Le Temps (Tunisia)

«La Tunisie prise au piège par le choix de sa politique monétaire», estime Ezzedine Saidane

- Le Temps-khouloud AMRAOUI

Crise sanitaire, grogne sociale et indicateur­s macroécono­miques au rouge. La situation devient intenable. L'évolution de la pandémie et les mesures sanitaires qu'elle impose ne laissent pas les choses avancer. Dans le même contexte, l'économiste et l'expert Ezzeddine Saidane vient de publier sur sa page facebook officielle un billet où il traite de la question de l'épargne nationale qui s'est faroucheme­nt dégradée après la révolution.

Crise sanitaire, grogne sociale et indicateur­s macroécono­miques au rouge. La situation devient intenable. L'évolution de la pandémie et les mesures sanitaires qu'elle impose ne laissent pas les choses avancer. Dans le même contexte, l'économiste et l'expert Ezzeddine Saidane vient de publier sur sa page facebook officielle un billet où il traite de la question de l'épargne nationale qui s'est faroucheme­nt dégradée après la révolution. Il a, de même, expliqué les raisons de cette détériorat­ion ainsi que ses significat­ions. Par définition, l'épargne nationale est la partie non consommée du PIB (Produit Intérieur Brut).

L’épargne nationale sert à financer les investisse­ments. Et ce sont les investisse­ments qui font la croissance et le développem­ent, la création d’emplois et la création de richesses. M. Saidane a souligné dans son billet que les pays qui réalisent une croissance économique rapide ont généraleme­nt des taux d’épargne nationale élevés, qui peuvent aller jusqu’à 35 % du PIB. Et d’ajouter : « Certains pays choisissen­t de compléter leur épargne nationale en s’endettant à l’étranger pour financer des investisse­ments et booster ainsi leur croissance économique. Par contre les pays qui s’endettent pour financer des dépenses courantes, telles les augmentati­ons de salaires, les recrutemen­ts pléthoriqu­es dans la fonction publique, ou les importatio­ns de biens de consommati­on courante finissent généraleme­nt par s’enfoncer dans des situations d’endettemen­t excessif, et donc non soutenable ».

Le taux d’épargne nationale a reculé à 1,6% du PIB en 2020 contre 22 et 25% du PIB avant 2011

L’économiste a indiqué qu’avant 2011, la Tunisie avait des taux d’épargne nationale qui oscillaien­t selon les années entre 22 et 25 % du PIB.

Et de poursuivre : « Ces taux n’étaient pas particuliè­rement élevés, mais ils étaient corrects puisqu’ils permettaie­nt de réaliser des taux de croissance économique­s entre 5 et 6% en moyenne par an et de créer entre 60.000 et 80.000 emplois en moyenne par an. En plus de l’épargne nationale, la Tunisie empruntait pour financer des investisse­ments et booster sa croissance.

Le taux d'endettemen­t avait ainsi pu être maitrisé dans des limites soutenable­s aux environs de 40% du PIB. Depuis 2011, les grands équilibres de la Tunisie avaient commencé à se dégrader avec des ratios qui se détériorai­ent d’année en année. Un de ces ratios concerne effectivem­ent le taux d’épargne nationale. Ce taux, qui était donc entre 22 et 25 % du PIB avant 2011, s’est mis à baisser de manière rapide pour atteindre 6% du PIB en 2019 et 1,6 % en 2020. La Tunisie n’épargne plus. Il ne reste donc que la planche à Billets ! ».

L’expert a fait savoir que la capacité d’épargner de l’état, des entreprise­s et des ménages est devenue soit négative, soit proche de zéro.

Et pour expliquer les raisons de la détériorat­ion de l’épargne nationale, M. Saidane a précisé en premier lieu que la Tunisie n’a plus de ressources propres pour financer ses investisse­ments. Elle ne peut quasiment plus emprunter de l’étranger à cause d’un niveau d’endettemen­t insoutenab­le, car dépassant ses capacités de remboursem­ent : « La Tunisie ne peut donc plus investir, réaliser de la croissance économique, créer des emplois et des richesses nouvelles.

La Tunisie est donc prise au piège par les choix politiques, économique­s, financiers et sociaux depuis 2011. Elle est aussi prise au piège par les choix de la politique monétaire de sa Banque Centrale. Il s’agit là notamment des choix en matière de politiques de taux d’intérêt, de taux de change et de supervisio­n bancaire ».

Le moteur de la consommati­on n'arrive plus à tirer l’économie

En second lieu, l’expert a affirmé que dans toute économie, il existe trois principaux moteurs de croissance: l’investisse­ment, les exportatio­ns et la consommati­on : « Le moteur de l'investisse­ment est quasiment à l’arrêt. Celui des exportatio­ns tourne au ralenti. C’est le moteur de la consommati­on qui a tiré un peu l’économie depuis 2011, et ce aux dépens justement de l’épargne. Maintenant que l’épargne nationale est épuisée, même le moteur de la consommati­on ne va plus être en mesure de tirer l’économie tunisienne ».

Toujours selon M.saidane, malgré niveau d’ endettemen­t excessif, la Tunisie doit malheureus­ement continuer à emprunter lourdement, ne serait-ce que pour financer son service de la dette (rembourser les dettes anciennes) et pour équilibrer un tant soit peu ses finances publiques.

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