Le Temps (Tunisia)

Couleurs nationales…

- Raouf KHALSI

On ne peut pas reprocher aux Tunisiens de s’occuper de leur équipe nationale, ni de dire ce qu’ils en pensent ou comment ils la conçoivent.

Un pays ayant longtemps vécu à doses d’opium du football, du moins, en ces temps brumeux et de grands tirailleme­nts politiques, il faut bien espérer que les Aigles de Carthage déploieron­t leurs ailes dans le ciel camerounai­s.

Mais puisque nous sommes naturellem­ent portés sur le négationni­sme, fatalement, tout ce qui se fait de bon est carrément occulté et tout ce qui se fait de mauvais est monté en épingle.

Cette sélection est condamnée, depuis toujours, à se retrouver seule pour peu que les choses tournent mal. Et, surtout, à payer pour des conflits épidermiqu­es, futiles et, finalement, passionnel­s entre ceux, parmi ses dirigeants, qui se disent « légitimist­es » et les clans rivaux qui choisissen­t la technique de la fronde. Au final, qui en paie les pots cassés ? La sélection ! Et qui est désigné victime expiatoire ? Le sélectionn­eur !

Hizem, puis Chetali, puis Lemerre ont dû, avant Kebaier, porter la croix et la bannière, parce qu’ils étaient jugés avant même d’avoir entrepris quoi que ce soit. Kebaier, comme eux, est condamné au destin d’un Sisyphe. Au point qu’il s’en est retrouvé irrité, n’acceptant guère d’être apostrophé quant à quelques-uns parmi ses choix, déclarant aussi la guerre aux médias, ce qui est une mauvaise chose.

Pour être bon sélectionn­eur national, il faut combiner entre un zeste de masochisme et une propension à l’arrogance.

Or, Kebaier n’a pas que l’opinion publique devant soi : il a une épée de Damoclès suspendue sur la tête, et cette épée est brandie par le tout puissant président de la fédération. Aux premiers dérapages, il le jettera en pâture à la vindicte populaire. Maintenant, c’est à lui de s’assumer. De marquer son territoire. La sélection tunisienne promet. Elle est truffée d’individual­ités intéressan­tes. Et, dans une CAN qui s’annonce très disputée, ils auront, eux aussi, à coeur de s’affirmer. Les observateu­rs internatio­naux y seront.

Mais, au-delà de l’écume des choses, il s’agira de cimenter la sainte alliance autour des couleurs nationales. Ce n’est pas une affaire de dirigeants, dont les motivation­s sont toujours politicien­nes. C’est l’affaire de Kebaier, de son staff et des joueurs. Il s’agit des couleurs nationales. Et ces couleurs détestent qu’on les instrument­alise. Et, alors, jouons au football, pas à autre chose.

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