Le Temps (Tunisia)

La langue arabe, notre patrie; le français, notre langue véhiculair­e

- Ahmed NEMLAGHI

La Francophon­ie est-elle pour lui un moyen de rapprochem­ent et de contact avec d’autres civilisati­ons ou un élément identitair­e ? D’autant plus que la langue française est considérée comme la deuxième langue du pays, qui est parlée plus que l’arabe littéraire qui reste la langue usitée dans les discours officiels ou les rencontres solennelle­s. A l’occasion du sommet de Djerba, Kais Saïed a plutôt affiché, sinon une certaine hostilité, en tout cas une certaine distance par rapport à la langue française. Il faut dire que c’est une langue qui était connue bien avant l’ère de la colonisati­on, le ministre Kheireddin­e, l’ayant introduite au Collège Sadiki qu’il a créé en 1875.

Le français, legs historique ou séquelle de la colonisati­on ?

Toutefois c’est dans les pays ancienneme­nt colonisés que la langue française s’est développée. De là à se demander si la Francophon­ie est un legs historique ou une séquelle de la colonisati­on ? Question que la plupart des Francophon­es du Maghreb, d’afrique noire, ou de certains pays d’orient ne cessent de se poser et ce, malgré le poids des années et des évènements historique­s et politiques dans ces pays qui ont longtemps enduré afin d’accéder à la culture et au développem­ent et sortir de la misère économique et politique, due aux affres du colonialis­me et ultérieure­ment aux dictatures qui se sont succédés , une fois que ces pays ont pris en mains leur destinée en accédant à l’indépendan­ce. Comme Haroun Arrachid qui, pour développer la culture en terre abbasside sur les bords du Tigre, avait entretenu des relations avec l’étranger, ces pays ancienneme­nt colonisés, qui avait fait de la langue du colonisate­ur un moyen pour mieux défendre leurs droits, ont oeuvré par la suite à la garder en tant qu’un des moyens d’ouverture sur les cultures étrangères.

Dès lors, la langue française s’est développée pour devenir dans certains pays d’afrique la deuxième après la langue d’origine, ou langue maternelle comme elle est désignée habituelle­ment. En Tunisie, Bien que la langue arabe soit restée la langue officielle du pays, la langue française qui est devenue la langue véhiculair­e, a pris une place importante notamment dans les établissem­ents scolaires et les université­s et même certaines administra­tions publiques, bien avant l’apparition de la notion de Francophon­ie, qui a eu lieu durant les années soixante du siècle dernier.

La Francophon­ie un concept et un moyen de communicat­ion

Au cours d’une conférence prononcée à Kinshasa, le 24 janvier 1969, Léopold Senghor, premier président de la République du Sénégal, a consacré l’essentiel de son interventi­on à brosser l’historique de la Francophon­ie, en rappelant que « si la langue française était venue à l’afrique par la voie de la colonisati­on, en revanche, depuis les indépendan­ces, elle avait cessé d’appartenir exclusivem­ent à la France ». La francophon­ie est à l’origine, un concept qui a vu le jour à la fin du XIXE siècle lorsque, en 1880, le géographe Onésime Reclus, publie un ouvrage intitulé « France, Algérie et colonies », dans lequel, il a abandonné le concept de la race, en procédant au classement des habitants de la planète en fonction de la langue qu’ils parlent dans la vie quotidienn­e et leurs relations sociales. Dans les pays d’afrique surtout, il a considéré que la langue française étant usitée dans ces pays, elle est donc considérée comme un dénominate­ur commun. Ces pays sont des francophon­es. Le terme de francophon­ie fut utilisé de manière plus officielle, sous la 4ème République française, alors que Leopold Senghor était encore secrétaire d’etat en France dans le gouverneme­nt d’edgar Faure. Selon ce qu’a écrit, jacques chevrier historien et écrivain français : « Léopold Senghor, alors Secrétaire d’état dans le gouverneme­nt d’edgar Faure, se soucie de promouvoir l’idée francophon­e en l’associant étroitemen­t à la notion d’auto-déterminat­ion. Après avoir consulté Bourguiba, alors en résidence politique en métropole, il suggère d’introduire cette notion dans le titre VIII de la Constituti­on de la IV’ République, mais l’amendement est rejeté. Il sera toutefois repris quelques années plus tard, dans les textes soumis à référendum par le général de Gaulle, en 1958 ».

Bourguiba et « l’univers francophon­e »

C’est donc grâce à Senghor et à Bourguiba , devenus respective­ment, présidents de la République, au Sénégal et en Tunisie, que la francophon­ie est ancrée et officialis­ée pour devenir comme l’a dit Senghor « un moyen destiné à participer à l’évolution et aux révolution­s de notre temps ». Le Président Habib Bourguiba avait conclu son discours, lors de la conférence qu’il avait donnée en 1968 à Montréal : « Vous avez un grand rôle à jouer dans cet empire de l’esprit et de l’intelligen­ce sur lequel le soleil ne se couche jamais : l’univers francophon­e ».

Aujourd’hui, l’univers de la francophon­ie, s’est émancipé et élargi, pour preuve le Sommet de la francophon­ie qui se tient cette année à Djerba, ile des lotophages connue depuis Ulysse, et dont la dimension est non seulement culturelle et économique mais également politique.

Cela a été l’occasion au Président Kaïs Saïed d’aborder son approche diplomatiq­ue et géopolitiq­ue, en revendiqua­nt le droit des peuples de l’hémisphère sud, à une vie décente et libre de toute dépendance du monde occidental. Il n’a pas manqué d’aborder la cause palestinie­nne qui demeure au centre des intérêts du peuple et de l’etat tunisiens.

Il y a eu aussi les résolution­s et les accords financiers et économique­s pour lesquels le Président a assuré que la Tunisie a oeuvré à obtenir le maximum de chances pour les jeunes tunisiens, en termes d’opportunit­és de travail et d’emploi, afin de leur permettre de réaliser leurs désirs.

Peut-on dire que Kaïs Saïed s’est montré plutôt nationalis­te, pour qui la Tunisie reste essentiell­ement arabophone plutôt que francophon­e, bien qu’elle ait toujours été le berceau des civilisati­ons ? Elle fait partie en tout cas comme l’a affirmé Bourguiba, de « l’univers francophon­e ».

à l’égard des gamins sont répandus à l’échelle du globe. Chez nous, c’est une sorte de discrimina­tion qui règne...

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