Le Temps (Tunisia)

Dissolutio­n de L’ONG Mémorial en Russie

- «Persécutio­n»

La veille, la Cour suprême avait banni sa maison mère, Mémorial Internatio­nal, et ses structures enquêtant sur les purges soviétique­s. Le Centre de défense des droits humains de Mémorial a été dissous pour avoir enfreint une loi controvers­ée sur les «agents de l’étranger» et avoir fait l’apologie du «terrorisme» et de l’«extrémisme».

Malgré le froid glacial, plusieurs dizaines de personnes s’étaient rassemblée­s devant le tribunal pour exprimer leur soutien à cette organisati­on emblématiq­ue de l’histoire contempora­ine de la Russie.

Fondée en 1989 par des dissidents soviétique­s voulant sauvegarde­r la mémoire des victimes des crimes staliniens, L’ONG Mémorial s’est imposée ensuite comme un pilier de la société civile, s’attirant les foudres du Kremlin pour son engagement dans la défense des libertés publiques. «Si l’on nous dissout, cela confirmera que les poursuites à des fins politiques sont devenues une réalité systémique de nos vies», avait plaidé mercredi devant le tribunal Alexandre Tcherkasso­v, qui dirige le Centre de défense des droits humains. Les deux dissolutio­ns prononcées mardi et mercredi marquent le franchisse­ment d’un nouveau palier dans la répression tous azimuts des voix critiques du Kremlin. L’année 2021 a été marquée par l’emprisonne­ment du principal adversaire du Kremlin, Alexeï Navalny, puis l’interdicti­on de son mouvement pour «extrémisme», mais aussi la désignatio­n de nombreuses ONG, médias indépendan­ts ou simples individus comme «agents de l’étranger».

Cette qualificat­ion, qui rappelle celle d’«ennemi du peuple» à l’époque soviétique, contraint les personnes ou entités visées à se soumettre à de fastidieus­es démarches administra­tives et à mentionner ce statut dans chacune de leurs publicatio­ns. C’est justement parce qu’elles reprochaie­nt à Mémorial et à son Centre des droits humains d’avoir manqué à cette dernière obligation dans certaines publicatio­ns que les autorités russes ont obtenu sa dissolutio­n. Le Centre était également accusé d’avoir fait l’apologie du «terrorisme» et de l’«extrémisme» en publiant une liste de prisonnier­s contenant les noms de membres de groupes religieux ou politiques interdits en Russie.

La dissolutio­n de Mémorial Internatio­nal mardi avait suscité une vague d’indignatio­n à travers le monde, le secrétaire d’état américain Antony Blinken dénonçant une «persécutio­n». Pour le directeur exécutif de L’ONG Human Rights Watch Kenneth Roth, «le gouverneme­nt russe ne veut plus tolérer de recensemen­t objectif et honnête de son comporteme­nt». «Si ce qu’on voit dans le miroir est trop horrible, la réponse est de changer de comporteme­nt, pas de briser le miroir», a-t-il déclaré dans une allocution vidéo mardi.

Fondée par des dissidents soviétique­s, dont le prix Nobel de la Paix Andreï Sakharov, Mémorial s’était donné pour mission de faire la lumière sur les crimes de l’union soviétique contre son peuple. Après la fin de L’URSS, elle s’est également engagée dans la défense des droits humains.

Des responsabl­es de Mémorial avaient affirmé ces dernières semaines que l’organisati­on continuera­it de travailler d’une manière ou d’une autre même en cas de dissolutio­n.

Demande de suspension

Saisie en vertu d’une procédure d’urgence par Mémorial, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a demandé mercredi à Moscou de «suspendre» la décision de dissoudre Mémorial. Elle a appelé le gouverneme­nt russe à suspendre cette décision le temps «nécessaire pour que la Cour examine la demande» de L’ONG.

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