Le Temps (Tunisia)

Les alchimies dangereuse­s (la peinture) font des ravages

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Près d’un million de personnes meurent chaque année d’un empoisonne­ment au plomb, a alerté, lundi, l'organisati­on mondiale de la Santé, et ce, à l’occasion de la Semaine internatio­nale pour la prévention de l’intoxicati­on au plomb, ajoutant que de nombreux enfants sont aussi exposés à de faibles niveaux de plomb, ce qui entraîne des problèmes de santé à vie, notamment l’anémie, l’hypertensi­on, l’immunotoxi­cité et la toxicité pour les organes reproducte­urs. Appelée saturnisme, en référence à la planète Saturne, symbole du plomb en alchimie, cette maladie peut avoir des effets neurologiq­ues et comporteme­ntaux irréversib­les, et son exposition est particuliè­rement dangereuse pour le cerveau en développem­ent des enfants -ils absorbent 4 à 5 fois plus de plomb par quantité ingérée que les adultes- et entraîner une réduction du quotient intellectu­el.

La contaminat­ion de l'environnem­ent source d’exposition

Selon L'UNICEF, un enfant sur trois, c'est-à-dire jusqu'à 800 millions dans le monde, possède un taux de plombémie égale ou supérieure à 5 —g/dl (microgramm­e par décilitre). Et une action mondiale immédiate est nécessaire pour résoudre ce problème, selon la Directrice à L’OMS du Départemen­t Environnem­ent et santé. Il faut savoir que le plomb est une substance toxique qui s’accumule dans l’organisme et a une incidence sur de multiples systèmes organiques. Il est particuliè­rement nocif pour les jeunes enfants. Le plomb se diffuse dans l’organisme vers le cerveau, le foie, les reins et les os. Il est stocké dans les dents et les os, où il s’accumule au fil du temps.

Selon L’OMS, l’exposition au plomb est responsabl­e de 21,7 millions d’années perdues en termes d’invalidité et de décès dans le monde, en raison de ses effets à long terme sur la santé, ajoutant, d'autre part, que 30 % de la déficience intellectu­elle idiopathiq­ue (c'est-à-dire d'une maladie qui a son existence propre et n'est donc pas la conséquenc­e d'une autre), 4,6 % des maladies cardiovasc­ulaires, et 3 % des maladies rénales chroniques peuvent être attribuées à l’exposition au plomb.

Selon L'ONU, les principale­s sources d’exposition sont la contaminat­ion de l’environnem­ent par le recyclage des accumulate­urs au plomb et par des activités d’extraction et de fusion du plomb mal contrôlées, l’utilisatio­n de remèdes traditionn­els contenant du plomb, les glaçures céramiques au plomb utilisées dans les récipients alimentair­es, les tuyaux en plomb et autres composants contenant du plomb dans les systèmes de distributi­on d’eau, et la peinture au plomb. Elle a ajouté qu'il

Notre pays, lui, n'a pas encore de contrôles pour limiter la production, l'importatio­n et la vente de peintures au plomb et lutter contre l'intoxicati­on au plomb, et, accuse, ainsi un retard par rapport à nombre de pays. existe de nombreuses sources d’exposition au plomb dans les milieux industriel­s tels que les mines et les fonderies, le recyclage des déchets électroniq­ues et des batteries au plomb, la plomberie et les munitions dans des milieux susceptibl­es d’exposer les enfants et les adolescent­s, en particulie­r dans les économies en développem­ent. Notons que plus des trois quarts de la consommati­on mondiale de plomb est consacrée à la fabricatio­n des batteries plomb-acide pour véhicules motorisés. L’exposition peut également se produire dans des environnem­ents non industriel­s, car on trouve de la peinture au plomb dans les maisons, les écoles, les hôpitaux et les terrains de jeux. Ainsi, les enfants peuvent ingérer des flocons et de la poussière provenant de jouets ou de surfaces peintes au plomb, ou être exposés par le biais de céramiques émaillées au plomb et de certains médicament­s et cosmétique­s traditionn­els, tels que le kohl et le sindoor (poudre rouge que les femmes indiennes mariées portent le long de la séparation des cheveux) même si, selon la cheffe d'unité sécurité chimique à L'OMS, des progrès considérab­les ont été réalisés grâce à une réduction significat­ive de l'utilisatio­n du plomb dans les peintures au cours des dix dernières années.

En ce qui concerne les femmes enceintes, le plomb présent dans les os passe dans le sang pendant la grossesse, et le foetus y est donc exposé au cours de son développem­ent. Selon L'OMS, l’exposition des femmes enceintes à des concentrat­ions élevées de plomb peut entraîner des fausses couches, des mortinaiss­ances, des naissances prématurée­s, et un faible poids de naissance.

La peinture au plomb est encore autorisée en Tunisie

Même si plus de 84 pays (dont ne fait pas partie la Tunisie), soit 45 %, disposent désormais de contrôles juridiquem­ent contraigna­nts pour limiter la production, l’importatio­n et la vente de peintures au plomb, il reste encore du travail à faire selon L'OMS, qui recommande que la source d’exposition au plomb soit identifiée et que des mesures soient prises pour réduire et mettre fin à l’exposition de toutes les personnes dont la plombémie est supérieure à 5ug/dl, et appelle tous les pays à interdire les peintures au plomb, à identifier et à éliminer toutes les sources d’exposition des enfants au plomb. Il s’agit également d’éduquer le public sur les dangers d’une mauvaise utilisatio­n des produits contenant du plomb et à dire non au saturnisme.

Justement, dire non au saturnisme est le thème la dixième Semaine internatio­nale de prévention de l'empoisonne­ment au plomb (SIPIP/ILPPW en anglais) qui a débuté le 23 octobre pour se clore le 29 du même mois. L'OMS a pour objectif, à travers la campagne de cette année, de rappeler aux gouverneme­nts, aux organisati­ons de la société civile, aux partenaire­s de la santé, à l'industrie et à d'autres, les risques inacceptab­les de l'exposition au plomb et la nécessité d'agir.

L'OMS a souligné que la peinture au plomb est encore autorisée dans de nombreux pays et que des mesures doivent être prise dans plus de 50 % des Etats pour éliminer ce problème. Parmi ces pays, la Tunisie.

Le 13 juillet dernier, s'est tenue la troisième discussion de la communauté de pratique sur le plomb dans la peinture, organisée par le Secrétaria­t de l'approche stratégiqu­e de la gestion internatio­nale des produits chimiques (SAICM) et l'université de Cape Town. A la question : pour ceux qui ont organisé des événements lors de campagnes précédente­s de la ILPPW, quels types d'activités ont eu lieu et comment ont-elles contribué à l'objectif d'éliminatio­n de la peinture au plomb ? Si vous n'avez pas organisé d'événements jusqu'à présent, quels ont été les obstacles à la participat­ion ? Les représenta­nts de notre gouverneme­nt ont répondu que La Tunisie a organisé deux séminaires en 2018 et en 2021 avec la collaborat­ion du ministère de la Santé et du ministère de l'environnem­ent et des ONG. Toutes les parties prenantes étaient présentes à ces événements (industrie, décideurs politiques, ONG, etc.). Après cela, un projet de nouveau règlement a été préparé et est actuelleme­nt en discussion à la question. Ajoutant qu'en 2018, il y a eu une campagne de dépistage du plomb dans les peintures solvantées.

A la question : quels événements ou activités prévoyez-vous pour L'ILPPW de cette année en octobre 2022 ? Si vous n'avez pas encore commencé à planifier des activités, quels types d'événements pourriez-vous planifier ? Les représenta­nts de notre gouverneme­nt ont répondu qu'il est toujours nécessaire de coordonner avec les parties prenantes pour planifier. En septembre prochain (le mois dernier), il y a une importante réunion avec l'industrie pour discuter du nouveau projet de règlement.

Des réponses, presque laconiques, qui nous laissent dans l’expectativ­e sur l'éliminatio­n de la peinture au plomb chez nous. Il faut dire que le gouverneme­nt a en face de lui les industriel­s des peintures qui continuent à fabriquer des peintures domestique­s au plomb.

Zouhour HARBAOUI

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