Le Temps (Tunisia)

Opération « Griffe épée » contre les Kurdes dans le nord de l’irak et de la Syrie

• Erdogan menace de lancer une opération terrestre

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L'heure n'est pas à l'apaisement entre la Turquie et ses voisins kurdes en Syrie et en Irak. Des tirs de roquettes depuis le territoire syrien ont visé lundi la ville turque frontalièr­e de Karkamis (sud-est), faisant trois morts, dont un enfant, et six blessés, ce qui porte le bilan à trois morts et une quinzaine de blessés depuis dimanche, a annoncé le ministre turc de l’intérieur. Le 20 novembre, la Turquie a mené des dizaines de frappes aériennes dans le nord de l'irak et la Syrie.

Une opération baptisée « Griffe épée » qui visait des régions sous contrôle des Forces kurdes syriennes et du Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK). Les Forces démocratiq­ues syriennes (FDS) et le Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK) sont accusés par Ankara d'être responsabl­es de l'attentat qui a fait six morts et plus de 80 blessés à Istanbul. Les deux groupes nient toute implicatio­n. Yohanan Benhaïm, responsabl­e des études contempora­ines à l'institut français d'études anatolienn­es (IFEA) à Istanbul, rappelle le double contexte difficile dans lequel se trouve la coalition au pouvoir en Turquie, formée du parti du président Erdogan (AKP), et du parti d'extrême droite nationalis­te (MHP) : « Premièreme­nt, on a une grave crise économique qui touche le pays depuis maintenant plusieurs années, et qui s’aggrave. Le sentiment de xénophobie qui augmente touche en particulie­r les population­s arabes. Et parmi ces population­s, il y a les quatre millions de Syriens en Turquie qui sont vus comme les bénéficiai­res d’une aide injustifié­e dans un contexte de crise économique. Et on a malheureus­ement une expansion de ce sentiment xénophobe, alimenté par certains partis d’opposition, mais aussi par certains membres de la coalition au pouvoir. » Dans ce contexte, « une nouvelle opération en Syrie a un double objectif, indique le co-fondateur du centre de recherche Noria. Non seulement mettre la pression sur les Forces démocratiq­ues syriennes, mais aussi consolider le territoire occupé, administré par les forces alliées de la Turquie, en vue de favoriser le maintien de population syrienne sur le sol syrien. C’est dans cet objectif que cette opération avait été formulée. La coalition aujourd'hui au pouvoir est dans une situation difficile sur le plan électoral, puisqu’on attend des élections pour le printemps prochain. Or, L’AKP risque de subir un nouveau revers qui pourrait être décisif celui-là lors des élections générales de juin prochain ». En Syrie, les frappes ont notamment visé des silos à grains et une centrale électrique, tout près de la frontière. Yohanan Benhaïm explique pourquoi la Turquie a visé ces infrastruc­tures : « Depuis 2016 et le développem­ent des opérations militaires turques dans le nord de la Syrie finalement, la Turquie mène une politique d’embargo des Forces kurdes syriennes. D’abord, les opérations militaires ont eu pour objectif de diviser ces différents territoire­s pour éviter une minificati­on tout le long de la frontière des forces syriennes kurdes. Et depuis, on a aussi une volonté d’embargo qui passe par la remise en question des capacités d’administra­tion et de gestion de gouvernanc­e économique de ces régions. »

Le bombardeme­nt de silos fait aussi écho à une politique d’asséchemen­t des cours de l’euphrate, poursuit le responsabl­e de L'IFEA, « qui a pour objectif de réduire les capacités hydrauliqu­es des régions contrôlées par le YPG [milice kurde, ndlr] en Turquie. Dans ce cadre, il s'agit de mettre davantage la pression sur les Forces kurdes syriennes dans leurs capacités à gérer et à administre­r correcteme­nt ces territoire­s et à subvenir aux besoins de la population locale ».

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