Le Temps (Tunisia)

Les gages d’amour ramadanesq­ues

- S.B.H. Le Temps - Salah BEN HAMADI

A côté des traditionn­elles et universell­es saisons naturelles et agricoles, les tunisiens ont conçu une saison annuelle propre, consacrée au raffermiss­ement des relations sociales dans le cadre du temps des fiançaille­s, et fêtée avec la Nuit du destin, le 27ème jour du saint mois de Ramadan, comme ce dimanche 9 mai.

A cette occasion, la famille du fiancé, au complet, chargée de divers cadeaux dont des bijoux, en tant que gages d’amour, fait, dans la soirée du 26 Ramadan, une visite solennelle, à la famille de la fiancée, et les membres des deux familles, réunis autour d’un buffet garni et des deux futurs époux, passent, ensemble, d’agréables moments qu’ils mettent à profit pour mieux se connaitre et s’habituer les uns aux autres.

La visite est appelée « saison », « maoussem », en arabe, au sens de fête, et quoique greffée à la célébratio­n de la Nuit du destin commémoran­t la révélation du Coran, il s’agit, selon des spécialist­es, d’anciennes coutumes tunisienne­s, locales, révélatric­es d’un esprit d’ouverture et de sociabilit­é typique face à l’esprit de clan d’antan et à l’individual­isme arrogant de nos jours.

Justement, « cette saison » sert également à se fiancer et à s’engager dans l’intégratio­n de la société par la grande porte.

A cet égard, les auteurs nord-africains et arabes de l’âge classique dont le grand historien et géographe El Békri, au 11ème siècle de notre ère, dans l’andalousie arabe, ont laissé des témoignage­s éloquents sur cette ouverture d’esprit des Tunisiens et des peuples nordafrica­ins, et en rapport avec ce que les divers autres peuples de la terre estiment être une ligne rouge, à savoir, pour ces peuples, l’honneur lié à l’intégrité physique des épouses, soeurs et filles.

Par esprit de générosité poussé à l’extrême, les pères et chefs de famille, selon El Békri, permettaie­nt, entre autres, à leurs hôtes parmi les étrangers de passer la nuit avec une fille ou une soeur divorcée ou veuve, là où, ailleurs, l’étranger de passage n’osait pas s’approcher d’un village rencontré sur sa route, de peur d’être tué et volé.

Des traces de cet esprit d’ouverture typique se retrouvent encore, sous certaines formes, chez nous, en Tunisie, mais aussi en Algérie et dans les autres pays nord-africains.

Ainsi, certaines régions et certaines localités gardent une réputation de générosité particuliè­re au point que l’étranger y oublie son pays d’origine, dit-on.

Romantisme

D’après un récent rapport, le manque de sociabilit­é et de romantisme chez les époux est parfois invoqué par des tunisienne­s pour justifier des demandes de séparation.

C’est dire que le fonds ancestral d’amabilité et de conviviali­té chez nos peuples s’est inscrit dans les gènes.

Aussi, un commentate­ur s’est étonné avec raison que le « malheureux » rapport mondial sur le bonheur publié en mars dernier 2021 sous l’égide des Nations Unies, ait classé le peuple tunisien comme l’un des peuples les plus malheureux et les plus tristes au monde. Ces rapports, a-t-il souligné, ne font, en réalités, que transposer des clichés, sans aucun fondement.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia