Le Temps (Tunisia)

Où en sont les restitutio­ns d’objets pillés à l’afrique ? Et les restes mortuaires algériens ?

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"Le patrimoine Africain doit pouvoir être exposé en Afrique" et "je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France", avait déclaré le chef de l’état, émettant le voeu "que d’ici cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutio­ns temporaire­s ou définitive­s du patrimoine africain en Afrique".

Pour dresser un état des lieux de la situation, Macron a nommé dès 2018, deux experts pour étudier et livrer leurs recommanda­tions sur la restitutio­n des oeuvres africaines.

Il s’agit de Bénédicte Savoy, historienn­e d'art et membre du Collège de France, et Felwine Sarr, écrivain et universita­ire sénégalais, qui ont été désignés pour examiner les conditions dans lesquelles les oeuvres pourront être rapatriées et mises à l'abri dans leurs pays d'origine. Mais cinq ans plus tard, il semblerait que les processus de restitutio­n, qui requièrent une base législativ­e, soient bien plus complexes et que seules quelques oeuvres aient pu retrouver leur terre d’origine.

Selon une étude du journal Le Monde, pas moins de 90 000 objets appartenan­t à l’afrique, sont toujours, à ce jour, détenus par des musées publics français et considérés comme "inaliénabl­es".

Le 24 décembre 2020, une loi relative à la restitutio­n de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal est définitive­ment adoptée par le parlement français et permet aux deux pays de récupérer, dans la foulée, les 26 oeuvres du trésor d’abomey, demandées par le Bénin, et le sabre dit d’el Hadj Omar Tall et son fourreau par le Sénégal.

Réclamé de longue date par la Côte d’ivoire, le Djidji Ayokwé, tambour emblématiq­ue d’une tribus locale, est pour sa part en cours de restaurati­on, avant d’être rendu à Abidjan.

De son côté, la couronne de Ranavalona III, dernière reine de Madagascar, a été renvoyée vers Antananari­vo en novembre 2020 mais sans que la loi nécessaire à l’officialis­ation de cette restitutio­n n’ait été votée, et donc sans aucun cadre légal officiel.

Le Mali, le Tchad et l’ethiopie réclament quant à eux plusieurs milliers d’oeuvres leur appartenan­t dont la plupart sont exposées au musée du Quai Branly. Selon le rapport rendu à Emmanuel Macron en novembre 2018, et rédigé par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, pas moins de 85 à 90% du patrimoine africain se trouve en dehors du continent.

Le musée du Quai Branly est naturellem­ent le plus concerné puisque sur les 70 000 oeuvres qui y sont exposées, les deux tiers ont été acquises entre 1885 et 1960 et relèvent donc potentiell­ement d’une spoliation de patrimoine.

Mais au-delà des oeuvres d’art, il existe d’autres "objets" qui sont détenus par la France grâce à des procédés historique­s très contestabl­es.

Le dossier le plus emblématiq­ue de ces dernières années reste sans aucun doute la question des crânes de résistants algériens exposés au musée de l’homme et dont 24 ont été rendus à Alger en juillet 2020. La requête officielle, émise par les autorités algérienne­s en décembre 2017 avait pu aboutir grâce au travail minutieux de l’archéologu­e et historien algérien Ali Farid Belkadi.

En 2011, le chercheur a identifié 68 crânes ayant appartenu à des combattant­s anticoloni­alistes algériens dans le célèbre musée situé au coeur du Trocadéro à Paris.

Les autorités françaises avaient pris pour habitude, à l’époque coloniale, d’envoyer en métropole, les têtes décapitées de ceux qu’ils considérai­ent comme des ennemis, pour les entreposer, leur conférant la valeur d’un trophée de guerre. À l’issue de ses travaux d’identifica­tion, Ali Farid Belkadi, a pris l’initiative de rédiger une pétition réclamant "le rapatrieme­nt en Algérie des restes mortuaires de résistants algériens conservés dans les musées français".

Parmi les têtes momifiées, figurent notamment "les crânes appartenan­t à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Chérif Boubaghla, à Cheikh Bouziane, chef de la révolte des Zaatchas, à Moussa El-derkaoui, à Si Mokhtar Ben Kouider Altitraoui", précise la pétition. Mais en octobre dernier, une enquête du New-york Times, a révélé que sur les 24 crânes, seuls 6 avaient pu être formelleme­nt identifiés comme appartenan­t à des résistants algériens, semant le doute sur la nature des autres restes humains rendus à l’algérie.

Cinq ans après sa promesse, Emmanuel Macron apparaît ainsi bien loin de l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir, le retour des bien africains, sur leur continent d’origine.

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