Pourquoi tant de mépris pour l’afrique ?
À quelques jours du coup d’envoi de la 33ème édition de la Coupe d'afrique des nations, de nombreux acteurs du football africain se sont exprimés pour condamner le "mépris" dont feraient preuve les clubs européens, à l’égard du football africain. En cause, notamment, les clubs qui ont voulu faire reporter la CAN, voire l’annuler et qui ont également empêché certains joueurs de rejoindre leur sélection.
Après avoir tenté d’annuler ou de faire reporter la compétition, via leurs présidents les plus emblématiques, les clubs européens à L'ECA (Association européenne des clubs) notamment de Premier League (championnat anglais), qui ont publié un courrier : ils ont décidé de garder les joueurs africains jusqu’au 3 janvier. De quoi mettre en péril la préparation d’avant CAN, pour les sélections. Un arrangement trouvé entre les clubs et les instances africaines qui témoignent de la pression mise sur les joueurs africains convoqués pour concourir au Cameroun.
C’est, dans un premier temps, lorsque l'association européenne des clubs a lancé la menace d’un report, voire d’une annulation de la CAN que les langues ont commencé à se délier. En chef de file, nul autre que Samuel Eto’o, fraîchement élu à la tête de la Fédération camerounaise de football. "Pourquoi la Coupe d’afrique des nations ne se jouerait pas ? Donnez-moi une seule raison valable !", martelait la légende des Lions indomptables. Avant de conclure : "On est en train de nous traiter, comme on nous a toujours traités : nous sommes des moins que rien et nous devons toujours subir".
Des joueurs obligés de décliner leur convocation
Dans certains cas, les joueurs ne rejoindront même pas leur sélection, suite à une décision communiquée par le club. Dans d’autres, ce sont les joueurs, eux-mêmes, qui déclinent la convocation de leur sélection.
Par exemple, le Burkinabé de 19 ans, Nasser Djiga, ne sera pas du voyage au Cameroun. Retenu par son club Suisse, qui n’a pas souhaité le libérer pour l'épreuve, le jeune défenseur du FC Bâle a décidé de se conformer à la décision de son employeur et de décliner l'invitation de son pays. Une affaire qui a suscité la colère d’aristide Bancé, le Team Manager des Etalons. "Je rappelle à tous les jeunes joueurs que porter le maillot de sa sélection nationale est l’une des plus grandes fiertés qu’un footballeur pourrait avoir tout au long de sa carrière. Il faut donc éviter de reléguer son pays au second plan", a-t-il écrit, sur son compte Facebook.
Cette attitude des clubs a notamment fait polémique avec le cas emblématique d’andy Delort, qui avait signé pour le club de L’OGC Nice, en France, durant la dernière intersaison. L’international algérien aurait été contraint, par son club, au moment de sa signature, de renoncer à sa participation à la CAN avec les Fennecs. Une pratique qui, selon Frank Simon, est loin d’être inédite : "C’est de plus en plus médiatisé, mais cela fait longtemps que les clubs exercent ce genre de pressions".
Les acteurs du football africain sonnent la révolte
Questionné à sa participation à la CAN, par le journal néerlandais De Telegraaf, l’international ivoirien, Sébastien Haller, a souligné le "manque de respect" que constitue, selon lui, cette question. "Poseriez-vous cette question à un joueur européen avant un Euro ?", a-t-il ajouté.
L’attaquant de l’ajax Amsterdam peut d’ailleurs compter sur un soutien de poids. Dans une vidéo publiée sur Instagram, Ian Wright, l’ancien attaquant et légende d’arsenal, dans les années 90, s’est posé la question suivante : "Y a-t-il un tournoi plus méprisé que la Coupe d'afrique des Nations ?". "Nous avons joué nos Euros à travers 10 pays au milieu d'une pandémie et il n'y a aucun problème. Mais le Cameroun, un seul pays qui accueille un tournoi, c'est un problème", a-t-il surenchéri.
Cette réaction, Frank Simon l'attendait. Le journaliste experimenté voulait "que les principaux acteurs que sont les joueurs, s’expriment, depuis un petit moment". Cependant, cet habitué des bords de pelouses africains, attend des "têtes de gondole" du football africain et des capitaines des sélections "qu’ils se réunissent dans une conférence de presse et disent stop au mépris dont font preuve les clubs européens".
Les dirigeants africains «complices» ?
Pour Frank Simon, "les dirigeants africains, eux-mêmes, n’ont pas forcément défendu cette compétition". "Ils ont fait preuve d’un silence assourdissant. Ce débat, illustre, selon moi, la perte de souveraineté de la CAF, face à la FIFA, qui fait de l’ingérence dans le football africain", précise-t-il.
Samuel Eto’o, lui, va encore plus loin. Pour le président de la Fecafoot, les dirigeants africains "sont complices" de l’imbroglio permanent, qui règne autour des joueurs africains et de la CAN. Une prise de position, une nouvelle fois, tranchée, pour celui qui représente, pour beaucoup, un espoir, pour les institutions du football africain.
"Samuel Eto’o met les pieds dans le plat et il a de la gueule, comme c’était son cas sur le terrain. Plus on aura des dirigeants issus des rangs du football, mieux il se portera en Afrique. Il y a eu d’autres joueurs, avant lui, à la tête des fédérations, mais Samuel Eto’o, c’est une icône. Il n’est pas là pour se servir du football, il est là pour le servir », affirme Frank Simon.
Selon lui, Samuel Eto’o "a certainement pesé", au moment de faire en sorte que la CAN soit bien maintenue, au Cameroun.
Néanmoins, pour pouvoir se dresser face à l’influence des clubs européens, un président de fédération africaine ne suffit pas, tout grand Eto’o puisse-t-il être. Frank Simon espère "que cette élection d’eto’o sera suivie d’autres, mais surtout d’actes".
Être élu à la tête d'une fédération ne suffit pas. Pour avoir un véritable pouvoir d’action, il faut viser plus haut. "Pourquoi pas un Eto’o à la tête de la CAF ?", ose le spécialiste du football africain. Le métier ne serait pas le même, il faudra savoir être un fin politicien, mais cela pourrait être son destin.