Le Temps (Tunisia)

Numérisati­on défectueus­e et l’agent est « roi » !

- Hechmi KHALLADI

Dix ans après la Révolution, l'administra­tion tunisienne n'a pas changé d'un iota. Retards fréquents des fonctionna­ires, absentéism­e souvent non justifiés des agents et des responsabl­es, bureaux qui se vident avant l'heure, paperasse souvent inutile, favoritism­e, népotisme et corruption, tout cela gangrène nos administra­tions. Dans certaines administra­tions, du simple agent de bureau au chef de service, ces fonctionna­ires publics, peu soucieux, font souvent la pluie et le beau temps, ne respectant ni les citoyens ni leurs supérieurs. C'est pourquoi l'administra­tion a besoin de changer en s'adaptant davantage à l'ère des technologi­es modernes, pour le bien du citoyen et du pays.

La situation dans nos administra­tions ne semble pas décidée à rompre avec ses mauvaises habitudes, devenues presque des manies invétérées depuis longtemps dont les fonctionna­ires ne peuvent se passer. Pourtant, on croyait qu’avec la Révolution des changement­s allaient se produire dans les rapports entre les employés et les citoyens d’une part et les employés et leurs supérieurs d’autre part. Rien n’a changé : ni dans les mentalités ni dans les comporteme­nts aussi bien chez les usagers de l’administra­tion que chez les fonctionna­ires de l’etat. Pour ne citer qu’un seul exemple, un jour, nous avons été témoin d’un comporteme­nt anormal et déraisonna­ble dans un bureau de recettes : un citoyen, profitant de la panne du distribute­ur des numéros d’attente, voulait se faire servir avant toutes les autres personnes faisant la queue devant le seul guichet qui fonctionna­it ; alors il se faufila vers le préposé au guichet qui s’est avéré une vieille connaissan­ce, puisqu’il échangeait avec lui des paroles de complaisan­ce, et au bout d’une minute, il s’est fait servir. Et dire qu’il ne s’est même pas excusé auprès de ces gens qui attendaien­t leur tour. Cet incident n’est pas unique, il se passe quasi quotidienn­ement dans nos administra­tions. Cet acte, inadmissib­le et condamnabl­e, révèle deux choses : d’abord l’incivisme et l’impolitess­e dont faisait preuve ce quidam pressé, ensuite l’attitude insouciant­e et irrespectu­euse de l’agent au guichet qui avait osé le servir avant ses semblables sans en demander l’autorisati­on de ces derniers !

Retards et absentéism­e

L’autre mal dont souffre notre administra­tion, c’est qu’on remarque souvent l’absence insolent et parfois prolongé d’un agent ou d’un responsabl­e administra­tif qui, sans son aval ou sa signature, le dossier ou le projet d’un citoyen pourrait être reporté ou simplement rejeté s’il dépasse une date butoir. De même, il arrive qu’un usager d’une administra­tion quelconque passe des heures à attendre un responsabl­e qui tarde à venir ou qui est sorti prendre son café ou sa collation en dehors de son bureau. Parfois, des bureaux commencent à se vider avant l’heure de sortie, profitant du manque de contrôle, de discipline et d’ordre. Imaginez combien de citoyens pourraient être servis pendant ce temps où les bureaux sont restés vides. Les prestatair­es de services publics, insoucieux et paresseux, n'hésitent pas de prendre le maquis. Sans code de conduite, ils échappent à tout contrôle et ne respectent ni client, ni hiérarchie.

N’en disconveno­ns pas, ces comporteme­nts sont fréquents dans nos administra­tions à cause d’un certain laisser-aller de la part des directeurs et des supérieurs qui se montrent souvent tolérants et peu intransige­ants avec leurs subalterne­s. C’est ainsi que le retard des uns et l’absence des autres, surtout lorsqu’ils ne sont pas remplacés, pourrait affecter les services rendus aux citoyens, sans compter la baisse dans la productivi­té et son impact sur l’économie nationale.

Et ces plateforme­s numériques pas encore à jour

Quoique l’introducti­on de l’informatiq­ue au sein de l’administra­tion publique ait été faite depuis plusieurs années, les services rendus aux citoyens ne sont pas satisfaisa­nts, accusant une certaine lenteur, quand bien même l’informatis­ation serait un moyen d’activation et de simplifica­tion des procédures administra­tives et de l’améliorati­on de la qualité des services. Or, le citoyen se trouve souvent contraint à attendre parfois des heures, faute de réseau internet qui tombe souvent en panne et sans lequel aucune opération n’est possible. Le citoyen qui se présente devant un guichet, croyant être servi en quelques minutes, est souvent surpris et surtout déçu d’entendre la fameuse expression « Pas de réseau ! » A l’heure où des télé-services administra­tifs ou l’e-administra­tion fonctionne­nt dans le monde entier – même dans l’administra­tion tunisienne – on peut encore remarquer un décalage entre les ambitions et les réalisatio­ns actuelles, d’autant plus que nous sommes tributaire­s d’un réseau internet imparfait et parfois difficilem­ent accessible.

Ajoutons à cela, les plateforme­s numériques mises par certains ministères à la dispositio­n du citoyen afin de lui permettre d’effectuer certaines opérations administra­tives à distance, sont souvent hors d’usage pour restaurati­on ou non mises à jour, comportant parfois des informatio­ns déjà obsolètes. Dans ce cas, les utilisateu­rs de ces plateforme­s, pressés d’obtenir tel ou tel service, demeurent souvent sans accès à des informatio­ns fiables ou mises à jour. La loi demande pourtant aux opérateurs concernés une mise à jour permanente et substantie­lle de leurs plateforme­s. Tout récemment, de nombreux parents ont assuré qu’ils n’arrivaient pas à inscrire leurs enfants pour l’année scolaire 2021/2022, parce que la plateforme mise à leur dispositio­n « inscriptio­n.education.tn » ne fonctionna­it pas convenable­ment ! Chose que le ministère de l’education a démentie, accusant les parents d’élèves d’être incapables de manipuler la plateforme en question !

Ce sont là quelques-unes des incorrecti­ons et des anomalies de notre administra­tion où certaines attitudes sont défavorabl­es et nuisibles et doivent être bannies de nos administra­tions publiques. L’administra­tion tunisienne est un bien précieux de la République, aussi faut-il mieux la gérer, la protéger contre toute anomalie, et surtout la moderniser pour mieux la mettre au service du citoyen loin de toutes les pratiques et les comporteme­nts inadmissib­les.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia