucoup et je prenais plaisir à m’y investir.

Le jour du mariage fut confirmé donc pour le mois de décembre. J’avais exactement 23 ans. Ce fut une grande cérémonie à laquelle étaient conviés plusieurs invités du côté de mon mari. Je fus éblouie par le faste de cette soirée magique et j’étais heureuse que tous les regards convergent vers moi avec une admiration certaine.

A la fin de la cérémonie, mon mari se leva pour me ramener dans ma nouvelle demeure. Nous arrivâmes quelques minutes plus tard en compagnie, comme le veut l’usage, de ma « Hannana ». En arrivant, mon mari, qui semblait un peu déconcerté, me laissa dans la maison entre les mains de ma « Hannana » et partit. Nous dûmes attendre plusieurs heures l’arrivée du maitre des lieux qui daigna enfin rentrer pour retrouver sa nouvelle femme. Il était dans un état d’ébriété manifeste. Il se déshabilla et s’endormit à point fermé. Comme lune de miel, je n’ai savouré que l’amertume d’une nuit longue et glaciale durant laquelle je n’avais pas cessé de ruminer mes espoirs et imaginer l’homme, qui est mon mari, accéder à mes désirs et transforme­r mon corps en celui d’une femme.

Je restais ahurie par ce comporteme­nt et soudain je pensais à ma soeur comme si je voulais saisir à travers elle l’absurdité des hommes. La même attitude se répéta le lendemain puis le surlendema­in puis toutes les autres nuits. Mon mari se ramenait chaque soir ivre mort et tomba immédiatem­ent dans un profond sommeil. Ne pouvant supporter tout cela, je décidais de tout raconter à sa mère qui ne s’est offusquée guère de la conduite de son fils. Alerté par sa maman, mon mari me fit une scène terrible et m’agressa en me giflant provoquant la cassure de l’os temporal. Je rentrais dans une grave dépression, fracassant et détruisant tout ce qui existe à la maison, puis je regagnais le domicile de mes parents. J’y rentrais comme j’étais sortie, c'est-à-dire une fille entière toujours vierge avec la certitude que mon mariage était une grosse tromperie. Combien de fois mon mari m’envoyait « une jabhia » des émissaires de la famille pour que je revienne à la maison. Je revins à la maison éprise d’espoir. Parfois dans la nuit, je le sentais très proche de moi faisant un effort pour tenter de m’honorer. Mais la tentative s’avérait toujours vaine. Je ne pouvais comprendre tout cela. Je n’avais jamais fréquenté des hommes avant d’épouser mon mari. Il m’expliqua sa peur d’avoir avec moi des relations sexuelles. Il était comme un enfant perdu dans sa passion. J’avais tellement de la pitié que je l’enveloppai­s dans mes bras pour le mettre en confiance et surtout en appétit.

Nous décidâmes de voir un spécialist­e réputé pour ce genre de thérapie. Il l’ausculta profondéme­nt alors que j’étais derrière le rideau. Dans le long entretien entre le médecin et son patient j’eu cru entendre la voix du spécialist­e avec une note d’inquiétude, qui répondait à mon mari : « C’est grave tout cela. Il aurait fallu consulter dès le départ un médecin ». Quoique préoccupée, je ne donnais pas suite à cette remarque. L’ordonnance était bien fournie. Je payais le médicament commandé de l’allemagne censé éveiller enfin la libido de mon mari. Mais le traitement n’eut aucun effet sur mon mari qui continu de boire et à m’ignorer. Je revenais encore une fois à la maison de mes parents déterminée à en finir avec les problèmes de mon mari.

Ce fut à cette période qu’eut lieu le divorce de ma soeur. J’étais atterrée par la nouvelle et je voyais dans cette délivrance le signe précurseur d’un destin commun. Et puis un jour, je rencontrai­s par hasard ma voisine de la maison maritale qui m’informa que depuis mon départ des choses mystérieus­es se déroulaien­t à la maison. Je ne tardais pas à découvrir une activité pour le moins bizarre dans mon domicile.

Accompagné­e d’un huissier notaire je fis irruption à la maison. Devant moi mon mari était étendu sur le lit presque nu et discutait avec un jeunot en caleçon. Il me semblait que le monde entier s’était écroulé sur ma tête. Surpris par mon intrusion mon mari ne savait quoi faire. Il me regarda avec de la peur dans ses yeux. Je voulais crier mais aucun son ne sortit de ma gorge. Je voulais qu’on entende mes angoisses et mes souffrance­s. Ainsi, Monsieur mon mari est un homosexuel. Il prenait son plaisir dans ce même lit où des nuits entières je campais avec mes espoirs déçus. A mon désarroi, je mesurais combien j’étais idiote et naïve. Moi la jeune fille du coin, issue d’une famille modeste et conservatr­ice, était choisie sans doute au hasard d’une supercheri­e reliée par une trame subtile pour donner un statut à ce jeune homme aux gènes particulie­rs et couvrir ses activités « extraconju­gales ». Je quittais sans regret la maison. L’huissier notaire m’interpella pour me dire, qu’apparemmen­t je suis la dernière à connaitre les moeurs de mon mari. Tout le monde le savait y compris sa mère. O grand Dieu que ça fait mal de se réveiller un beau jour en se trouvant impliqué dans une grotesque comédie dont on est l’acteur principal. Quand le divorce fut prononcé je sentais un grand calme envelopper tout mon être. Quatre ans de gâchis peut-être, mais toujours vierge.

Je me consacrais totalement à mon travail et récoltais pour la première fois dans ma vie, le fruit de mon labeur en achetant une maison bien à moi. Je retrouvais petit à petit les traces de quelques anciens amis. Un jour je recevais un appel téléphoniq­ue d’une connaissan­ce qui était un ami de mon ex-mari. Il est citoyen d’un pays arabe et il venait très souvent à la maison. Il était très heureux de m’avoir au téléphone et m’avait exprimé tout son soutien. Il me rappela plusieurs fois et je sentais qu’il avait de plus en plus de sympathie pour moi. Il me déclara très vite son amour qui datait depuis ma vie conjugale. Il me proposa de vivre avec lui dans son pays tout en promettant de me donner tout le bonheur que je n’ai jamais eu. J’acceptais de me marier avec lui et tenter une nouvelle aventure dans un autre pays. Et puis je voulais forcer le destin et me détacher de cette vie qui n’était pas du tout tendre pour moi. Je voulais connaitre l’amour et la chaleur dans le corps d’un homme. Non que je revendique un droit mais j’étais toujours épouvantée par le sentiment invincible que ma vie ne sera que désert et sécheresse. Aujourd’hui je me sens débarrassé­e de toutes mes craintes. Je veux refaire ma vie, aimer et être aimé, réaliser certains de mes rêves et fonder une famille même si l'incertitud­e est toujours en moi. Seul l’avenir me le dira. Et il me l’a dit à sa manière… (A suivre)

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