De l'espoir à en revendre !
Les partis puristes et intellectualistes réalisaient des résultats honteux à chaque scrutin. Même l'illustre Hamma Hammami et son Front "Populaire" n'étaient plus populaires ! Le Parti des Ouvriers ne comptait pas d'ouvriers en son sein ! Et les formations "démocratiques" étaient régies toutes sans vraie démocratie (démocratie au sens étymologique de "souveraineté du Peuple") !
Le magique pouvoir du Peuple
La logique la plus simple était donc de redorer le blason de ce mot "magique : PEUPLE ! Peu importe qui il désigne exactement ! D'où le slogan des Pro-kaïs Saïed, lesquels ont très vite, en tout cas avant beaucoup d'autres, saisi l'effet ensorceleur du vocable PEUPLE ! Ceux qu'on a taxés de "populistes" ont compris aussi que, flanqué d'un verbe non moins envoûtant comme "VOULOIR", le mot PEUPLE se renforcerait d'un pouvoir mobilisateur jamais atteint après 2011. Le succès "populaire" franc de Kaïs Saïed aux élections de 2019 a montré que le PEUPLE a toujours son…mot à dire. Il suffisait de l'appeler par son nom, de le rappeler au souvenir de ses temps de gloire, pour qu'il réponde
PRESENT. Avant le désormais fameux 25 juillet 2021, ce sont des partis comme Ennahdha, Qalb Tounès et la Coalition d'al Karama qui usurpaient le filon et qui en abusaient à leurs dépens en définitive, puisque le "peuple" qu'ils prétendaient défendre s'est en très peu de temps retourné contre eux. C'est que le populisme est à double tranchant : il peut vous servir comme il peut vous desservir. POPULISME est justement cet autre terme qu'il faut utiliser à bon escient.
Le peuple et ses héros
En fait, c'est la psychologie "populaire", la psychologie des foules, qu'il s'agit de bien étudier et comprendre. Les politologues et les bons politiciens savent parfaitement que pour diriger une Nation, il faut être fin psychologue; qu'il est important de savoir ce que "son" PEUPLE VEUT, à court, à moyen et à long terme. Hitler avait conquis des dizaines de millions d'hommes et de femmes à l'époque où le PEUPLE allemand se sentait humilié par les vainqueurs de la grande guerre (1914-1918). Les Allemands tenaient à retrouver, à recouvrer leur dignité de grande nation. Hitler a cristallisé ce rêve et s'en est servi pour (à la manière nazie) "venger" ses compatriotes. Même les
Autrichiens dont il avait occupé le territoire l'acclamaient massivement. Les PEUPLES du monde entier aiment croire en des héros sauveurs, vengeurs, justiciers, prophètes, guides, etc. Ils aiment confier leur sort à ces redresseurs de torts en tous genres.
Espoirs à réveiller
Kaïs Saïed n'est sans doute pas dans cette configuration; sa future Cheffe de Gouvernement non plus d'après ses premières déclarations. Tous les deux savent et doivent savoir que l'heure n'est pas à l'héroïsme donquichottesque, même si LE PEUPLE y croit encore et toujours. En dirigeants lucides, peu enclins à la forfanterie, ils sont censés redonner de l'espoir aux Tunisiens, mais pas fallacieusement, pas en promettant la lune! Certes, LE PEUPLE VEUT retrouver l'espoir qu'avait nourri en lui la chute de Ben Ali en 2011. Mais en 2021, dix ans seulement après, le même espoir est devenu bien plus difficile à donner et à promettre. La Tunisie patauge économiquement et financièrement. Ce n'est un secret pour personne, encore moins à plus forte raison pour Saïed et Bouden. Si leur tâche est ardue, le Président de la République et sa Cheffe de Gouvernement
ne doivent pas déroger à ce principe salutaire qui les a fait monter au sommet de la hiérarchie politique, à savoir se reposer sur ce que LE PEUPLE VEUT comme espoirs.
De l'espoir pour tous !
En ce moment, l'étude approfondie de la psychologie collective est l'arme première du combat à venir pour Saïed et Bouden. Le Parlement, la corruption, les comptes des partis politiques, tout cela est secondaire en réalité. Ce que LE PEUPLE VEUT dans l'urgence du moins ce sont des garanties fiables sur l'état de ses comptes à lui : il veut être rassuré sur son salaire, ses primes, son "couffin", les petits projets pour les enfants, la stabilité de son emploi. En bref, il veut éprouver un semblant de sentiment de sécurité à propos de l'essentiel pour vivre et survivre. Les Tunisiens qui se soucient d'autres besoins essentiels, comme la liberté d'expression et de conscience, l'intégrité des dirigeants, la démocratie et le dialogue dans la gestion des affaires de l'etat, ces citoyens-là doivent eux aussi être rassurés sur le bien qu'ils veulent pour eux-mêmes et pour leur pays. Ils font partie du PEUPLE et ils ont leur "mot" à dire. Ils ne doivent pas désespérer à leur tour.
Gare au découragement !
On voit bien que le maître-mot à retenir, tant pour Kaïs Saïed que pour tous ses actuels et futurs collaborateurs, c'est ESPOIR. Un homme politique qui réussit est un homme qui donne et redonne de L'ESPOIR. Aujourd'hui, les nombreux partis politiques tunisiens et leurs chefs respectifs doivent comprendre qu'ils ont failli à cette mission primordiale. Pendant la décennie passée, ils ont raté, presque tous, l'occasion de faire retrouver le sourire aux Tunisiens. Après les promesses d'ennahdha, il y eut celles de Nida Tounès et de son Président Béji Caïed Essebsi. Les deux expériences ont abouti à des échecs plus ou moins cuisants pour les partis et leurs dirigeants et à un surplus de frustration et d'abattement pour les masses qui leur ont fait confiance. L'équation est donc simple : ne produisez pas du découragement et du désespoir; produisez plutôt de l'espoir et du sourire autour de vous ! Kaïs Saïed a réalisé un bon début de parcours depuis juillet 2021: il a redonné de l'espoir aux gens qui n'en avaient plus, même parmi ceux qui ne l'ont pas élu et qui ne lui trouvaient guère une vraie carrure d'homme d'etat. Il leur reste, à lui et à Bouden, à confirmer, à consolider et à généraliser les espoirs placés en eux par ce PEUPLE QUI VEUT, et qui ne veut rien d'autre en fait que de vivre bien et toujours mieux. Pas le contraire !