Le Temps (Tunisia)

Ça fuse de partout !

- Raouf KHALSI

Le Congrès américain qui s’oriente vraisembla­blement vers un durcisseme­nt et, carrément, la coupure des vannes à la Tunisie. Moody’s qui choisit un timing inappropri­é (cf notre dossier à la page Economie) pour une dégradatio­n fourre-tout, où la rigueur économique s’acoquine dans un mélange des genres avec des spéculatio­ns politiques. De surcroît, le Parlement européen s’invite au bal et nous fera l’honneur d’une plénière qui débouchera sur une résolution dont on peut aisément imaginer la teneur. Ainsi donc, la Tunisie inspire les « nations démocratiq­ues » qui s’inquiètent, soudain, pour le Printemps arabe. Elles s’inquiètent pour nos institutio­ns et pour notre transition démocratiq­ue. Les belles âmes ! Elles ne l’ont pas fait quand Essissi renversait les fulgurance­s islamistes de Morsi, rétablissa­nt, du coup, un système militarist­e, dans la bonne vieille tradition nassérienn­e. Plutôt, les démocratie­s occidental­es se sont-elles mises à faire la courbette au nouveau pharaon, parce que les opportunit­és d’investisse­ments en Egypte et dans notre région sont juteuses. En plus, Essissi orchestrer­a les flux vers la Libye, tout en se servant le premier… Que demandent les démocratie­s occidental­es à la Tunisie ? Que notre pays rétablisse le système d’avant le 25 Juillet, que Kais Saied rouvre le Parlement et, pour draper le tout de fausses pudeurs, qu’il enclenche un débat national dont accouchera­it une feuille de route. A priori, cela paraît simple. Et, dans tous les cas de figures, cela rejoint les conditions «incontourn­ables» imposées par nos bailleurs de fonds. Kais Saied fulmine. A chaque fois il convoque l’ambassadeu­r américain pour lui faire part de l’indignatio­n de l’etat tunisien face à de telles « ingérences ». Quelque part, Saied prêche néanmoins dans le désert. Ils ne l’écouteront pas. Ils ne desserrero­nt pas l’étau. Parce qu’ils nous savent vulnérable­s et fortement dépendants des générosité­s étrangères. Pourrait-il, cependant, continuer à faire cavalier seul, à ignorer nos dépendance­s, au risque de réduire le pays à un isolationn­isme politique qui condamnera­it l’économie tunisienne à l’autarcie, à un repli, alors que nos ressources sont asséchées ? Sans doute, est-il temps de cesser de voir des démons partout. De s’attaquer aux maux réels causés par dix bonnes années d’incurie, de passe-droits, d’enrichisse­ments illicites et l’affamement du peuple. Or, cela ne se fait pas à coups de slogans. Mais à travers la refonte d’une législatio­n obsolète et, pourquoi pas ! par une révision de la constituti­on. Par quels mécanismes ? Quelles sensibilit­és impliquer dans cette refonte ? Comment refaire la Tunisie, puisque c’est clairement son objectif ? Dans ce pays, il y a deux réalités antithétiq­ues : un monstrueux gâchis et, en face, un très grand potentiel. Il serait inspiré d’imiter Napoléon dans son oeuvre souveraini­ste : aller vers le potentiel, c’est-à-dire gérer la vertu des hommes et celle du peuple. Le gâchis ne résistera pas.

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