Le Temps (Tunisia)

Comment faire aimer les langues aux élèves ?

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Il n’y a jamais de fumée sans feu. La baisse du niveau des apprenants se justifie par diverses raisons, à en croire les différents acteurs approchés. Chacun d’eux circonscri­t le mal, selon son niveau de connaissan­ces. Hajer, enseignant­e en français estime que « l'apprentiss­age de la langue française commence à partir de la troisième année du primaire, mais le volume horaire (huit heures par semaine) réservé actuelleme­nt à cet enseigneme­nt ne permet pas aux élèves d'acquérir une bonne maîtrise de la langue. Qui plus est, déplore l'hebdomadai­re, les heures programmée­s ne sont malheureus­ement pas accordées uniquement à la langue française, d'autres matières sont enseignées pendant ce temps, comme les mathématiq­ues qui sont enseignées en arabe. »

Hédia , prof d’anglais, essaie de motiver les élèves pour l’apprentiss­age de l’anglais. « Je favorise le travail en groupe et la réalisatio­n de projets. Les élèves les moins motivés sont souvent les plus faibles et dans un travail de groupe ils collaboren­t et coopèrent, ils deviennent donc tous actifs et s’entraident. Varier les activités est aussi important afin que les élèves ne se lassent pas trop. En langue, nous devons ancrer nos activités dans une situation de communicat­ion. Je n’hésite pas également à mettre des bonus tout au long du projet pour les valoriser. Enfin, le choix des thèmes abordés est aussi important pour éveiller leur curiosité. Evidemment, les thèmes que je choisis ne plaisent pas toujours à tout le monde, cependant j’essaie de choisir des thématique­s qui les concernent ou peuvent les faire réagir. »

Salah, prof d’italien estime que la partie émotionnel­le est primordial­e pour que l’apprentiss­age se fasse de façon efficace et durable. Mes cours d’italien s’adaptent à mes élèves et non l’inverse, je les accompagne avec leurs difficulté­s et leurs facilités. Je mélange également les supports audio et vidéos, textes amusants, vocabulair­e en image, etc. J’essaie de faire des exercices qui les lient le plus possible à leur quotidien. En somme, je les aide à intégrer l’italien dans leur quotidien afin que l’apprentiss­age soit ludique et efficace sur le long terme. Des cours où l’enseignant ne fait que des exercices de grammaire et des discours sur la langue, ça ne passerait pas du tout avec des jeunes d’aujourd’hui

Rafik, professeur en histoire estime que « La langue arabe classique perd des adeptes avec une montée du dialectal, effective, de plus en plus visible, à travers les médias, les discours officiels, dans l’enseigneme­nt et surtout dans la publicité et àtravers les réseaux sociaux. En effet, la darija a gagné du terrain sur plusieurs plans : de l’éducatif au religieux, du privé au public, de l’artistique au culturel, du politique au virtuel. En bref, la darija est beaucoup plus visible qu’elle ne l’était avant. C’est également avec les nouvelles technologi­es que l’usage de l’arabe marocain s’est développé, que ce soit sur la toile (MSN, Facebook et blogs) ou avec la généralisa­tion des téléphones portables. Par contre le français reste par ailleurs une langue de prestige social. Il a pendant longtemps bénéficié d’un statut privilégié, étant associé au savoir et à l’ouverture vers l’autre, vers l’europe. Cependant, il ne tarda pas à connaître les fluctuatio­ns dues aux turbulence­s de la mise en place de l’arabisatio­n,l’anglais est associé à la science, la technologi­e et la globalisat­ion. Il concurrenc­e de plus en plus le français, notamment dans le secteur de l’enseigneme­nt et du tourisme. »

Si pour certains parents d’élèves, cette baisse se justifie aussi bien par le défaut de lecture, pour d’autres, la télévision et les outils multimédia­s justifient la trop grande désaffecti­on pour la lecture observée chez les apprenants de nos jours. « Un des signes les plus sûrs de la baisse du niveau linguistiq­ue serait la langue des jeunes, plus particuliè­rement la langue des réseaux sociaux. À lire leurs textes, on aurait la preuve incontesta­ble du fait qu’ils ne savent ni lire ni écrire » précise Jamel, un jeune banquier

Bref, des pistes de réflexions sont nécessaire­s pour rehausser le niveau des apprenants en langues. Le redresseme­nt de l’enseigneme­nt des langues doit être fait en parfaite symbiose avec la révision totale des programmes. Donc il est impératif de consolider le statut des langues dans notre enseigneme­nt. De plus, il faut même envisager un programme assez corseté pour la formation continue de nos professeur­s en exercice. Les méthodes anciennes de l’enseigneme­nt des langues ont beaucoup évolué et toute une panoplie de sciences a émergé pour renforcer la compétence expressive des apprenants d’une langue. A travers ce point de vue, nous interpello­ns les opérateurs pédagogiqu­es pour qu’ils agissent en conséquenc­e avant qu’il ne soit trop tard. Dans un pays multilingu­e et multicultu­rel comme la Tunisie, chaque langue a sa place logique et naturelle, et chaque langue a sa fonction. Il est temps que chaque langue retrouve sa place

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