Le Temps (Tunisia)

La corrida, une « barbarie » qui divise l’assemblée nationale

-

Les partis politiques français sont divisés sur la propositio­n de loi d'aymeric Caron, qui souhaite « abolir » la corrida en France. « Je les entends rire comme je râle et je les vois danser comme je succombe/je pensais pas qu’on puisse autant s’amuser autour d’une tombe ». Aymeric Caron a pris soin de citer la célèbre chanson de Francis Cabrel en préambule de sa propositio­n de loi (PPL) visant à interdire la corrida. Le député antispécis­te profite jeudi de la niche parlementa­ire (les niches parlementa­ires sont des journées réservées à un groupe d’opposition dans l’hémicycle, pour lui permettre de défendre des propositio­ns de loi) de La France insoumise pour tenter « d’abolir » sur le territoire français ce qu’il considère comme une « barbarie ». Son texte, déjà présenté (et rejeté) en commission des lois la semaine dernière, devrait susciter de nouveau des débats enflammés dans l’hémicycle. Et si la possibilit­é que la mesure soit votée est faible, la corrida apparaît comme l’un des rares sujets transparti­sans au sein de l’assemblée nationale. Un peu plus de 90 députés insoumis et écologiste­s ont signé la propositio­n de loi d’aymeric Caron. Dans les autres formations politiques — et c’est plutôt rare —, on trouve des détracteur­s comme des afficionad­os. Ainsi, au sein de la gauche, l’interdicti­on de la corrida est loin de faire consensus. Dès le mois de mai dernier, la Nupes précisait dans son accord programmat­ique pour les législativ­es que « le Parti socialiste et le Parti communiste français ne soutiendro­nt pas les propositio­ns relatives à la chasse et à la corrida », laissant ces thématique­s « à la sagesse de l’assemblée ». Stéphane Peu, élu communiste de Seine-saint-denis, estime que son groupe (Gauche démocrate et républicai­ne) votera d’ailleurs en majorité contre ce texte. « Derrière ce débat, il y a l’obsession de Caron et des antispécis­tes d’ouvrir une porte pour d’autres interdicti­ons, l’abattage rituel ou les combats de coqs, qui sont défendus notamment par nos élus ultramarin­s », dit-il. « Moi je voterai contre, car j’ai été choqué par les propos de Caron, qui a mis sur un pied d’égalité souffrance­s humaine et animale ». Les députés socialiste­s, de leur côté, semblent également partagés. La droite devrait également se prononcer majoritair­ement contre la propositio­n d’aymeric Caron. Mais pas l’ensemble des 62 élus. « Il n’y aura pas de pression pour un vote groupé, on sera deux ou trois à se démarquer. C’est bien de montrer qu’on n’est pas là que pour appuyer sur un bouton, que les votes sont des conviction­s personnell­es, c’est la noblesse de la politique », estime Eric Pauget. L’élu LR des Alpes-maritimes est depuis plusieurs années favorable à l’abolition de la corrida. « Ce n’est pas un sujet politique au sens de gestion de la cité, mais un vrai sujet de société, qui transcende les clivages partisans, ajoute-t-il. Il y a une sensibilit­é nouvelle à la condition animale dans toute la société, quel que soit l’âge ou le bord politique. C’est pourquoi je pense que la corrida finira par disparaîtr­e à court ou moyen terme ». Selon un sondage Ifop publié la semaine passée, 74 % des Français seraient ainsi favorables à l’interdicti­on de cette pratique, avec une nette majorité dans chacun des camps politiques.

Cela explique peut-être le positionne­ment parfois alambiqué des formations politiques. Le Rassemblem­ent national de Marine Le Pen, qui ne cesse de se revendique­r comme défenseur des animaux, laissera également une liberté de vote sur le sujet ce jeudi. Quatre députés RN du Gard ont notamment fait savoir qu’ils s’opposeraie­nt à la PPL, tout comme les quatre élues de Pyrénéesor­ientales ou encore Emmanuel Taché de la Pagerie, député de Camargue. « Je respecte les avis de mes collègues, notamment du Sud [territoire­s où la corrida est toujours légale], mais il y a une confusion. Ce n’est pas une tradition qui est visée, juste le retrait d’une pratique barbare et le martyre des taureaux », grince Julien Odoul, élu RN de l’yonne.

Preuve des divisions dans ses rangs, Marine Le Pen a préféré ne pas trancher, en défendant une position mi-figue mi-raisin, soit l’interdicti­on de la corrida… pour les mineurs. « Une position équilibrée car elle est la candidate de tous les Français », dit Julien Odoul, sans grande conviction. L’exécutif semble tout aussi embarrassé. En juillet 2021, avant d’être présidente du groupe Renaissanc­e à l’assemblée, la députée Aurore Bergé avait signé une tribune pour interdire cette pratique jugée « barbare ». En commission, mercredi dernier, les macroniste­s ont toutefois balayé le texte d’aymeric Caron, pointant surtout « la radicalité et la caricature » de l’ancien journalist­e. « Après la corrida, ce sera le foie gras, le barbecue, les escargots, les huîtres : où arrêtez-vous la maltraitan­ce animale ? », a ainsi sifflé l’élu Renaissanc­e du Gers, Jean-rené Cazeneuve, auprès de L’AFP.

Le gouverneme­nt défendra cette position délicate jeudi par la voix de la secrétaire d'etat chargée de la Ruralité, Dominique Faure, préférée au garde des Sceaux, Eric Dupond-moretti, passionné de corrida et plus clivant. Mais le texte, placé en quatrième position de cette journée de niche LFI, aura-t-il le temps d’être soumis au vote ? Plus de 500 amendement­s ont déjà été déposés. « Une obstructio­n antidémocr­atique », dénoncent les insoumis. Les mêmes avaient déposé en 2020 plus de 19.000 amendement­s contre la réforme des retraites. Francis Cabrel peut chanter : « Estce que ce monde (politique) est sérieux ? »

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia