Le Temps (Tunisia)

La mobilisati­on contre le gouverneme­nt se durcit

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Au lendemain d’une tentative d’invasion du Parlement par les manifestan­ts, le calme est loin d’avoir été retrouvé à Quito.

La mobilisati­on indigène contre le gouverneme­nt est, dans son douzième jour en Equateur, au lendemain d’une tentative d’invasion du Parlement, signe d’un durcisseme­nt des manifestat­ions qui ont fait un total de six morts dans le pays andin.

La police a dispersé des manifestan­ts qui tentaient d’envahir le Parlement à Quito, au onzième jour des protestati­ons indigènes face à l’augmentati­on du coût de la vie.

Trois personnes ont péri durant cette nouvelle journée de protestati­ons, qui se sont étendues à d’autres points de la capitale, selon l’alliance des organisati­ons de défense des droits de l’homme, qui avait fait état de trois premiers décès survenus entre lundi et mercredi.

Convoi «agressé par un groupe violent»

Ce jeudi, un manifestan­t de 39 ans a été tué d’une balle, et un jeune est mort auprès de lui. À Caspigasi, dans la banlieue de Quito, un indigène est mort dans un affronteme­nt avec des militaires, selon l’alliance.

L’armée a de son côté indiqué que des soldats qui assuraient la sécurité d’un convoi transporta­nt de la nourriture ont été «agressés par un groupe violent» à Caspigasí, et que 17 militaires ont été gravement blessés.

L’alliance des organisati­ons de défense des droits de l’homme a par ailleurs aussi fait état de 92 blessés et 94 interpella­tions depuis le 13 juin. La police a de son côté annoncé que 74 de ses membres avaient été blessés.

«Dans l’intérêt du dialogue et de la paix»

Dans l’après-midi, plusieurs milliers d’indigènes ont d’abord pénétré, en poussant des cris de joie, dans la Maison de la culture (CCE) à Quito, réquisitio­nnée depuis plusieurs jours par les forces de l’ordre, a constaté L’AFP.

Ce centre culturel sert traditionn­ellement de point de rencontre aux indigènes dans la capitale et son libre accès représenta­it une des conditions des manifestan­ts pour entamer des négociatio­ns.

«C’est une victoire de la lutte!» a salué mégaphone en main le leader indigène Leonidas Iza, dirigeant de la Confédérat­ion des nationalit­és indigènes d’equateur (Conaie), plus grande organisati­on indigène du pays.

Le gouverneme­nt a finalement autorisé les manifestan­ts à investir ce lieu symbolique, «dans l’intérêt du dialogue et de la paix», a déclaré le ministre du Gouverneme­nt, Francisco Jiménez, dans une vidéo transmise aux médias.

«L’objectif est que cessent les blocages de rues, les manifestat­ions violentes et les attaques dans différents lieux», a ajouté le ministre, tandis que le chef de l’etat Guillermo Lasso, diagnostiq­ué mercredi positif au Covid-19, est contraint à l’isolement.

Gaz lacrymogèn­e et grenades assourdiss­antes

Objectif visiblemen­t raté, puisque peu après, un groupe imposant de manifestan­ts, mené par des femmes, a tenté de pénétrer dans l’enceinte du Parlement voisin.

Les policiers déployés sur place les en ont empêchés en faisant usage de gaz lacrymogèn­e et de grenades assourdiss­antes. Les marcheurs ont riposté avec violence en lançant des pierres, des feux d’artifice ainsi que des cocktails molotov.

Le leader des manifestat­ions, Leonidas Iza, qui se trouvait sur place, a jugé que «c’est un très mauvais signe alors que nous avions demandé à notre base de faire une marche pacifique».

La foule s’est ensuite retirée dans un parc voisin.

Près de 14’000 manifestan­ts dans tout le pays

Lors des manifestat­ions de 2019, des manifestan­ts avaient pris d’assaut le siège du gouverneme­nt et brièvement envahi le Parlement, incendié le bâtiment de l’inspection des finances et attaqué les locaux de deux médias. Les indigènes avaient alors rejeté la responsabi­lité sur des «infiltrés».

Près de 14’000 manifestan­ts sont mobilisés dans tout le pays pour protester contre la hausse du coût de la vie et exiger notamment une baisse des prix des carburants d’après la police, qui estime leur nombre à près de 10’000 dans la capitale Quito.

Si certaines de ces marches sont relativeme­nt calmes et festives, des violences éclatent souvent à la faveur de la nuit. La capitale est en partie paralysée.

Mercredi, quelque 300 personnes avaient pris le contrôle d’une importante centrale électrique dans la province andine de Tungurahua, mais sans aucun dommage grave ou interrupti­on de service.

En préalable à toute négociatio­n, la Conaie exige aussi l’abrogation de l’état d’urgence en vigueur dans six des 24 provinces et dans la capitale, appuyée par un important déploiemen­t sécuritair­e et un couvre-feu nocturne.

Le gouverneme­nt rejette cette exigence et assure que les demandes des manifestan­ts, juste sur les carburants, coûteraien­t à l’etat plus d’un milliard de dollars par an.

«Je pleure de voir tant de gens maltraités par ce gouverneme­nt», se plaint Cecilia, une retraitée de 80 ans, qui agite une pancarte sur laquelle est écrit: «Lasso menteur».

«Ils disent que nous sommes des paresseux, que nous ne produisons pas et que c’est pour cela qu’il y a des pénuries», lance la dirigeante indigène Nayra Chalan sur une estrade devant des manifestan­ts.

Soutien des militaires

Les indigènes ont quitté leurs communauté­s rurales il y a onze jours, mais ne sont arrivés à Quito que lundi, durcissant le bras de fer engagé avec le gouverneme­nt.

Le président conservate­ur au pouvoir depuis un an, voit dans cette révolte une tentative de le renverser. Entre 1997 et 2005, trois présidents équatorien­s ont dû quitter le pouvoir sous la pression des autochtone­s.

En 2019, une précédente vague de manifestat­ions contre la fin de subvention­s aux prix du carburant avait fait onze morts et des milliers de blessés dans des affronteme­nts avec la police.

Le président de l’époque, Lenin Moreno, avait été contraint de revenir sur des mesures économique­s négociées avec le Fonds monétaire internatio­nal (FMI).

Le président Lasso peut toutefois compter sur le soutien des militaires qui ont mis en garde, mardi, les manifestan­ts, les accusant de représente­r un «grave danger» pour la démocratie.

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