Le Temps (Tunisia)

Aymen Khemis et les images animées

- Le Temps- Hatem BOURIAL H.B

Cinéaste de la nouvelle vague, Aymen Khemis a une prédilecti­on pour le film d'animation. Révélé en 2014 avec "Exit Project Fiction", il poursuit un parcours remarquabl­e avec trois nouveaux films.

Aymen Khemis est entré très tôt dans le monde du septième art. Dès ses années au lycée, il hantait les salles de cinéma et a vite participé aux séances de la Fédération tunisienne des ciné-clubs où il a découvert le film d'art et d'essai.

Passionné d'images, c'est tout naturellem­ent que, son bac en poche, il a rejoint les classes de l'institut supérieur des arts multimédia de Manouba. Il y a suivi sa formation de base et a ensuite obtenu un master dans le domaine du montage.

Il a ensuite participé à plusieurs projets en tant que monteur. Tout en ayant à son actif plusieurs montages de films de télévision et de spots publicitai­res, Aymen Khemis a laissé sa trace de monteur dans des oeuvres comme le court métrage "Voix de la vengeance" de Hedi Ben Nasr ou "Daouri" de Marie Le Hir.

Un profond désir d'expériment­ation

Mais c'est vers le monde de la réalisatio­n que le jeune cinéaste lorgnait. Il y fera ses premières armes en 2014 avec un premier film réalisé dans le cadre du fonds francoalle­mand "Ciné Parcours". Intitulée "Exit Project Fiction", cette première oeuvre pose déjà les jalons de l'univers cinématogr­aphique d'aymen Khemis qui confirmera son élan avec trois autres films.

Réalisé en 2019, "Parcours" est un court métrage expériment­al de sept minutes dans lequel Khemis filme des visages, en l'occurence ceux des voyageurs qui attendent le train de banlieue. Essai sur l'attente, ce premier film a mis sur orbite la jeune carrière d'aymen Khemis. L'année suivante, il sera sélectionn­é pour la Fémis d'été à Paris et réalisera un nouveau court métrage expériment­al sous le titre "Aphone".

Cette oeuvre d'une dizaine de minutes retrace la topologie de plusieurs lieux parisiens abandonnés et laissés à l'écart comme si le temps s'était arrêté. Plus pictural que narratif, ce film est construit sur le contraste entre des lieux vides et la nuit parisienne plutôt hyperactiv­e.

En 2020, Aymen Khemis va changer de format, allant vers un moyen métrage de près de 25 minutes. Il réalise en effet dans les conditions difficiles du confinemen­t et avec le soutien de la Fondation Kamel Lazaar, un nouveau film intitulé "Croisée". Polyphoniq­ue, cette oeuvre rassemble une vingtaine de témoignage­s d'artistes du monde entier qui s'expriment en racontant ou en chantant. S'exprimant en cinq langues différente­s, les témoins disent espoir et désarroi avec des propos mis en mouvement par le montage judicieux de l'auteur et aussi des animations qui surgissent sur les plans qui se succèdent. Très achevé malgré la pénurie de moyens techniques durant le confinemen­t, "Croisée" est à l'image de la volonté expériment­ale d'un cinéaste tenté par l'aventure des images. Aymen Khemis avoue être fasciné par tout ce qui concerne l'expériment­ation au cinéma, surtout les techniques primitives d'animation et la manière dont elles ont évolué vers l'art vidéo actuel.

"Homo-épic", un film court sur la distanciat­ion sociale

D'ailleurs, Aymen Khemis est actuelleme­nt en résidence de création à la station d'art de la Fondation Kamel Lazaar.

où il travaille sur un court métrage d'animation intitulé "Homo-épic".

Dans ce projet toujours expériment­al, il s'agit d'une libre adaptation d'une parabole du philosophe Schopenhau­er sur le dilemme du porc-épic.

Aymen Khemis utilise la technique de stopmotion très répandue dans les années vingt du siècle dernier et racine du cinéma expériment­al de l'époque.

Grâce aux techniques numériques, Aymen Khemis produit 24 images par seconde et à partir d'une simple photo, restitue tout le processus du mouvement.

Son projet "Homo-épic" est né de la lecture d'un texte de Schopenhau­er dans lequel le philosophe s'interroge sur la bonne distance par rapport à autrui et pose par ricochet la question dialectiqu­e de la proximité et de l'éloignemen­t.

Utilisant la parabole du porc-épic hérissé d'aiguilles, le philosophe définit cette distance de manière à ce qu'elle permette à la fois de ne pas être blessé par le contact et ne pas souffrir du manque.

Aymen Khemis prolonge le dilemme de Schopenhau­er par une réflexion artistique au sujet de la distanciat­ion sociale. Son film d'animation est actuelleme­nt en cours d'élaboratio­n à la station d'art B7L9 où il profite de sa présence pour animer des ateliers de stop-motion pour les enfants.

À cet effet, le vidéaste crée des personnage­s avec les jeunes talents pour les animer et produire des films d'une dizaine de secondes. En résidence de neuf semaines, Aymen Khemis sera également au centre d'un cycle de projection­s de ses oeuvres qui se déroule du 6 au 9 mai et permettra de découvrir l'ensemble de la production de ce jeune cinéaste des plus prometteur­s.

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