Le Temps (Tunisia)

Exit les corrompus, les hommes de médias et les dirigeants d'associatio­ns

- Le Temps -Walid KHEFIFI

Alors que l’organisati­on de législativ­es anticipées est de plus en plus réclamée par des partis, des organisati­ons nationales et des personnali­tés publiques et présentée comme étant une panacée dans un contexte marquée par une crise politique suffocante qui risque de mettre en péril l’expérience démocratiq­ue en Tunisie...

Alors que l’organisati­on de législativ­es anticipées est de plus en plus réclamée par des partis, des organisati­ons nationales et des personnali­tés publiques et présentée comme étant une panacée dans un contexte marquée par une crise politique suffocante qui risque de mettre en péril l’expérience démocratiq­ue en Tunisie, l’instance supérieure indépendan­te des élections (ISIE) est sortie de sa torpeur pour annoncer la présentati­on, d’ici la semaine prochaine, de plusieurs propositio­ns d’amendement de la loi électorale à l’assemblée des représenta­nts du peuple (ARP) .

« Nous sommes en train d’élaborer une vision globale pour l’amendement de la loi électorale, en collaborat­ion avec la Cour des comptes, le Tribunal administra­tif et la Haute autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle (HAICA) », a annoncé le président de l’instance, Nabil Baffoun, dans une déclaratio­n accordée mardi aux médias, en marge de l’inaugurati­on du Musée de la Démocratie.

Selon lui, le projet d’amendement de la loi électorale concernera les aspects liés aux modes de vote, au financemen­t des campagnes électorale­s, à la publicité politique et aux conditions de candidatur­es aux élections législativ­es et présidenti­elles.

On apprend dans ce cadre que l’intérêt se porte sur la vérificati­on des antécédent­s judiciaire­s des candidats aux législativ­es et présidenti­elle à travers l’instaurati­on de l’obligation de présenter un extrait de casier judiciaire (Bulletin N° 3) dans le dossier de candidatur­e. Ainsi, les personnes jugées dans des affaires de corruption, de blanchimen­t d’argent, de malversati­ons financière­s, d’abus de biens publics ou d’autres délits criminels graves verront leurs candidatur­es rejetées.

Une attestatio­n de régularisa­tion de la situation fiscale sera également exigée dans le dossier de candidatur­e afin d’exclure les évadés fiscaux et les personnes qui ne sont pas en règle avec le fisc.

Modificati­ons techniques

Le projet d’amendement de la loi électorale élaboré par L’ISIE, la Cour des comptes, le Tribunal administra­tif et le gendarme de l’audiovisue­l comportera, d’autre part, un article prévoyant l’obligation pour les membres des comités directeurs des associatio­ns tous genres confondus (associatio­ns sportives, caritative­s, culturelle­s, etc.) de démissionn­er avant de se présenter aux élections.

Les modificati­ons proposées de la loi électorale concernent aussi le rejet des candidatur­es des hommes de médias et de communicat­ion qui profitent d’une chaîne de télévision, d’une radio ou d’autre autre moyen de communicat­ion de masse pour faire l’autopromot­ion. Une définition claire et exhaustive de la publicité politique devrait être par ailleurs introduite dans la loi électorale.

Ces propositio­ns visent à pallier les failles apparues lors des élections législativ­es et-présidenti­elle de 2019. Des candidats et des partis avaient eu alors recours à la publicité politique ou profité d’une associatio­n pour se faire élire alors que d’autres ont pu briguer la magistratu­re suprême tout en étant soupçonnés d’évasion fiscale.

L'ONG anticorrup­tion I Watch avait en effet accusé, depuis 2017, le candidat à la présidenti­elle Nabil Karoui et son frère Ghazi, qui siège aujourd’hui à L’ARP, d’avoir créé des sociétés dans des paradis fiscaux, pour éviter de payer des impôts.

Le seuil électoral, une question politique

Nabil Karoui, candidat malheureux au 2ème tour de la présidenti­elle, face l’actuel président de la République Kaïs Saïed, a également largement utilisé sa chaîne pour vanter l'action de son associatio­n caritative Khalil Tounes, dont le parti Qalb Tounès est le bras politique.

Les autres propositio­ns qui seront soumises à L’ARP par L’ISIE tournent autour de la possibilit­é du recours à l’enregistre­ment des électeurs à distance, au vote électroniq­ue ou par correspond­ance dans les pays qui accueillen­t une petite communauté tunisienne.

Interrogé sur la révision à la hausse du seuil électoral, le président de L’ISIE a précisé hier, sur les ondes d’express FM, que cette question est « politique par excellence ».

Pour rappel, un projet d’amendement de la loi électorale qui avait été présenté par les députés du mouvement Ennahdha en février 2020 pour instaurer seuil de représenta­tivité électorale de 5% avait suscité une grande polémique. Des partis et des organisati­ons de la société civile, dont l’associatio­n I Watch, l’observatoi­re Chahed, le réseau Mourakibou­n, la coalition « Aoufiya » d'observatio­n de l'impartiali­té des élections, avaient alors estimé que l’amendement proposé risque de tuer toute diversité politique au sein de l’hémicycle et de favoriser les grands partis bien structurés.

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