« L'islam sera la religion de la nation »
Le président de la République, Kaïs Saïed, a annoncé que la nouvelle constitution n'inclut pas de religion d’etat. “L’islam sera la religion de la nation” adéclaré le président lors d’une rencontre avec des pèlerins, citant une sourate du Coran (Sourate Alomrane, 110). Une déclaration qui a ouvert la porte à de nombreuses interprétations juridiques. Un bouleversement majeur dans l’équilibre entre religion et Etat que la Tunisie cherche à trouver depuis la révolution de 2011.
Dans la constitution de 2014, l’article premier stipule que l’islam est la religion de l’etat tunisien. L’article 2 lui énonce que l'état est civil. Une opposition majeure qui est issue d’un modus-vivendi permettant aux faiseurs de loi de piocher dans les deux articles pour légitimer leurs textes.
Etat ou nation
En principe, l’etat est au service de la nation. Mais dans les textes, la nation est un concept politique. Par ailleurs, dans la Constitution de 2014, aucun article ne définit réellement la nation. Pour l’historienne et chercheuse du CNRS, Anne-marie Thiesse, la nation “désigne un groupe d'individus ayant une origine commune.” Ainsi, si l’on se fie à ce que propose Kais Saied, l’islam serait donc ce qui nous caractériseen tant que nation. En pratique, cela ouvre une boîte de pandore juridique à des textes de lois basés sur l’islam.
Si, à l’international, cette décision a été vue comme un acte de laïcisation, à l'échelle nationale, c’est l’inverse. “Si l’islam est la religion de la nation et que la nation est plus grande que l’etat, la fonction de l’etat sera d’atteindre les objectifs de l’islam.” explique Saïda Garrach, avocate et ancienne porte-parole de la présidence de la république. C’est assumé par le président de la république. Interrogé par les journalistes lors de sa visite aux pèlerins, Saied défend que “L’etat est chargé d’accomplir les objectifs de l’islam, et même ceux de lachariaâ.”
Fin d’un semblant d’équilibre
Entre 2014 et 2019, le système consensuel mis en place par la constitution a permis d’ouvrir le débat sur l'égalité devant l’héritage. Une question que Kais Saied adéfinitivement tranchée lors de la fête de la Femme en 2020, ou le président directement fait référence aux textes coraniques pour s’opposer à ce projet. Deux ans en arrière donc, le président qui souhaite désormaisécarter l’islam de l’etat , a répondu à une question juridique par les textes coraniques.
Avec la nouvelle proposition de constitution de Kais Saied, ce n’est pas uniquement l’égalité devant l’héritage qui peut être écartée du débat, mais aussi l’accès à l’avortement ou le droits des minorités. Reste à savoir si le peuple confirmera cette hypothèse, lors du référendum du 25 juillet.