Le Temps (Tunisia)

La grève de trop

- Par Hamma HANACHI

Où l’on apprend qu’en dix ans de 2011 à 2021, il y a eu quelques 40 milliards de dinars évaporés, soutirés au trésor public tunisien, un scoop, un scandale? Non, puisque plus rien ne nous étonne, tant les scandales se multiplien­t et se banalisent, jour après jour.

L’on se penche sur le dernier en date que nous vivons et qui est d’une dangerosit­é inédite : la grève des médecins. Il y a moins d’une semaine le monde entier célébrait la fête du Travail, qui dit travail, dit notamment droit de grève ; celui-ci, est protégé en Tunisie par la Constituti­on, mais même s’il est reconnu constituti­onnellemen­t, il n’est pas absolu. En ce sens que son utilisatio­n peut être abusive s’il ne respecte pas les conditions posées par la loi. La grève entamée par les médecins nous invite à nous interroger sur le respect de ces conditions posées par la loi, et les conséquenc­es que peuvent en tirer les parties lésées. Les parties lésées sont actuelleme­nt la population entière qui vit dans un état d’exception, sujette aux dangers de la pandémie. Personne ne conteste le droit de grève, la population est consciente de ce que le corps médical subit comme difficulté­s et mépris, les médecins, corps sensible et vital en cette période ont-t-il le droit de faire grève ? Absolument, même si les pratiquant­s se sont engagés par serment à observer scrupuleus­ement l’éthique que comprend ce serment.

Mais… parce qu’il y a un mais dans cette affaire grave, les médecins des centres de vaccinatio­n se doivent à notre sens de continuer à prendre en charge les citoyens convoqués, il y a dans ce cas d’espèce un pacte tacite mais exceptionn­el (cas de vaccinatio­n), entre le médecin et le patient. Le premier est soumis à sa conscience pour sauver des vies, le second revendique son « droit à la santé », dans le cas de la Covid, il est question de «droit à la vie». Arrêter pendant 3 jours la campagne de vaccinatio­n, quand nous prenons de plein fouet cette 3ème vague, n'est vraiment pas un signe de responsabi­lité.

Doit-on rappeler, dans cet esprit, que la pratique de la médecine a ses règles que personne ne doit déroger et transgress­er, elle ne doit pas dépendre du pouvoir politique quel que soit sa nature, son orientatio­n, même si dans notre cas tunisien, un pouvoir pourri, décomposé, compromis, responsabl­e de toutes les calamités et sourds aux appels des médecins. Elle ne doit pas dépendre non plus de la religion, de l’âge, du genre, ni de la couleur de la peau, encore moins de l’opinion publique. Elle ne doit se soumettre qu’à la conscience de celui qui la pratique. Le médecin doit garder ses distances de ces autorités et de ces instances physiques ou morales. Pour lui, il existe un seul corps auquel il doit consacrer son pouvoir et exercer son savoir, celui du patient. La seule priorité du médecin n’est-elle pas l’intérêt de la population ? Pour lui, spécialeme­nt, ça représente plus qu’un devoir, un sacerdoce.

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