Un service public qui perd ses repères
C’est le cas par exemple du décret 54 qui contrevient au principe de la liberté de presse, régie en principe par le décret 115, toujours en vigueur, mais appliqué au gré des circonstances et selon l’orientation politique de la personne poursuivie. A titre d’exemple, plusieurs personnes, ont été traduites pour leurs écrits sur la base de ce décret, alors que d’autres ont été traduits pour les mêmes faits sur la base du décret 115, la dernière affaire en date étant celle qui a opposé l’universitaire Mouna Kraiem, à l’ancienne directrice du cabinet présidentiel Nadia Akacha, qui a été condamnée mercredi dernier à une amende ainsi qu’à des dommages-intérêts pour diffamation. Alors que dernièrement, Najla Bouden la cheffe du gouvernement a fait traduire un directeur d’un journal électronique de la place devant la justice pour diffamation sur la base du décret 54. Est-ce la pratique des deux poids deux mesures ou est-ce que ce décret est réservé pour les membres de l’etat ?
Réitéré par Kais Saïed à tout bout de champ, chaque fois qu’il rencontre la ministre de la justice ou le ministre de l’intérieur, ce principe ne doit pas constituer un simple symbole, car il doit être appliqué sur le terrain. Or nous assistons à une justice divisée et des magistrats tiraillés entre ceux qui se placent purement et simplement sous l’autorité de l’exécutif et ceux qui contestent une ingérence de ce dernier dans la justice. Or Kais Saied est convaincu que « la situation ne peut être rétablie dans tous les services et au sein de la société qu’à travers une justice équitable et des magistrats indépendants ».
Seulement la justice équitable n’est pas constituée uniquement de magistrats qui appliquent la loi, mais aussi de tout un processus judiciaire tendant à préserver l’équité et l’égalité de tous devant la loi. C’est l’unicité du système judiciaire qui permet l’application équitable de la loi. La dichotomie qui existe actuellement au sein du corps judiciaire, ne facilite pas la tâche et ne permet pas d’agir en faveur de la suprématie de la loi surtout lorsqu’intervient le facteur politique, pour appliquer la loi selon la conjoncture du moment. C’est notamment en période d’etat d’exception au cours de laquelle le chef de l’exécutif agit par décret que cela est avéré. D’ailleurs, aucun juge ne s’est permis à l’occasion de l’examen d’une affaire, de se prononcer sur la constitutionnalité de l’un des décretloi. D’autant plus qu’il n’y pas encore de Cour constitutionnelle, seule compétente pour annuler un décret-loi, jugé inconstitutionnel.
Décret 115 toujours en vigueur mais pas souvent appliqué
C’est le cas par exemple du décret 54 qui contrevient au principe de la liberté de presse, régie en principe par le décret 115, toujours en vigueur, mais appliqué au gré des circonstances et selon l’orientation politique de la personne poursuivie. A titre d’exemple, plusieurs personnes, ont été traduites pour leurs écrits sur la base de ce décret, alors que d’autres ont été traduits pour les mêmes faits sur la base du décret 115, la dernière affaire en date étant celle qui a opposé l’universitaire Mouna Kraiem, à l’ancienne directrice du cabinet présidentiel Nadia Akacha, qui a été condamnée mercredi dernier à une amende ainsi qu’à des dommages-intérêts pour diffamation. Alors que dernièrement, Najla Bouden la cheffe du gouvernement a fait traduire un directeur d’un journal électronique de la place devant la justice pour diffamation sur la base du décret 54. Est-ce la pratique des deux poids deux mesures ou est-ce que ce décret est réservé pour les membres de l’etat ? En tout état de cause et selon la plupart des observateurs l’équité et l’égalité de tous devant la loi fait défaut, dans ces affaires où il y a une certaine sélection selon les personnes poursuivies et non selon la nature de l’affaire.
Compétence du Tribunal militaire contestée
Il en va de même pour les juridictions militaires, devant les quelles sont traduits des civils, alors que, quelles que soient les faits, ces juridictions ne peuvent juger que des militaires. Quoique dans certains faits d’une certaine gravité, le tribunal militaire peut être compétent, mais seulement dans le cadre des infractions prévues par le code militaire, et en tous les cas ce n’est pour une diffamation que cette juridiction est compétente.
Par ailleurs l’indépendance de la justice est primordiale pour une application équitable de la loi. Cependant, et étant donné cette dichotome qui existe actuellement au sein du corps des magistrats il est difficile de parler d’indépendance alors que le conseil supérieur de la magistrature a été dissous et remplacé par un conseil provisoire qui ne fait que durer, et dont le président propose certaines suggestions pour laisser le chef de l’exécutif en disposer.
Service public de la justice ébranlé
La rencontre dernièrement, entre Kais Saied et sa ministre de la justice Leila Jaffel a porté sur le fonctionnement du service public de la justice ainsi que le rôle de l’inspection générale du ministère de la Justice. Seulement, le service public de la justice ne peut fonctionner que dans l’homogénéité de ses membres. Mais dans la situation actuelle c’est cette grave fissure au sein du corps judiciaire qui inquiète. En effet, entre des magistrats révoqués, qui sont dans l’expectative, car ils attendent que le tribunal administratif se prononce sur leur cas en ce qui concerne le fond, et des structures judiciaires qui demandent encore l’annulation du décret de révocation desdits magistrats, le service public de la justice ne peut fonctionner dans la sérénité nécessaire en vue d’une application équitable de la loi.
Au final c’est le justiciable qui en écope et sa confiance en la justice ne fait que s’amenuiser comme une peau de chagrin. Car, tant que le judiciaire est supplanté par le politique, on ne peut parler de suprématie de la loi ni de justice équitable.