La Grande Muette, trop grande et bien au-dessus des mesquineries politiques !
Pour ceux qui l’auraient oublié, la tâche première est essentielle de l’armée tunisienne consiste à préserver l’intégrité territoriale du pays. Pour ceux qui feignent de l’oublier, le terrorisme rôde toujours. Quant aux amnésiques, il leur suffira de recenser les sacrifices consentis par l’armée tunisienne depuis que les Daéchiens ont pris la Tunisie pour cible stratégique, depuis « la révolution « bénie ». Stoïque, elle reste dans sa vocation : cette grande Muette qui répugne à se laisser entrainer dans les conflits politiques et qui n’a jamais voté pour quelque politique que ce soit.
Pour ceux qui l’auraient oublié, la tâche première est essentielle de l’armée tunisienne consiste à préserver l’intégrité territoriale du pays. Pour ceux qui feignent de l’oublier, le terrorisme rôde toujours. Quant aux amnésiques, il leur suffira de recenser les sacrifices consentis par l’armée tunisienne depuis que les Daéchiens ont pris la Tunisie pour cible stratégique, depuis « la révolution « bénie ». Stoïque, elle reste dans sa vocation : cette grande Muette qui répugne à se laisser entrainer dans les conflits politiques et qui n’a jamais voté pour quelque politique que ce soit.
Si elle est systématiquement placée (constitutionnellement) sous le commandement suprême du Président de la république-qui est lui-même, théoriquement, au-dessus des partis politiques et de la partitocratie- c’est justement pour préserver sa vocation républicaine, dès lors que le Président est garant de la pérennité de la République, de sa souveraineté et, surtout, garant de l’inviolabilité de la constitution. C’est dans ces contours que le Président peut exercer son commandement suprême. Et, encore, la constitution place des garde-fous, lorsqu’il s’agit de recourir à l’état d’urgence et au déploiement de l’armée sur le territoire tunisien.
Or, on ne comprend pas que certaines parties politiques appellent au recours de l’armée pour des questions inhérentes à l’etat civil. Il se trouve aussi que de citoyens lambda sont de cet avis. La militarisation du pays, de ses institutions, de toutes ses pratiques sécuritaires supposerait aussi que nous devrions renoncer au projet démocratique, il est vrai mis à mal par les tiraillements politiques, tout autant qu’à cette soupape d’oxygène que représentent les libertés individuelles et la liberté d’expression, conquises de haute lutte.
Démocratie tournant en rond
La Tunisie aura vécu toutes sortes de régimes. L’autoritarisme, la monarchie, la terreur des invasions, le despotisme éclairé, jusqu’à l’etat policier. Après la chute de Carthage et jusqu’au 14 janvier 2011, la Tunisie n’a jamais su, ni pu, être une démocratie. Maintenant, oui, nous sommes en régime démocratique. Il est vrai que la transition démocratique est boiteuse, convulsive et comme hypothéquée par un affrontement au sommet entre les institutions souveraines de l’etat, sans doute parce que la constitution est quelque peu minée. Il est vrai que la corruption prend des proportions effrayantes, parce qu’elle s’est partout insinuée. Il est vrai que la gouvernance du pays est mise à mal, parce que les instances démocratiques ne sont installées (la Cour constitutionnelle surtout). Il est vrai que cela aura généré un grave blocage, pénalisant l’action gouvernementale, en ces temps de pandémie désastreuse et de crise économique sans précédent.
Dans des conditions institutionnelles normales et dignes d’une démocratie qui se respecte, la guerre pour le leadership n’aurait eu aucune raison d’être. Quelle solution, alors ?
On chancèle entre appels à dissoudre le gouvernement, entre options pour en finir avec le Parlement et, en contrepartie, d’aucuns préconisent la destitution pure et simple du Président lui-même, en réponse à celle qui vise le président de L’ARP. Concernant le gouvernement Méchichi qui s’apprête à jouer une carte décisive à Washington, Kaïs Saïed devrait procéder à un minimum d’introspection : au-delà des accointances politiques, quelle marge de manoeuvre -et de performance- pour un gouvernement réduit jusqu’à l’os !
Concernant le Parlement et son actuelle architecture, il faudra remonter à l’origine du mal : ce blanc-seing consenti à une hideuse ploutocratie, depuis que feu Béji Caïd Essebsi a refusé de parapher l’amendement, voté à l’assemblée, du Code électoral. Pour une fois, dépassons toute la littérature autour de la personne de Rached Ghannouchi, mais son accession au perchoir est la résultante de toute cette cacophonie. Cette guerre de légitimités déclarée à Kaïs Saïed est plutôt infléchie par un épidermique instinct de conservation, dès lors, qu’entretemps, les vents contraires soufflent contre ses prétentions oligarchiques. En ce qui concerne le Président élu au suffrage universel et ayant bénéficié d’un authentique plébiscite populaire, force est de constater que son discours puritain a pour effet de diviser le peuple. Quand il parle de corruption, sur le fond, il a raison. Mais sa communication, en la forme, est mal réfléchie, justement parce qu’il manque d’outils, parce que lui-même ne sait par où commencer et jusqu’où aller ! D’une façon générale, à chaque fois, c’est l’histoire de la poule et de l’oeuf. Et cela fait que la démocratie naissante tourne en rond…
Quand c’est Mme Abbou
qui le clame…
Il aura fallu que la justice militaire lance un mandat d’amener contre Rached Khiari, convoqué comme accusé, et que la justice civile le convoque comme témoin, pour que des réminiscences militaristes s’emparent de ceux, parmi nos politiques, qui ne cessent d’appeler Kaïs Saïed à user de toutes les jongleries pour les besoins d’un putsch constitutionnel d’où naîtrait un nouveau régime présidentiel. Voilà même que Nouri Lajmi, président de la HAICA, envisage de se tourner vers la justice militaire dans cette affaire opposant son institution (une institution constitutionnelle et civile) à Saïd Jaziri. Il est vrai que Saïd Jaziri, personnage clivant et qui déverse à travers sa radio pirate un discours takfiriste, devait, d’abord renoncer à sa propre immunité parlementaire et par écrit, pour porter plainte, contre la HAICA. Il est tout aussi vrai que le Conseil supérieur de la Magistrature aurait dû se prononcer sur la procédure adoptée par le procureur de la République, près du tribunal de première instance de Zaghouan. Quant à cette affaire d’immunité, eh bien beaucoup de demandes de levée ont été formulée auprès de L’ARP, mais aucune d’entre elles n’a atterri chez la commission compétente en la matière (cf, déclaration de Samir Dilou à Mosaïque Fm), ce qui fait qu’elles dorment probablement dans les tiroirs de Rached Ghannouchi. Par ailleurs, dans un Etat de droit et de justice souveraine, cela ferait bien longtemps que Rached Khiari aurait dû être convoqué par la Parquet.
Ces dualités entre justice civile et justice militaire se justifient-elles, cependant ?
Car, au-delà de la justice, un autre rubican avait été allègrement franchi. Au 65ème anniversaire de la naissance des forces sécuritaires intérieures, le Président Saïed s’autoproclamait « Chef suprême » de ces forces qu’il cumulerait ainsi à celles de nos armées. Mais, selon la constitution qu’il a juré de respecter et de faire respecter, les forces intérieures civiles relèvent des prérogatives du Chef du gouvernement…justement, dans l’esprit de la constitution, pour annihiler toute tentation dictatoriale !
Or, que dire, lorsqu’une dame respectable pour son combat contre la dictature, telle Samia Abbou, appelle le Président de la République à déployer l’armée à travers le territoire (au sens de l’article 80 inhérent au péril imminent) et à enclencher une vaste opération d’arrestation des corrompus, à travers la justice militaire. A noter (et nous en avions fait état dans notre journal) que Mohamed Abbou avait suggéré la même idée au Président, pour dissoudre L’ARP. Hassouna Nasfi n’a pas manqué de rappeler ses contradictions à Mme Abbou, appelant plutôt Kaïs Saïed à formuler des initiatives législatives concernant l’état d’urgence et la justice militaire…débat ouvert, donc.
Il reste que si des libéraux, des politiques ayant lutté contre la dictature, tiennent, aujourd’hui, un discours militariste, c’est que le pays prend un mauvais pli. C’en serait fini de la civilité de la République ! Et qu’en penserait Kaïs Saïed, lui qui a tellement été subjugué par le nouveau Pharaon égyptien ?