Le Temps (Tunisia)

…Et s’il s’agissait d’une pieuvre appelée « Etat profond » ?

Les institutio­ns de l’etat « filtrées » comme le dit Saied ? Qu’a voulu insinuer le Président de la République en déclarant lors de sa leur tendances politiques et les clans auxquels ils appartienn­ent, y compris rencontre avec la cheffe du gouverneme­nt Ne

- Ahmed NEMLAGHI

D’aucuns affirmant qu’il vise les opposants qui du reste, étaient déjà là avant son avènement et qui se sont petit à petit révélés notamment depuis l’action d’une lutte sans merci contre la corruption, les malversati­ons et le terrorisme, qu’il a commencé à mener dès l’annonce de l’etat d’exception, le gel de l’ancien parlement et la suspension des députés. D’autres soutenant qu’il s’agit surtout de ceux qui, ont commencé à nouer des relations avec des parties opposées à Kais Saied, avant le mouvement du 25 juillet et ont continué sur leur lancée tout en gardant la main sur certaines institutio­ns de l’etat. C’était le cas de l’ancien chef du gouverneme­nt Hichem Mechichi , qui bien que choisi par le chef de l’etat, conforméme­nt à la constituti­on de 2014, a joué la carte du mouvement Ennahdha et a commencé dès le jour de son investitur­e à gagner leur sympathie. Mais il a été très vite trahi par son double jeu qui était gros comme une maison. C’est le cas aussi d’un certain maire qui se croyait le seul maître à bord en déplorant le fait qu’il ne soit pas avisé à temps de la visite dans « sa ville » de Kais Saied venu à la mosquée accomplir la prière du vendredi, ou encore du gouverneur qui a refusé de permettre de célébrer la fête de l’évacuation du 15 octobre 1963, jour qui a marqué le départ des dernières forces étrangères restées en Tunisie après l’indépendan­ce.

Le ver est dans le fruit

Cela n’est que la partie émergée de l’iceberg, car le ver est dans le fruit depuis longtemps. Kais Saied a déploré « le nombre non négligeabl­e de ces éléments qui se sont infiltrés dans les institutio­ns de l’etat en vue d’en bloquer la marche normale ». Or le blocage viendrait du fait que certains ne se conforment pas à la loi dans l’exercice de leurs fonctions et ce, par moult dépassemen­ts allant du copinage jusqu’à la corruption, le détourneme­nt de fonds ou le blanchimen­t d’argent.

Est-ce ceux-là que visent particuliè­rement le Président de la République ? Pour certains ce sont tous les actes contraires à la loi commis au sein des institutio­ns qui sont concernés. Cependant que pour d’autres ce sont surtout les opposants au régime qui dans l’apparence se proclament des principes de droits et des libertés. C’est le cas de certains syndicats de la fonction publique chez qui des dépassemen­ts, voire des détourneme­nts de fonds ont été constatés, à l’instar du syndicat des greffiers de la justice ou certains syndicats des forces de l’ordre. Mais ce n’est pas une raison pour généralise­r. Le droit syndical étant un droit constituti­onnel, et la défense des droits par un fonctionna­ire membre d’un syndicat profession­nel ne peut être considérée comme un dépassemen­t. Sauf que dans l’exercice de sa fonction il doit être neutre abstractio­n faite de toute appartenan­ce politique.

Or il y a toujours eu des considérat­ions d’appartenan­ces politiques, et c’est ce qui a longtemps nui au pays. Durant l’ancien régime, ceux qui étaient affiliés, du parti au pouvoir, ou même les simples sympathisa­nts, avaient un régime de faveur. Ils pouvaient par exemple accéder facilement à un emploi, les malversati­ons et la corruption y aidant. Ceux qui étaient considérés comme des opposants, étaient dans une mauvaise posture, notamment au sein de la fonction publique. Sans parler de ceux qui osaient dénoncer les injustices et les pratiques des deux poids deux mesures. On se rappellera toujours de ce qu’ont enduré ceux parmi des fonctionna­ires qui défendaien­t leurs droits et ceux de leurs collègues. Rien qu’à citer le cas du juge feu Mokhtar Yahiaoui qui a subi les pires des exactions car il a osé attirer l’attention du président de la République à l’époque, dans une lettre ouverte, sur les pratiques honteuses et les différente­s infraction­s à la loi et qui revendiqua­it le rétablisse­ment d’un Etat de droit.

Si bien qu’il faut faire la part des choses entre la neutralité d’un fonctionna­ire au cours de l’exercice de sa fonction et son attitude en tant que citoyen ou représenta­nt d’une structure syndicale ou judiciaire.

Certes et comme l’a affirmé le Président de la République la neutralité constitue le principe primordial sur lequel «

Appartenan­ces politiques et régimes de faveur La part des choses

repose le fonctionne­ment des services publics, loin de toute appartenan­ce politique ». Cependant et selon la plupart des observateu­rs, un fonctionna­ire tel qu’un juge par exemple a le droit de s’exprimer pour dénoncer des injustices et des atteintes aux droits et aux libertés, en dehors de l’exercice de sa profession.

C’est ce qui devrait être dans tous les secteurs publics de l’etat. Autant un fonctionna­ire est tenu d’être neutre dans l’exercice de sa fonction, autant il ne doit pas être persécuté à cause de ses appartenan­ces politiques. A moins qu’il n’ait commis des dépassemen­ts ou des infraction­s à la loi. C’est là un principe intangible, dont le respect est nécessaire pour la pérennité de l’etat de droit.

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